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Finale Top 14 - Victor Vito : "Un Brennus attend La Rochelle"

Par Paul Arnould
  • De Wellington où il vit sa nouvelle vie de retraité, Victor Vito s’associe à la douleur de ses anciens coéquipiers, à l’image du "nous" qu’il utilise de nombreuses fois pour parler de La Rochelle.
    De Wellington où il vit sa nouvelle vie de retraité, Victor Vito s’associe à la douleur de ses anciens coéquipiers, à l’image du "nous" qu’il utilise de nombreuses fois pour parler de La Rochelle. Icon Sport - Icon Sport
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Depuis son départ du Stade rochelais et son retour en Nouvelle-Zélande, Victor Vito se fait rare dans les médias. Le légendaire All Black qui a passé six saisons à La Rochelle, analyse la douloureuse finale perdue par ses anciens coéquipiers. Il évoque aussi sa nouvelle vie, et déclare une fois de plus son amour pour la France. Entretien.

Victor, quel est votre sentiment après la défaite de La Rochelle en finale du Top 14 ?

Je suis triste. Vous m’aviez dit que la nuit porterait peut-être conseil, mais mon esprit est toujours embrumé. J’étais si déçu ce matin que j'ai cuisiné des pancakes avec du sirop juste pour m’occuper et manger mes émotions négatives. Mais c’est encore plus difficile pour mes coéquipiers. Je suis dégoûté pour eux.

Où avez-vous regardé la finale ?

Chez moi, à Wellington, avec ma famille. Nous étions tous très excités à l'idée d’encourager les mecs. Et puis l’équipe a bien débuté la rencontre. Après l’essai de Tawera (Kerr-Barlow, N.D.L.R.) juste avant la mi-temps, je me suis dit que c’était la bonne année. Mais c’est typique des Toulousains, même en étant en difficulté, ils reviennent… Mon sentiment à la mi-temps, c’est que c’était déjà une belle revanche d’être revenu à égalité. Sur les deux premières finales, c’était toujours "Toulouse, Toulouse, Toulouse" qui menait au score. Là, c’était différent.

Ainsi s'achève le Top 14 version 2022-23 !#FinaleTop14 #STSR pic.twitter.com/HhXUGZYQLF

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) June 17, 2023

Selon vous, quel est le plus "simple" à accepter : perdre en passant à côté de l'événement comme en 2021, ou échouer si près du but comme samedi soir ? 

C’est difficile de faire des comparaisons. La Rochelle a longtemps été la meilleure équipe sur le terrain. Je me sens désolé pour les mecs parce que je sais que c’est de notre faute. Dans le passé, nous n’étions pas vraiment dans la partie, nous étions toujours dans la position du chasseur derrière au score. Samedi, La Rochelle a dominé et a géré le match.

Pourquoi est-ce la faute des Rochelais ?

Les deux erreurs rochelaises, c’est-à-dire l’en-avant de Jonathan Danty et la montée de Ulupano Seuteni ont entraîné deux essais. C’est la marge de progression pour l’avenir. Ce n’est pas dramatique de faire des erreurs, mais il faut les faire dans la moitié de terrain de l’adversaire.

"Il faudra battre Toulouse pour tourner la page"

Parlons de cette dernière action et de l’essai de Romain Ntamack. Comment avez-vous réagi sur la montée en pointe de Seuteni qui a cassé en deux la défense rochelaise ?

J’étais étonné parce que la défense est une des forces rochelaises, et la base de cette défense c’est la patience et la confiance en chaque membre de l’équipe. Bien sûr, sa montée part d’une bonne intention, il voulait faire quelque chose de spécial pour l’équipe. Mais si tu prends cette décision, il faut être sûr de bien la réaliser, d’autant que nous étions en sous nombre sur l’extérieur. J’aimerais quand même ajouter que l’action de Ntamack est extraordinaire. Marquer cet essai si merveilleux en finale de Top 14 à la 78e minute, c’est magique. Trois minutes plus tôt, il aurait pu être le « diablo » de Toulouse avec deux grosses erreurs, mais il a tout renversé et tout a changé. 

