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Coupe du monde de rugby 2023 - Désignation, rencontre des staffs : Romain Poite raconte la préparation d'un arbitre avant un grand match

Par Paul Arnould
  • Romain Poite, ancien arbitre international, ici à la Coupe du monde 2019.
    Romain Poite, ancien arbitre international, ici à la Coupe du monde 2019. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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World Rugby a communiqué l’identité des arbitres qui officieront pour les quarts de finale de la Coupe du monde. Ben O'Keeffe arbitrera France – Afrique du Sud. Notre consultant Romain Poite vous explique comment se déroulent ces désignations et la préparation d’un arbitre pour un tel match.

Le Néo-Zélandais Ben O’Keeffe aura l’honneur (et la pression) d’arbitrer le quart de finale entre la France et l’Afrique du Sud, dimanche soir. Une récompense pour celui qui dispute son deuxième Mondial et qui sera au sifflet pour la première fois de sa carrière sur un quart de finale. Les arbitres des trois autres rencontres sont également connus. Si l’expérimenté Wayne Barnes arbitrera le choc entre l’Irlande et la Nouvelle-Zélande, Jaco Peyper sera au sifflet pour pays de Galles – Argentine et Mathieu Raynal, seul arbitre de champ français de la compétition, officiera sur Angleterre – Fidji. Romain Poite, consultant Rugbyrama/Midi Olympique pendant toute la Coupe du monde et ancien arbitre international, raconte comment se déroulent les désignations des arbitres pour les phases finales : "Sur les précédentes Coupes du monde, le staff des arbitres composé de Joël Jutge, le big boss, mais aussi de sélectionneurs Craig Joubert, Tony Spreadbury, et Bryce Lawrence - a déjà une vision avant la compétition sur les arbitres qui pourraient officier sur les phases finales. . Cette vision est validée par les performances pendant la compétition et par du contrôle continu. Ensuite, il y a des entretiens individuels avant la réunion collective où ils annoncent leur décision."

Comment se passe l’évaluation d’un arbitre ?

La performance des arbitres est analysée comme celle d’un joueur professionnel. "Il y a une supervision à chaque match comme dans toutes les compétitions qui sanctionnent les performances arbitrales. Au niveau international, la future désignation est validée ou pas, par tes performances pendant la compétition précédente, ici la phase de poules. Aujourd’hui, il y a des pourcentages de réussite et de précision par rapport aux décisions prises ou non-décisions. Plus le pourcentage est élevé, plus l’arbitre postule ou perd du crédit pour la suite si ce pourcentage n'est pas assez marqué. Le staff des arbitres analyse tous les matchs, il y a aussi le superviseur ou sélectionneur qui fait un retour plus individualisé sur la performance. Les arbitres ont l’objectivité de savoir quand ils ont fait un bon match ou qu’ils n’ont pas été à la hauteur de l’événement." Ainsi, Romain Poite avait appris à la dernière Coupe du monde qu’il n’officierait pas pour un quart de finale. "En 2019, j’avais été convoqué à la veille de la réunion pour m’annoncer que je ne participerai pas aux phases finales en tant qu'arbitre de champ, car lors d'un match sur la phase de poules, j’avais pris la décision de mettre un carton jaune au lieu d’un carton rouge, décision attendue par le comité de sélection."

Comment se déroule la préparation d’un arbitre ?

Cette désignation connue, l’arbitre débute ensuite la préparation de son match. "Physiquement, c’est plus de l’entretien, explique Romain Poite. Généralement, tu es déjà en forme, et en 2019, du moins, l’arbitre se préparait comme il le sentait, soit de son côté, soit en utilisant les séances physiques qui lui sont proposées." C’est surtout le travail analytique qui occupe une grande partie de la semaine. "Avec les juges de touche et l’arbitre vidéo, tu analyses les deux nations en faisant des constats de comportements que tu peux trouver déviants, ou des problématiques par rapport à la règle. Évidemment, les staffs des deux nations sensibilisent des points qui pour eux leur semblent en dehors de la règle." Les entraîneurs des quarts de finalistes peuvent-ils rencontrer l’arbitre ? "Tout est centralisé par le staff des arbitres. Ce sont eux qui décident s’ils mettent en relation le quatuor avec la nation ou s’ils décident de gérer eux-mêmes la relation pour ne pas mettre trop de pression sur l’arbitre de champ. Mais de façon générale, tu dois être à la disposition des staffs le vendredi pour éventuellement rencontrer les entraîneurs, ce qui est souvent le cas lors des rencontres internationales durant une saison régulière."

Romain Poite a d’ailleurs une anecdote à ce sujet. Rappelez-vous le Tournoi des 6 Nations 2017. En déplacement à Twickenham, les Italiens innovent et surprennent avec les fameux "rucks fantômes". Concrètement, ils décident de ne pas former de regroupements et donc de casser la règle de hors-jeu pour s’avancer dans le camp adverse et ainsi couper les lignes de passes. "J’étais l’arbitre de ce match, et les Italiens étaient venus me voir la veille pour vérifier si cette tactique était bien autorisée (elle ne l’est plus depuis l’été de la même année après une modification du règlement par World Rugby, N.D.L.R.) et jusqu’où allait ma limite par rapport à ce comportement-là."

Les Italiens et les "rucks fantômes" lors du Tournoi des 6 Nations 2017.
Les Italiens et les "rucks fantômes" lors du Tournoi des 6 Nations 2017.

"C’est un jeu de pouvoir et de pression"

Les staffs sud-africain et français vont-ils essayer de montrer à Ben O'Keeffe certaines attitudes potentiellement sanctionnables ? Ou tenter d'y voir plus clair sur l'arbitrage des zones de rucks, axe clé d'un match de ce niveau ? Pour Romain Poite, c’est évident : "Bien évidemment. Les équipes n’envoient pas un dossier de 250 pages, mais ils peuvent envoyer des clips qui sont pour eux une base de discussion et une opportunité pour sensibiliser l’arbitre, qui est largement compétent pour faire la part des choses. Nous savons que c’est un jeu de pression et de pouvoir, poursuit-il. Il faut trouver le juste équilibre. Moi, je ne faisais jamais de promesse parce qu’après, si tu n’allais pas au bout des choses, tu perdais en crédibilité. Ceci dit et comme on dit, un homme averti en vaut deux." 

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Les commentaires (4)
Blignyrugby Il y a 6 mois Le 11/10/2023 à 13:11

Peypper arbitrant le Pays de Galles ? Et il ira boire un coup avec les Gallois après le match qu'il leur aura fait gagné ? In compréhensible décision de World Rugby après l' enquête diligentée contre Jaco en 2019....

nemrac Il y a 6 mois Le 11/10/2023 à 10:35

bonjour
il serait bien de faire un article sur la vie des arbitres pendant la coupe du monde.
Où logent ils
,qui prend en charge cela
combien gagnent ils
que font ils pendant la semaine
etc
cela serait intéressant de connaitre les coulisses

Morneplaine Il y a 6 mois Le 10/10/2023 à 21:53

c est la qu'avoir un ex arbitre international dans les staff doit aider beaucoup. Ils parlent le meme language et il y a forcement une meilleure proximité.