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Transferts. XV de France - "La mission est d'une importance folle" se livre Patrick Arlettaz, futur entraîneur de l'attaque des Bleus

Par Propos recueillis à Saint-Hippolyte par Vincent Bissonnet
  • Ancien manager de l'Usap, Patrick Arlettaz va devenir l'entraîneur de l'attaque du XV de France
    Ancien manager de l'Usap, Patrick Arlettaz va devenir l'entraîneur de l'attaque du XV de France - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Patrick Arlettaz (51 ans) sera le prochain entraîneur de l’attaque du XV de France, à compter du 1er janvier 2024. Le technicien catalan a donné son accord à Fabien Galthié après la victoire de l’Usap à Grenoble, en access-match, début juin, et a finalisé son engagement avec la FFR en début de semaine. L’ancien centre-ailier, capé à une reprise en Bleu, en 1995, face à la Roumanie, avec deux essais à la clé, nous a reçus dans sa Catalogne natale, à Saint-Hippolyte, pour évoquer la nouvelle aventure qui se profile à son horizon. Avec la franchise et la spontanéité qui le caractérisent.

Vous avez signé cette semaine votre contrat pour devenir le prochain entraîneur de l’attaque du XV de France à compter du 1er janvier 2024. Quelles émotions vous traversent actuellement ?

C’est d’abord beaucoup de fierté. Et c’est un honneur par rapport à la reconnaissance de mon travail, au regard bienveillant et à la confiance du sélectionneur, à l’importance de la mission, aussi. Ça représente tellement de choses pour le public français. C’est notre vitrine à tous. Ça implique beaucoup de fierté et une grande responsabilité. J’ai envie d’être performant et de rendre la confiance que l’on me donne en étant à la hauteur de la tâche. La mission est d’une importance folle.

Pour vous qui n’avez jamais eu de plan de carrière, comment voyez-vous ce rebond inattendu ?

Est-ce que c’était prévu ? Et bien non (sourire). Pas grand-chose ne l’a été dans mon parcours. Je n’ai jamais calculé, tout s’est fait à l’instinct, sur des projets que je trouvais intéressants ou qui me tenaient à cœur. Se retrouver dans une mission au plus haut niveau du rugby français, dans un environnement très compétitif, c’est quelque chose dont on rêve à mots doux. Et quand ça se concrétise, on a presque du mal à le croire. Je ne l’avais ni envisagé ni ambitionné. Maintenant que c’est une réalité, je prends conscience de l’importance de la chose. J’y mettrai les mêmes ingrédients. Je vais m’investir à fond et y mettre de la passion. Je ne vais pas changer. C’est ce qui m’a permis d’en être là.

Peut-on voir un message à travers votre "promotion" : il n’y a pas besoin d’évoluer dans une équipe du haut de tableau pour être reconnu ?

Ça s’était déjà vu avec les joueurs. On est bien placé pour en parler, à l’Usap : Fabien (Galthié) avait sélectionné Melvyn Jaminet alors qu’il n’avait pas une minute de Top 14, Quentin Walcker aussi. Fabien s’attache à regarder les qualités avant le berceau dans lequel on évolue. Il a dû me trouver des avantages pour me confier ce poste. Quant au côté palmarès, on a joué notre championnat avec nos moyens et je suis plutôt content de ce que nous avons fait. Et je ne parle pas que du résultat, il y a la manière aussi. Fabien s’est attaché à ça, c’est tout à son honneur. Ma responsabilité en est encore plus grande. J’ai envie de lui rendre sa confiance, ainsi qu’à l’équipe de France. Et je veux montrer qu’on a une légitimité à s’occuper de l’équipe de France même si on a eu un parcours moins académique que certains coachs qui ont entraîné toute leur vie des équipes du top 6.

Concrètement, que dit votre fiche de poste ?

Pour parler de manière assez générale, ça portera sur l’attaque, le plan offensif. Tout le monde sait que c’est ce que j’aime par-dessus tout. Après, j’ai conscience que je serai surtout jugé sur les résultats. Les détails, on aura le temps de les peaufiner dans les mois à venir. Pour le moment, Fabien est assez occupé comme ça (sourire).

Pour les gens qui vous connaîtraient peu, pouvez-vous nous présenter votre conception du rugby ?

Elle n’est pas si singulière que ça… Disons que j’ai une grande sensibilité pour l’attaque. J’aime cette partie d’échecs. Les défenses sont de plus en plus efficaces. Alors, quand on arrive à les mettre à mal, c’est d’une jouissance folle. Ce sentiment est très puissant. Je suis amateur d’émotions fortes et il n’y a rien de plus fort que de marquer un essai en rugby ou un but en foot.

