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Top 14 - Stuart Lancaster (manager du Racing 92) : "Je suis venu ici pour me tester"

Par Simon Valzer
  • Lancaster est arrivé au Racing le 24 juin dernier.
    Lancaster est arrivé au Racing le 24 juin dernier. Icon Sport
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Après sept années passées au leinster, l’ex-sélectionneur du XV de la Rose a pris les commandes du Racing 92. Six semaines après son arrivée et à quelques heures de son premier match de top 14, il se livre sur ce choix, ses ambitions, ses convicitions de jeu et ses premiers pas dans sa nouvelle vie.

Comment se passe votre présaison jusqu’ici ?

Avant tout chose, ce fut une grande décision personnelle pour moi de venir ici, d’y déplacer ma famille, et de quitter le Leinster. Je suis arrivé ici il y a six semaines. Durant la première semaine, j’ai réglé les problèmes pratiques : la maison, la voiture, mon bureau… C’est une présaison beaucoup plus courte que toutes celles que j’ai pu vivre auparavant. Le Racing 92 a perdu en demi-finale, staff et joueurs sont partis en vacances, et la saison démarre très tôt. Malgré tout, nous avons voulu changer pas mal de choses…

Qu’avez-vous changé plus précisément ?

Des choses dans l’environnement du club : la façon dont on s’entraîne à la salle de musculation, la façon de l’utiliser, la construction des semaines, le programme des joueurs… il y a aussi des fondations solides ici, donc il n’était pas question de tout changer. Et puis quand on y regarde bien, il y a déjà suffisamment de changements dans le staff : il y a d’abord l’arrivée de Frédéric Michalak, puis Dimitri (Szarzewski, N.D.L.R.) qui a pris en charge les avants et dont la contribution est précieuse, sans oublier Joe (Rokocoko, N.D.L.R.) qui nous a rejoints également. Sur le plan du jeu, j’ai mes propres convictions et ma philosophie sur l’attaque et la défense, selon l’expérience que j’ai eue en entraînant l’Angleterre et le Leinster.

Qu’avez-vous fait les semaines suivantes ?

J’ai rencontré tous les membres du staff, ainsi que les joueurs, notamment ceux que je ne connaissais pas encore et nous nous sommes mis au travail avant les matchs amicaux. Nous avions bien besoin de ces deux matchs de préparation, et nous avons beaucoup appris sur le niveau où nous nous situons en tant que groupe, même si le vrai test va arriver ce week-end contre Bordeaux-Bègles.

Étiez-vous attiré par le rugby français ?

J’avais envie de découvrir le Top 14, oui. En tant qu’entraîneur, j’avais envie de m’y mesurer, car c’est un championnat long, éprouvant, qui vous challenge. Et puis j’adore le rugby de club. J’ai connu le niveau international mais je préfère le quotidien d’un club : travailler jour après jour, être au contact du groupe, aller de match en match, construire progressivement l’équipe, développer les joueurs, faire évoluer le plan de jeu… Le rugby international est totalement différent : tu n’as que dix ou douze matchs par an, avec seulement trois fenêtres internationales hors année de Coupe du monde. Avec le Racing et le Top 14, je sais que l’on part pour 26 matchs de championnat, sans compter la Coupe d’Europe : on pourrait donc jouer jusqu’à 35 rencontres, ce qui est colossal. Mais cela fait partie de mon challenge : je suis venu ici pour me tester. Voir si, en tant qu’entraîneur anglophone, je suis capable de développer une équipe de Top 14 pour qu’elle gagne de façon durable jusqu’à remporter un trophée à la fin de la saison.

En parlant de langue, allez-vous apprendre le français pour entraîner ?

J’ai déjà commencé et je progresse petit à petit ! Je ne suis pas encore assez à l’aise pour faire toute une réunion en français, et je pense que les joueurs préfèrent que je parle un anglais correct plutôt qu’un français écorché ! (rires) Pour l’instant, c’est un peu frustrant pour moi car j’ai envie de faire mon job du mieux possible, échanger avec les joueurs et construire une relation avec eux et je sais que cela passe par la maîtrise du français. Cela va venir, mais il y a aussi beaucoup de choses qui sont prioritaires par rapport à mon apprentissage de la langue.

