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XV de France - Antoine Dupont, l'autre galaxie

Par Arnaud Beurdeley
  • Antoine Dupont
    Antoine Dupont Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À quelques encablures du coup d’envoi de la Coupe du monde, Antoine Dupont est devenu la tête d’affiche du rugby français, celui que les marques se disputent. Et pour cause, le Toulousain a franchi les frontières de rugby grâce à une stratégie ciselée et façonnée à sa personnalité. Décryptage.

Et soudain, il est apparu, ballon en mains, comme un clin d’œil, sur la scène de la halle Tony-Garnier, à Lyon. C’était en janvier. Loin du terrain qu’il affectionne tant et sur lequel il brille à chaque fois (ou presque). Autour de lui, il y avait Mimie Mathy, Patrick Bruel, Jenifer, Julien Clerc, Kad Merad, Élie Semoun, Soprano ou encore Carla Bruni… Antoine Dupont n’est plus seulement un rugbyman professionnel, c’est désormais une célébrité qui dépasse le simple cadre de ce sport. Rares sont les sportifs toujours en activité à intégrer la troupe des Enfoirés. Quand Sébastien Chabal l’est devenu, il avait déjà pris sa retraite sportive. Comme toujours avec Dupont, tout va plus vite, plus fort, plus haut. Et pour donner un peu plus d’éclat à sa perf, sachez qu’un an plus tôt, c’est Kylian Mbappé "himself" qui avait été l’invité star de la bande à Coluche. Avec cette apparition extra-sportive, c’est la confirmation qu’Antoine Dupont, élu meilleur joueur du monde en 2021, a vraiment changé de dimension et qu’il est, sans contestation possible, la tête de gondole du rugby français.

Frissons au chaudron en Une de Midi Olympique \ud83d\uddde\ufe0f

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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) August 13, 2023

Longtemps, Bernard Laporte, alors président de la FFR, n’a eu de cesse de se plaindre d’une absence totale de star en ovalie. Au premier jour de sa victoire à l’élection présidentielle de la FFR en 2016, « Bernie » déclarait : "Aujourd’hui, les gens parlent encore de Chabal et Michalak mais on ne parle pas des joueurs de l’équipe de France actuelle." Et d’ajouter avec sa verve légendaire : "N’importe lequel d’entre eux pourrait remonter l’avenue des Champs-Élysées sans être reconnu une seule fois." C’est un fait : le rugby français a longtemps brillé par son incapacité à faire émerger des joueurs au rang de stars capables, par la seule grâce de leurs apparitions, de faire la promotion de leur discipline. Pour un sport, dont la Coupe du monde se revendique comme le troisième événement mondial, voilà un bug majeur. Le rugby tricolore ne possède pas son Cristiano Ronaldo ni son Lionel Messi. Il n’a pas son Roger Federer, il cherche son Usain Bolt. Mais peut-être a-t-il trouvé avec "Super Dupont" une réponse à cette anomalie.

"Aussi à l’aise chez Mouloud Achour que sur un terrain de rugby"

À l’approche du Mondial, son visage devient familier des Français. Depuis deux ans maintenant, les médias généralistes s’intéressent à lui. Ces derniers mois, il a par exemple été l’invité de Quotidien, l’émission du groupe TF1, présentée par Yann Barthès et diffusée sur TMC. Il a été reçu par Mouloud Achour sur Canal + pour "Clique", interrogé par Anne-Elisabeth Lemoine dans "C à vous" sur France 5. Et puis, il a même fait la une du magazine GQ Sport, ceint d’un splendide et non moins discret peignoir jaune poussin de marque Balenciaga haute couture. Une incursion donc hors de son univers habituel, lui pourtant si réservé. "Je suis quand même plus à l’aise sur le terrain que pour faire des shootings photos", sourit-il à l’évocation du sujet. "Mais tant que je suis à l’aise dans ce que je fais, que je suis moi-même, aligné avec mes valeurs, ça va, il y a pire." Pour le magazine, il a pris la pose dans les travées du Stade Ernest-Wallon. Ce magazine GQ, d’origine américaine, se veut une référence en termes d’élégance, de style et de culture. L’édition française a mis en une des personnalités telles que Vincent Cassel, Daniel Craig, Jean Dujardin ou Zinédine Zidane.

L’événement est, encore une fois, révélateur de l’envergure médiatique prise par le joueur du Stade toulousain. "Antoine est aussi à l’aise chez Mouloud Achour que sur un terrain de rugby", souligne Christophe Quiquandon, fondateur et président de "Bros Agency" dans laquelle Dupont est actionnaire, qui gère notamment l’image du demi de mêlée des Bleus. "Quels que soient ses partenariats ou les médias par lesquels il est invité, il est comme un poisson dans l’eau grâce notamment à une grande curiosité. Dans les quinze jours à venir, nous allons lancer des projets sur le terrain de la mode, des projets plutôt pointus, de marque parisienne. Ces créateurs ne connaissent pas grand-chose au rugby mais ils ont aimé la personnalité d’Antoine, sa trajectoire, l’histoire que ça raconte… Antoine, c’est le jeune homme né aux pieds des Pyrénées dans une famille d’éleveurs, paralysé à l’idée de prendre le métro à l’âge de 16 ans à Toulouse. Et, aujourd’hui, il écoute Damso mais aussi Joe Dassin ou Brassens et passe de la fête du village à Castelnau-Magnoac à la fashion week à Paris. C’est la réalité de sa vie. Quelles que soient les circonstances, il reste le même. Il est authentique."