Quand on a mangé ensemble à Canet, on a vite repris nos habitudes. J’ai retrouvé le Fabien Galthié que je connaissais en face de moi.

Quelle idée vous faites-vous de ce poste d’adjoint de sélectionneur, qui sera différent de ce que vous avez connu ces dernières années ?

J’imagine qu’il y aura des coups de « boost » où on sera immergé dans la compétition et, à côté de ça, des temps de réflexion, d’analyse, de recherche, qui n’existent pas véritablement en club… Au niveau technique, je le vois en mode plus expert, plus fin. Mais il y aura encore du liant joueurs à assurer afin qu’ils adhèrent à ce que l’on va demander. Je suis un éternel utopiste. 

Lorsque vous aviez annoncé votre décision de passer la main à l’Usap, vous souhaitiez prendre du recul avec l’entraînement. Avez-vous eu une forme de réticence quand l’opportunité s’est présentée ?

Je n’ai pas eu d’hésitation. C’était très sincère quand j’ai dit que je voulais couper. Mais la mission est tellement excitante, importante et gratifiante, il faut dire la vérité, qu’il n’y a pas eu d’hésitation. Au début, quand Fabien m’a parlé de cette possibilité, j’ai avancé sur la pointe des pieds. Je n’étais pas le seul candidat. Fabien avait pensé à d’autres personnes. Je n’avais aucune certitude mais l’idée était immensément séduisante. Je trouvais déjà ça tellement sympa et agréable qu’il pense à moi par rapport à mon parcours. J’étais déjà très content qu’il m’envisage pour ce poste. Je ne l’ai pas cru tout de suite, en fait. Une fois que c’est devenu concret, je ne vois pas comment j’aurais pu faire l’hésitant. Quand vous êtes compétiteur et que l’on vous propose un challenge pareil, vous n’avez qu’une envie : le relever.

Patrick Arlettaz nous a reçus dans sa Catalogne natale, à Saint-Hippolyte, pour évoquer la nouvelle aventure qui se profile à son horizon.
Patrick Arlettaz nous a reçus dans sa Catalogne natale, à Saint-Hippolyte, pour évoquer la nouvelle aventure qui se profile à son horizon. Midi Olympique - Patrick Derewiany


Quelle importance a eu votre proximité avec Fabien Galthié dans cette approche ? On sait que vous marchez à l’affect…

On n’est pas vraiment de la même génération, car Fabien a trois ans de plus que moi, mais on s’est souvent joué et on s’est croisé avec France A. Je l’ai toujours beaucoup apprécié comme joueur et j’ai eu le privilège de le connaître en dehors. On n’était pas amis mais on a toujours eu une affinité importante. Je l’appréciais, je pense que lui aussi. Bien sûr que ça compte. On a une image du sélectionneur qui est dans son rôle. Moi, j’ai l’autre version aussi. Quand on a mangé ensemble à Canet, on a vite repris nos habitudes. J’ai retrouvé le Fabien Galthié que je connaissais en face de moi : on a échangé, crayonné des schémas sur un bout de table… Bien sûr, il a une dimension autre et il a eu un parcours tellement incroyable depuis mais, oui, ce vécu aide. J’ai plus de certitudes sur les gens avec qui je vais travailler. Je suis très attaché aux personnes, comme vous le savez. La mission XV de France se suffit à elle-même mais j’ai besoin d’avancer pour des joueurs, des entraîneurs, des supporters aussi.

La manière dont le contact s’est noué, sans fioritures, vous ressemble, d’ailleurs…

Je sais que ça entre dans une autre catégorie : avec le XV de France, les attentes, la médiatisation, les joueurs sont tout autres. Il y a une économie, tout un monde autour, j’en suis conscient. Mais je crois que la simplicité peut être présente quand même. Un peu d’authenticité, aussi. De toute manière, je suis incapable de me changer complètement, quelle que soit la mission. Je sais que le poste est plus épié, décortiqué, scruté. Mais je n’ai pas honte de ce que je suis. Il n’y a pas de raison que je me montre différemment. Je n’ai pas un ego surdimensionné, du genre à dire : je suis fabuleux. Mais je n’ai pas honte de ce que je suis non plus. Fabien l’a très bien compris. Il est venu me voir en simplicité, sans prévenir personne…

On retrouvera donc à Marcoussis le Arlettaz que l’on a l’habitude de voir ?