Pourquoi avoir choisi le Racing 92 ?

Ma relation avec ce club a commencé en 2016, après avoir quitté mon poste de sélectionneur de l’Angleterre. Je crois que c’était en mars ou en avril, les deux Laurent (Labit et Travers, N.D.L.R.) m’ont invité au club pour faire une sorte d’audit car ils souhaitaient avoir un point de vue extérieur : ils voulaient savoir comment les équipes adverses pouvaient tenter de battre le Racing. J’ai donc fait un exposé dans lequel je montrais comment on pouvait exploiter quelques failles dans son jeu. Puis nous avons nous les avons affrontés avec le Leinster en 2018 et l’année dernière, et c’est ainsi que nous avons conservé un lien. Quand j’y repense, je me dis que dans le rugby, il est assez rare que l’on vous sollicite un an après avoir été remercié par une fédération. Quand Jacky et Laurent m’ont recontacté il y a un an, ils recherchaient un manager. Ils m’ont parlé de leurs valeurs familiales, de celles du club, de leurs ambitions… Laurent a été très réceptif à la perspective de l’arrivée d’un nouveau manager. Et puis ils ont été directs : ils voulaient vraiment que je vienne. Il n’y avait pas de plan B. Quand on dit cela à un entraîneur, il est stimulé et a envie de relever le défi.

Après avoir partagé les responsabilités d’entraîneur pendant plusieurs années au Leinster avec Leo Cullen, vous êtes de retour dans le rôle du numéro 1. Cela vous manquait ?

J’ai eu beaucoup de chance d’entraîner avec Leo Cullen. C’est un technicien fantastique. Avec lui, je pouvais m’immerger complètement dans le plan de jeu parce qu’il m’avait justement confié beaucoup de responsabilités. J’avais la main sur l’attaque et la défense, et même s’il gardait un œil et la main sur le plan de jeu il évoluait dans un rôle de manager. Donc je n’étais pas plus frustré que cela même si je dois reconnaître qu’il n’y a rien de plus difficile et aussi de gratifiant que de porter son propre projet, et de le mener exactement comme tu le veux. Il y aura des décisions difficiles à prendre, mais c’est passionnant.

Stuart Lancaster en finale de Champions Cup en mai 2023.
Stuart Lancaster en finale de Champions Cup en mai 2023. Sportsfile / Icon Sport

Sur un plan technique, quel diagnostic avez-vous fait sur le jeu du Racing ?

Le Racing a toujours été une équipe portée vers l’attaque, et je ne veux pas changer son ADN. Et de toute façon, ma philosophie du jeu va dans ce sens : jouer dans les espaces pour marquer des essais. Sauf que l’année dernière, l’équipe en a encaissé beaucoup trop. Nous devons progresser en défense, ainsi qu’en conquête. J’espère apporter aussi des choses que j’ai apprises en Angleterre et au Leinster.

À propos des faiblesses de la saison dernière, on peut citer la mêlée fermée, comment résoudre ce problème ?

Clairement, la conquête est l’une de nos priorités. Et encore une fois, la défense l’est aussi.

Doit-on s’attendre à voir le Racing jouer comme le Leinster ?

Vous trouverez certainement des similitudes oui ! Mais on ne peut pas passer à côté du talent individuel et du flair qu’ont certains joueurs ici. Idéalement, j’ai envie de leur donner un bon cadre pour qu’ils s’expriment pleinement. Quand on voit la qualité de l’effectif avec des Will Rowlands, Cameron Woki, Siya Kolisi, Josh Tuisova, Gaël Fickou… Tous seront absents pendant la Coupe du monde, mais ce sera pareil pour toutes les équipes de Top 14. Avec ces joueurs talentueux, nous devrions pouvoir développer un jeu offensif de qualité.

Comment avez-vous travaillé sur le recrutement ?