Pour corroborer les propos de Bernard Laporte, Chabal était le dernier joueur français de rugby à avoir conquis le cœur de la fameuse ménagère de moins de 50 ans. On ne compte plus les marques qui se sont intéressées à "Caveman", ni les programmes TV grand public l’ayant attiré dans leurs filets. Dupont est de la même veine. Mais, si l’ancien troisième ligne est moins connu pour son rugby que pour sa barbe, Dupont offre aux marques une tout autre légitimité par ses performances et son palmarès. "J’ai le sentiment qu’Antoine est très différent, que son prisme est plus large, confirme Quiquandon. Je m’occupais du rugby chez Nike en 2007, j’ai donc bien connu la génération Chabal. Il y a une différence générationnelle mais aussi culturelle. Antoine se trouve dans une génération digitale et pop culture. Il a un esprit qui ne lui permet pas de se cantonner à la verticale du rugby. Je vois plus un parallèle avec les athlètes américains qui ont cette double culture, sportive et business. Aux États-Unis, on peut être LeBron James et un entrepreneur qui investit dans la tech. Antoine est aussi partenaire dans un fonds d’investissement créé par Blaise Matuidi. Il assume d’avoir plusieurs centres d’intérêt et d’être très ouvert sur le monde. Or, en France, il y a encore une réticence culturelle à ce qu’un sportif ait d’autres activités et fasse de la pub."

"Il peut y avoir des écarts financiers dans ses partenariats parce qu’un projet l’a séduit"

La pub, justement, parlons-en. Les marques sont nombreuses déjà à avoir contractualisé avec le capitaine du XV de France. Son catalogue est riche et varié : aujourd’hui, Dupont est sous contrat avec la SNCF, dont il sera la voix officielle dans les gares durant le Mondial. Adidas, AMI, Volvic, Puressentiel, Casino et Sika ont aussi fait du demi de mêlée leur tête d’affiche, ces deux derniers contrats arrivant prochainement à leur terme. Peugeot a aussi succédé à Land Rover tout comme la marque de montres de luxe Audemars Piguet a, il y a quelque temps, pris le relais de Tissot. Dupont signe aussi des « one shot », dixit Christophe Quiquandon. Le jeu vidéo "Fantasy Rugby World" en était un. Apple en est un autre. La marque à la pomme a investi sur plusieurs joueurs : Julien Marchand, Cyril Baille, Cameron Woki, Charles Ollivon, Gaël Fickou et, évidemment, Antoine Dupont. Tous s’affichent en taille XXL dans les rues de la capitale. Un contrat dealé par « Bros » évalué par certains observateurs à 150 000 euros par joueur. "On est loin d’une telle somme", dément Quiquandon. Mais alors combien ça coûte un partenariat avec "Super Dupont" ?

"C’est variable, répond celui qui négocie pour le demi de mêlée des Bleus. Antoine fonctionne beaucoup au feeling. Il est dans cette démarche d’ouverture, de comprendre les univers qui ne sont pas les siens. Il ne veut pas signer un contrat où il ira en traînant les pieds. L’aspect qualitatif est très important. Il peut y avoir des écarts financiers dans ses partenariats parce qu’un projet l’a séduit." Dupont confirme : "On essaie d’avoir cet alignement entre moi, ce que je partage, et ce que la marque veut véhiculer. Je ne veux pas inventer un rôle pour entrer dans les standards de communication d’une marque, je reste sensible à ça dans mes choix."

Évidemment, le risque de la surexposition existe. Chabal, en son temps, avait été épinglé par Pierre-Michel Bonnot, ancien confrère de L’Équipe à la plume acérée. "Si une déroute comme celle d’hier", avait-il écrit après une défaite face à l’Angleterre, "permet de remettre enfin un Sébastien Chabal à sa vraie place, ni en deuxième ligne, ni en troisième ligne, ni même sur le banc mais sur les panneaux de pub à l’arrière des abribus, elle n’aura pas été totalement inutile." "C’est notre boulot de le protéger de ça", disait Thierry Cazedevals, son agent sportif, il y a un an dans nos colonnes. "La stratégie pour le choix des partenariats est claire, détaille Quiquandon. Le premier filtre, c’est la qualité de la marque et la cohérence avec les valeurs d’Antoine. Le deuxième, c’est notre volonté de repousser un peu les frontières du rugby. Et le troisième, peut-être le plus important, c’est l’impact sur son agenda. Nous sommes super vigilants sur cet aspect. L’amplitude horaire pour les partenariats ne doit pas être trop importante et peu énergivore". "L’agence gère l’image, les sollicitations, les agendas, ça me fait gagner énormément de temps, complète Dupont. C’est sympa d’avoir des sponsors mais la préoccupation numéro 1 reste les performances sur le terrain. Même si l’emploi du temps est chargé, je ne fais jamais passer les sollicitations extérieures avant mon entraînement, ma récupération…" Parce que soulever le 28 octobre le précieux trophée Webb-Ellis vaut assurément, aux yeux de Dupont, bien plus que tous les juteux contrats de partenariats possibles. Et que, la vertu ayant aussi ça de bon, un titre de champion du monde suscitera chez les marques l’envie de s’attacher l’image du premier français à réussir cet exploit.

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Les commentaires (2)
Djive-ST Il y a 8 mois Le 14/08/2023 à 08:34

« soulever le 28 octobre le précieux trophée Webb-Ellis «  On en est loin aujourd'hui surtout à cause d'un collectif qui est loin des standard de Champion du Monde

Vieux15 Il y a 8 mois Le 14/08/2023 à 12:47

Qui aurait parié un kopeck sur le 11 de Jacquet avant le début de la Coupe du Monde 98 ?

Rien n'est fait, bien sûr, mais on n'a jamais été aussi bien armé - malgré le forfait annoncé de N'Tamack - pour enfin le gagner, ce foutu trophée!!!