Je ne veux pas présumer de ce qui va arriver. Et on évolue toujours à l’intérieur des missions que l’on a. Je ne suis pas le même qu’il y a 10 ans, d’ailleurs, mais le fond reste. Si jamais ce n’est plus le cas, vous saurez me le rappeler (sourire).

Votre lien avec les joueurs sera différent. Comment envisagez-vous cette relation plus distanciée ?

S’il y a une chose qui ne changera pas, c’est que j’aime profondément les joueurs. J’ai beaucoup de respect pour eux car ils font un métier fantastique mais difficile. Je serai naturel, je ne vais pas chercher leur affection. Même si je suis un affectif (sourire). Je pense que si l’on fait du bon boulot, que les joueurs se sentent en confiance avec vous, qu’ils considèrent que vous les mettez dans de bonnes conditions pour que leur talent s’exprime, que vous êtes honnête et droit, et bien, il n’y a pas de raison que l’affectif n’arrive pas. Tout ça se construit, que ce soit en sélection ou ailleurs. Nous devons être des facilitateurs.

On vous prête volontiers une image de romantique. Or, le niveau international est en grande partie pensée en fonction des datas et stats en tous genres. Y a-t-il une bascule à opérer vous concernant ?

Ça ne me dérange pas du tout. Les datas, l’analyse, tout ce que vous prévoyez dans la préparation, ça permet de ne pas perdre un match. Et souvent, ce qui le fait gagner, c’est un peu de romantisme et d’initiatives. Si vous misez tout sur le romantisme, vous ne gagnerez pas un match, que vous soyez en club ou en sélection. Tout à l’heure, quand je parlais de mise en confiance, il faut que les joueurs sentent le moment où l’initiative est bienvenue. Ce n’est pas un vilain mot le romantisme. Je compare souvent ça à une vie de couple…

Je l’ai toujours dit : quand j’arrêterai d’être entraîneur, je redeviendrai supporter de l’Usap.

On vous écoute…

Ce qui rend un mariage magique, ce n’est pas de payer les factures ensemble, on est d’accord ? Mais vous devez le faire. À côté de ça, il faut un peu de romantisme pour magnifier l’amour et faire durer le couple. Le rugby, c’est un peu pareil. Il faut être très sérieux, très pointu sur les attendus techniques, la data, le système de jeu pour que le romantisme, à l’intérieur, vienne sublimer tout ça. Ça ne peut pas être la clé de voûte du projet. Il suffit d’avoir les bons pourcentages : c’est du 90-10.

Ce que vous dites se reflète à travers le XV de France actuel, à la fois pragmatique et capable de fulgurances…

Oui, ça fonctionne. Et c’est ce qui fait que cette équipe est très aimée par le public. Elle rend très fière tous les acteurs du rugby. C’est ça la magie de l’équipe de France. Tout le monde se sent valorisé par ses performances. Ça fait monter toute la pyramide.

Comment va se passer votre été ? On imagine que vous allez suivre la Coupe du monde avec un œil averti…

L’été va déjà me permettre d’avoir une vraie coupure. Pour la Coupe du monde, j’avais prévu d’être un spectateur supporter ; je serai, du coup, un spectateur supporter très attentif. Je vais commencer à analyser et à préparer ce qui m’attend.

Connaissez-vous Marcoussis ?

Un peu car j’ai entraîné pendant un mois les moins de 19 ans. C’était avant que l’Usap ne me rappelle, en 2016. J’y suis allé deux, trois fois.

Une nouvelle aventure va débuter. Une autre vient de se terminer, avec l’Usap. Que vous inspirent les sept saisons passées, joliment conclues par un deuxième maintien consécutif en Top 14 ?

Il y a de la fierté car j’ai l’impression, surtout, que je laisse le club dans de bonnes dispositions pour que Franck puisse faire le job derrière, qu’il va très bien faire, j’en suis persuadé. C’était très important à mes yeux. On peut toujours mieux faire évidemment mais, ce qu’on a accompli, c’est déjà pas mal. La mission était très dure : on est remonté et on a permis au club de connaître trois saisons de suite en Top 14. Ça l’a rendu plus solide. Je crois que l’environnement et les dirigeants en sont venus à se poser les bonnes questions pour faire grandir ce club. Il en a besoin. L’engouement est tellement exceptionnel.

Les spectateurs vous verront-ils encore à Aimé-Giral ?

Bien sûr, j’ai déjà pris ma carte d’abonné (sourire). Je l’ai toujours dit : quand j’arrêterai d’être entraîneur, je redeviendrai supporter de l’Usap.

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 10 mois Le 16/06/2023 à 03:08

je crois en l'homme...