J’ai commencé à m’y mettre dès l’année dernière, alors que j’étais encore en poste au Leinster. Plusieurs soirs par semaine, nous nous appelions avec Laurent Travers pour faire le point, évaluer les besoins, les joueurs qui allaient partir… Nous étions très sollicités par les agents car le Racing est un club très attractif. Mais nous voulons aussi développer nos joueurs issus de la formation, c’est pourquoi nous ne voulions pas trop recruter non plus. On voulait que nos jeunes se sentent pleinement intégrés à l’effectif, et qu’ils sentent que l’on compte sur eux.

Siya Kolisi est certainement la recrue phare…

En effet… C’est l’un des premiers joueurs que j’ai contacté quand on m’a confié cette mission. Nous sommes très heureux qu’il nous rejoigne. C’était un sacré choix à faire pour lui, car il n’a encore jamais quitté l’Afrique du Sud. Mais c’est la même chose pour tout le monde : moi, Fred Michalak, Tom Whitford, Will Rowlands avons tous fait migrer nos familles ici. Cela me donne aussi la responsabilité de leur offrir un bon environnement de travail pour qu’ils se sentent bien dans le club et qu’ils s’épanouissent dans le travail.

Jacky Lorenzetti nous avait confié, il y a quelques semaines, que les joueurs avaient beaucoup de confort au Racing… Allez-vous remettre de la rudesse dans le quotidien du club ?

Je peux vous assurer que ce que les joueurs vivent en ce moment est tout sauf confortable ! (rires) Au contraire, c’est vraiment rude et il faut que ça le soit. Je suis d’accord avec Jacky, il faut un environnement qui soit propice au développement de la force mentale, du caractère. Mais nous n’avons pas besoin d’en rajouter : avec l’arrivée d’un nouveau manager, d’un nouveau staff et d’un nouveau projet, les joueurs ont déjà assez de pression et se challengent tous pour jouer le week-end. Ils s’entraînent très dur depuis la reprise. Et je les remercie pour leur patience avec la barrière de la langue… (rires)

La Coupe du monde approche à grand pas, quel regard portez-vous sur les performances de l’Angleterre ?

Le staff anglais a de quoi composer une équipe très forte. Je connais bien Steve Borthwick pour l’avoir affronté avec le Leinster quand il entraînait Leicester et il sait comment rendre son équipe très dure à battre. Kevin Sinfield est un très bon spécialiste de la défense aussi. Le XV de la Rose est beaucoup critiqué en ce moment mais je reste persuadé que quand la Coupe du monde arrivera, les joueurs seront prêts. Et puis l’Angleterre bénéficie d’un bien meilleur tirage que la France, la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud pour ne citer que ces nations…

Stuart Lancaster a été le sélectionneur de l'Angleterre entre 2011 et 2015.
Stuart Lancaster a été le sélectionneur de l'Angleterre entre 2011 et 2015. PA Images / Icon Sport

Revenons au Top 14, et la réception de l’UBB : à quoi vous attendez-vous ?

J’ai affronté beaucoup d’équipes françaises comme Toulouse ou la Rochelle, mais jamais Bordeaux-Bègles. Je connais bien Noel McNamara, leur entraîneur de l’attaque puisqu’il est passé au Leinster avant d’aller aux Sharks et d’arriver à l’UBB avec Yannick Bru. Je pense que les Bordelais sont à peu près dans les mêmes dispositions que nous : un nouveau staff, une intersaison courte, beaucoup de changements… La meilleure chose que l’on puisse faire c’est de nous concentrer sur nous. Nous connaissons leurs menaces bien sûr, ainsi que leur style de jeu mais le principal à mes yeux sera de mettre notre jeu en place, d’adhérer à sa philosophie, et faire ceci de manière durable, semaine après semaine.

Quelle sera la priorité : la victoire ou la manière ?

Il n’y a pas de question à se poser : c’est notre premier match à domicile, donc on doit le gagner ! Mais tout ne repose pas sur le résultat : il faut penser aux détails, avoir un comportement exemplaire, appliquer ce que l’on travaille aux entraînements. C’est ce que veut voir n’importe quel entraîneur.

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