L'édito : pensées pour les perdants
Ce lundi, Fabien Galthié va annoncer le nom des 33 joueurs retenus pour disputer la Coupe du monde. Au-délà de féliciter ceux qui ont gagné leur billet pour le Mondial, il est également nécessaire de penser aux perdants.
Depuis lundi dernier, nous avons forcément tous beaucoup pensé à Romain Ntamack, blessé du deuxième tour face à l’Écosse et privé du Mondial qui devait consacrer son immense talent. C’est qu’à la vérité des choses, le forfait de l’ouvreur-métronome au sang plus froid qu’un Néo-Zélandais a fait vaciller notre pyramide de certitudes, construite au gré du parcours des Bleus.
On a beau tout faire et dire plus encore pour tenter de conjurer le sort, la réussite d’un collectif est d’une fragilité incroyable. Et celle d’un sportif d’une beauté crue. Parfois même cruelle. C’est sans doute pour tout cela qu’au moment d’accompagner la sortie de Romain et, quelques jours plus tard, de préparer celle des neuf joueurs sacrifiés pour la liste des "33", le sélectionneur a tant joué sur l’émotion, quitte à la laisser transparaître. Rien d’anodin. Ce fut d’abord pour sacraliser le moment si important sur le chemin du Mondial. Et ensuite pour dédramatiser sa gravité. Comme s’il fallait d’un coup faire pleurer dans les chaumières avant d’ouvrir sur l’avenir une porte pleine d’espoirs.
Tout ne serait donc pas encore perdu pour les recalés du 21 août 2023, prévenus la veille : ils seront les réservistes, titulaires de la liste "cachée" et premiers secouristes appelés en cas de coup dur pour un membre de l’équipe "Premium". L’histoire des Coupes du monde témoigne d’ailleurs de l’importance de ces seconds rôles devenus têtes d’affiches au gré des blessures : Camberabero en 1987, Galthié himself en 1995 et en 1999, Dusautoir en 2007, etc…
L’horizon ne serait donc pas bouché. Possible. Mais cela ne nous empêchera pas d’avoir une pensée toute particulière pour les perdants du jour. Ces neuf joueurs qui vont passer dans l’ombre en laissant leurs potes prendre toute la lumière, et qui sont désormais confrontés à un drôle de dilemme : basculer dans l’actualité de leur club après avoir investi tant d’efforts pour la cause tricolore. Ces compétiteurs qui seront pourtant priés de rester bien accrochés à leur étoile alors qu’au mieux, ils ne seront qu’un ou deux à profiter du destin : quoi qu’on leur dise, il n’y aura pas de la place pour tout le monde et tous ne seront pas les sauveurs. Pour la majorité d’entre eux, le Mondial s’arrêtera donc là, un dimanche soir dans les Landes.
C’est quand même une drôle de chose que d’attendre sa chance ainsi suspendu au mauvais sort d’un pote avec qui on a ferraillé pendant des semaines pour forger le meilleur d’un groupe. L’exercice nous renvoie forcément à ces sentiments qui chahutent régulièrement l’émotif Fabien Galthié, parce qu’il a justement connu la douleur des blessures autant que la joie du revenant. Revanchard parmi les revanchards.
Mais, finalement, nul besoin d’en faire des caisses : il n’est question ici que de la réalité du sport de haut-niveau, cette éternelle machine à classer les acteurs et leurs performances. C’est aussi le reflet à peine fardé de la vie elle-même, quand il faut parfois attendre un malheur pour avancer, grandir ou ainsi rebondir encore plus loin. Bref, à chacun son chemin, si vous nous permettez d'emprunter les mots du sélectionneur…
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