Dans notre émission La Troisième Mi-temps, au moment de jeter un œil sur les notes des joueurs, nos journalistes s'arrêtaient sur le cas Romain Ntamack, qui a inscrit un essai d'anthologie. 

L'intégrale > https://t.co/J8y9TeuFfw pic.twitter.com/CvpLAkJOWx

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) June 18, 2023

Poursuivez... 

Si "Ulu" (Seuteni) décide de rester dans la ligne et garde confiance en l'équipe, peut-être que Toulouse aurait fait un petit en-avant et que nous aurions été champions mais c’est le sport. En deux minutes, soit tu deviens le Dieu, soit tu n’es rien du tout. C’est la même chose pour Ntamack. Trois minutes avant, il n’était rien, il a fait deux erreurs qui ont mis son équipe en difficulté, et après il a traversé le terrain avec la classe qui le représente. À part dire chapeau, je ne sais pas ce qu’on peut rajouter. Nous avons rêvé du doublé et du Brennus. Peut-être une prochaine fois.

On vous sent abattu…

Je suis déçu. Il faut reconnaître que Toulouse a montré plus de patience. Ils ont attendu le "momentum", et nous avons ouvert la fenêtre. Ils nous ont punis.

Avez-vous eu des nouvelles de vos anciens coéquipiers ?

Je leur ai envoyé un message avant le match et après. Pour moi, c’est très important de leur montrer que nous sommes toujours ensemble quel que soit le scénario. Ce sont des frères, et les vrais frères sont présents dans les bons et les mauvais moments. Avant la rencontre, je leur avais dit que je boirais une bière dès le matin en Nouvelle-Zélande si ça se passait bien. À la place, j’ai cuisiné…

Qu’avez-vous pensé des mots de Ronan O’Gara après la finale ?

Qu’a dit Ronan ? Je n’ai pas eu la chance de le lire.

À l'issue du match, O’Gara, avait la sensation d’avoir offert la victoire aux Toulousains. Et s’il était admiratif du coup de génie d'Ntamack, il pensait que son équipe avait été la meilleure sur le terrain.

L'interview : https://t.co/SM5kYrIGUH pic.twitter.com/vIRieBnwBD

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) June 18, 2023

Il a rendu hommage à Romain Ntamack, mais il a aussi souligné que Toulouse avait fait un match moyen, et que La Rochelle avait été meilleure.

D’accord. (Il marque une pause). Ah là là… Il a raison dans un sens parce que La Rochelle menait à la 78e minute et que le match bascule sur une grosse erreur. Je partage son sentiment : pour être un prétendant et gagner le titre, il faut donner moins d’opportunités à l’adversaire. Nos deux erreurs donnent deux essais à Toulouse, alors que les deux erreurs toulousaines entraînent deux mêlées au centre du terrain. Après, Toulouse a gagné le match. C’est un fait. La Rochelle a peut-être joué le plus beau rugby, mais les détails font la différence.

Qu’aviez-vous fait il y a deux ans après la défaite en finale du Top 14 ?

Nous sommes restés ensemble. C’est généralement le cas pendant les deux ou trois jours qui suivent la finale. Nous avions aussi des temps pour voir nos familles et nos amis. En fait, c’est important d’avoir des moments avec des proches qui sont en dehors du rugby pour discuter une heure ou deux d’autre chose. Cela permet de relativiser, de se déconnecter. La déception est immense. Parfois, il faut aller chercher au plus profond de soi-même la force d’évacuer cette frustration. Surtout face à Toulouse.

Le Stade rochelais remportera-t-il un jour le Bouclier de Brennus ?

Oui je le pense. Un Brennus attend ce club. Mon sentiment, c’est que ça se fera face à Toulouse. L’histoire avec eux est spéciale, mais j’ai confiance dans le staff et dans tous les joueurs. Il y a toujours à apprendre des défaites contre Toulouse. Je pense qu’il y en a eu assez maintenant.

 

Le capitaine Greg Alldritt a reconnu les erreurs de son équipe et est persuadé que cette énorme frustration rendra le club plus fort à terme.

