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Jérôme Garcès (référent arbitrage du XV de France) : "N’importe quel joueur peut contester, s’il respecte à la lettre nos process"

Par Nicolas Zanardi à Aix-en-Povence
  • Jérôme Garcès, référent arbitrage XV de France.
    Jérôme Garcès, référent arbitrage XV de France. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À l’approche des phases éliminatoires, il revient sur ses méthodes et sa perception du début de compétition concernant la discipline des Tricolores.

De manière globale, comment analysez-vous la première partie de la compétition ?
Sans surprise. Cela fait trois ans que World Rugby a mis en place des directives assez précises, sur lesquelles on travaille. On a mis en place une stratégie, avec des process, une utilisation précise des observables des arbitres, comment les utiliser, s’y ajuster. On a eu deux matchs avec des dynamiques complètement différentes : quatre pénalités concédées seulement contre la Nouvelle-Zélande, puis douze contre l’Uruguay. Mais ces deux matchs nous ont permis de continuer à bien travailler sur ce qu’on fait, revenir sur pourquoi on le fait, et surtout préciser comment on le fait.

Justement, comment expliquez-vous le delta de performance en quelques jours, entre la Nouvelle-Zélande et l’Uruguay ?
En tout cas, la différence ne vient pas de l’arbitrage qui a été cohérent. Sur le terrain, ce qui est important, c’est d’être en conscience et de mettre en place les process qu’on utilise dans les zones de ruck, sur les lignes de hors-jeu… Contre l’Uruguay, on n’y est pas parvenu, mais l’analyse de cette rencontre a été très riche.

Précisément, quels sont ces process, en ce qui concerne le jeu au sol ?
Je ne vais pas détailler tout cela ici : ce sont nos recettes, qui peuvent nous servir… Ce qui est important à comprendre, c’est que les phases de ruck sont de plus en plus difficiles à négocier parce qu’elles demandent de plus en plus de précision : on ne peut plus attaquer le sol, ni être en contact avec un joueur au sol… Cela demande énormément de justesse technique. Contester un ballon dans un ruck, c’est devenu beaucoup plus compliqué que dans le passé. C’est pour cela que les process qu’on utilise sont importants pour être bien placé, dans une bonne posture qui permet d’attaquer le ballon.

Tous les joueurs du XV de France sont-ils habilités à les utiliser ?
Oui. Tout ce que l’on fait en termes de discipline, on le partage avec tous les joueurs. Il n’y a pas chez nous, comme dans certaines équipes, des joueurs qui sont autorisés à contester et d’autres qui en sont interdits. En équipe de France, n’importe quel joueur peut contester le ballon, dans la mesure où il respecte à la lettre nos process.

Un des points sensibles de ce début de Mondial a résidé dans les chocs au niveau de la tête, notamment sur des plaquages à deux. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?
Ce que je dis, c’est que lorsqu’on doit négocier un plaquage en un contre un, le joueur doit absolument se baisser. Si tu ne te baisses pas, tu prends le risque de ne pas assurer la sécurité du porteur de balle. C’est clairement au défenseur de bien « cibler » et de s’ajuster. Après, lorsqu’on se situe dans une autre dynamique sur les situations de plaquage à deux, c’est différent, car ça va très vite. C’est très difficile pour le deuxième plaqueur de se réajuster. Mais déjà, si on arrive à se réguler sur ce que l’on peut maîtriser, à savoir les plaquages en un contre un, on règle une bonne partie du problème.

Quid des ballons portés, plus que jamais difficiles à construire ?
Aujourd’hui, les mauls sont très complexes à arbitrer. Entre la porte d’entrée des joueurs, savoir si untel « nage » ou pas, s’il s’est délié ou pas, c’est très compliqué pour les arbitres, parce qu’il y a seize joueurs à surveiller dans un espace très réduit. Les formes que l’on observe sont à peu près toutes identiques : bien se positionner, pour pouvoir orienter le maul et garder une bonne liaison quand on désaxe. Comment aider les joueurs là-dessus ? En les aidant à rester connecté avec l’arbitre, c’est le mot d’ordre. Si tu es bien connecté avec lui, tu as très peu de chances d’être pénalisé. Mais si tu oublies cette connexion-là, tu vas certainement ne pas écouter sa recommandation, te délier et te mettre à la faute.

Une autre tendance de cette Coupe du monde réside dans le respect des lignes de hors-jeu, notamment sur les échanges au pied où les joueurs se montrent de plus en plus fins dans l’utilisation de la règle pour « revenir en jeu »…
C’est assez rigolo à observer, mais c’est surtout très difficile à mettre en place collectivement. Ce que je dis toujours à ce sujet, c’est que sur les quinze joueurs, il suffit qu’un seul ne respecte pas le process pour mettre en danger tout le système. Là aussi, il y a tout un travail que l’on mène pour que chacun soit en conscience d’où il se situe, sache qui va le remettre en jeu, et ce qu’il a le droit de faire ou pas.

Dans le même ordre d’idée, comment le travail autour des « escortes » se met-il en place ?
Encore une fois, arriver à maîtriser ce jeu d’escortes relève d’un travail technique très précis, et d’être en conscience de ce que permet la règle ou pas. Des «escortes» bien faites, c’est très, très dur à mettre en place au vu du nombre de paramètres à maîtriser. Il y a le ballon qui est en l’air, ton partenaire qui va récupérer le ballon et qui se trouve face à toi, et dans ton dos, les adversaires qui chassent le coup de pied. Arriver à « bloquer » ces adversaires sans se mettre à la faute, la limite est très fine. Mais cela se travaille, aussi…

En quoi votre passé d’arbitre de haut niveau vous aide-t-il à sensibiliser les joueurs, à l’approche des matchs éliminatoires ?
Je le dis régulièrement, mais j’ai l’impression que personne ne l’entend… Depuis que je bosse avec l’équipe de France, je présente l’arbitre de la rencontre la veille du match. Et ma présentation, franchement, elle dure 10 secondes. Je pars du principe que si on arrive à maîtriser ce que l’on peut maîtriser, c’est-à-dire nos process et le respect de ce que l’on s’est dit dans la semaine, on aura fait une grande partie du travail, quel que soit l’arbitre qui est là pour faire son match.

On vous catalogue comme « l’ex- arbitre ». Ne vous sentez-vous pas désormais un peu entraîneur ?
(Il marque une réflexion) Je ne suis plus arbitre, ça c’est sûr. Mais est-ce que je suis entraîneur ? Je ne sais pas et je ne me pose même pas la question, c’est trop difficile de définir réellement mon rôle. Ce qui est important, en revanche, c’est que je reste à ma place, qui consiste à travailler par rapport à la règle avec tous les entraîneurs, qui ont chacun leurs compétences spécifiques.

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