Ses propos > https://t.co/wEf5yVpC89 pic.twitter.com/BJrH1gzrkc

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) June 17, 2023

Est-ce de la provocation d'affirmer que la saison de La Rochelle est ratée ?

Ils ont fait le doublé en Champions Cup. Cette défaite, c’est le sport. Parfois, le rugby est « put… de cruel ». Mais encore une fois, c’est de notre faute... Contre Toulouse, tu dois te préparer à jouer 84 minutes. Pas 80. Ni 78. Surtout en s'appelant La Rochelle. Malheureusement, j’ai vécu cette situation. Je suis persuadé que la malédiction sera brisée. Il faudra les battre pour tourner la page. L’année prochaine, qui sait ?

Et vous, comment se passe votre retraite ?

Très bien, je profite. Je suis à Wellington (au sud de la Nouvelle-Zélande, son lieu de naissance, N.D.L.R.). J’ai décidé de prendre du recul définitivement (rires). J’avais d’autres contrats qui m’attendaient au cas où je voulais continuer ma carrière, mais c’était trop difficile pour moi de m’imaginer dans un autre club après mon expérience rochelaise. Mes enfants et ma femme sont ravis de retrouver leurs racines, de retrouver ma mère et ma grand-mère. Leur esprit est plus léger, même si nous avons vécu une vie incroyable à La Rochelle. Il n'y a pas vraiment d'explications, le sang qui coule dans nos veines est néo-zélandais, c'est donc important d'être à la maison.

Le Stade rochelais était-il le club de votre vie ?

J’ai beaucoup donné pour La Rochelle. C’était inimaginable de m’imaginer faire la même chose ailleurs.

"La France, je ne veux pas l'oublier"

Le rugby ne vous manque-t-il pas trop ?

Pas du tout. J’ai toujours voulu garder un équilibre dans ma vie. Avant d’être professionnel, j’étais un fils, j’étais un ami, et je me suis toujours rappelé d’où je venais. Je connaissais l’incertitude du rugby pour l’avoir vécue : je n’ai pas été sélectionné avec les Blacks, puis j’ai été rappelé. Je savais que je devais aller chercher mon identité ailleurs. Les Blacks, le rugby, constituent une belle partie de ma vie, mais pas l'entière.

Et La Rochelle ?

Je voulais remporter un titre avec le Stade rochelais et après la victoire en 2022, j’ai tourné définitivement mon esprit vers ma famille. Mais les mecs me manquent, et nos discussions, nos blagues, l’environnement et la ville aussi. Ce n’est pas une fatalité. 

Aimeriez-vous devenir entraîneur ?

Je viens de finir la certification World Rugby qui me donne la capacité d’aller coacher partout dans le monde. C’est une option si je veux prendre ce chemin. En ce moment, je m’occupe de mes enfants, je profite avec ma femme, mais maintenant qu’ils sont bien installés, je vais décider de ce que je veux faire. Je reviens en France pour la Coupe du monde. J’ai hâte. La France a une place importante dans mon cœur, et je ne veux pas l’oublier. J’ai appris beaucoup de choses, notamment sur votre façon de vivre et votre vision du rugby par rapport au regard anglo-saxon. 

Vous avez conservé un excellent niveau en Français. Révélez-nous votre secret... 

Je craignais de mal m’exprimer, mais je pense que ça a été, non ? (rires). En fait, dans l’école de mes enfants il y a des parents qui sont Français. Alors je bois des apéros avec eux, toujours avec une bouteille de vin rouge sur la table, ça aide aussi à progresser (rires). Je conserve ce style de vie que j’ai découvert dans votre pays. Et en plus, j’améliore mon niveau.

Pour finir, pensez-vous que les internationaux rochelais vont avoir du mal à basculer sur la Coupe du monde ?

Au contraire, ça va être facile. Ils ont l’objectif d’être champions du monde. C’est le Graal. La France fait partie des équipes favorites. Peut-être que les deux ou trois premiers jours, ils auront un sentiment partagé et qu'il y aura quelques blagues avec les Toulousains, mais ils vont vite basculer. 

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 10 mois Le 21/06/2023 à 00:17

Un grand Champion !