Abonnés

Demi-finale La Rochelle - Bordeaux-Bègles : mon voisin le tueur

Par Vincent BISSONNET
  • En mars dernier, les Bordelo-Béglais avaient subi la puissance de Will Skelton et des Rochelais. C’est un défi de taille qui attend donc les Girondins ce week-end dans le Pays basque espagnol.
    En mars dernier, les Bordelo-Béglais avaient subi la puissance de Will Skelton et des Rochelais. C’est un défi de taille qui attend donc les Girondins ce week-end dans le Pays basque espagnol. Icon Sport - Loic Cousin
Publié le
Partager :

Auréolée de son titre en Champions Cup et d’un ascendant psychologique sur son rival, La Rochelle s’avance avec le statut de grande favorite de cette deuxième demi-finale. L’UBB, elle, est condamnée à l’exploit face à sa bête noire. Mais en phase finale, tout devient possible.

Avril 2022 : c’était hier mais ça semble remonter à une autre époque. À cette date-là, Bordeaux-Bègles était installé sur le trône éjectable du Top 14 depuis cinq mois, La Rochelle n’avait encore soulevé aucun titre majeur et Christophe Urios donnait de la voix à Chaban-Delmas.

Le hasard du calendrier avait alors proposé à l’UBB et au Stade rochelais un triple affrontement dont le meneur d’hommes girondin avait planté le décor, avec la conviction et la verve que d’aucuns lui reconnaît : "Cette trilogie contre La Rochelle, pour moi, c’est le plus grand moment depuis que je suis à Bordeaux, avait-il posé. Parce que jouer trois fois contre la même équipe, ça n’arrive jamais. Jouer trois fois contre ton meilleur ennemi, ça arrive aussi peu souvent. J’ai dit aux joueurs que ce sont des matchs qui vont changer notre vie, dans un sens comme dans l’autre. On s’en rappellera toujours. Ça va marquer l’histoire de ce groupe. Les trois matchs qui arrivent sont une grande opportunité, un grand défi, pour être alignés sur ce que nous sommes. Pourquoi on est à Bordeaux ? Pour ce genre de choses. Ça s’appelle la raison d’être. On veut être les meilleurs, se qualifier, terminer le plus haut possible…"

La promiscuité, à tous points de vue, entre les deux voisins, promus de la décennie passée, ajoutait un deuxième enjeu, par-delà la qualification pure et simple. C’étaient bien plus que des huitièmes de finale… "Aujourd’hui, le derby qui a du sens, c’est celui de La Rochelle, affirmait-il. La même région, la rivalité, le même territoire, deux équipes de haut de classement, des jeunes qui travaillent bien. La Rochelle c’est notre meilleur ennemi. Je ne connais pas bien l’histoire mais on a besoin de changer à ce niveau-là. […] On n’est pas jaloux d’eux. On veut juste être les meilleurs. Jusque-là, les meilleurs ce sont eux." Avant le premier impact, Christophe Urios avait fait part d’un mauvais pressentiment prémonitoire : "Je ne sens pas de la part des mecs, une rivalité face à La Rochelle. Eux en parlent beaucoup visiblement. Je ne sens pas ça. […] Eux se préparent sur la notion de rivalité et nous, j’ai l’impression que c’est un match comme un autre." Un match ne se gagne pas seulement avec la tronche ; en revanche, il peut se perdre dans les têtes. Cette fois-là, l’UBB, étonnante de fébrilité, en avait perdu trois de suite : un cruel revers à domicile en Top 14 (15-16) et deux leçons en Coupe d’Europe (31-13 à Chaban, 31-23 à Deflandre). Trois bras de fer physiques et psychologiques dominés par les Jaune et Noir. La suite, les supporters des deux camps la connaissent : les Girondins ne sont comme jamais parvenus à s’en relever tandis que les Maritimes se sont élevés jusqu’à se hisser – une première fois – sur le sommet de l’Europe. Si souvent au coude à coude dans l’histoire récente, les deux ambitieux avaient dès lors vu leurs courbes s’éloigner. Et un écart se créer.

O’Gara et le "déclic" face à l’UBB

"Ce sont des matchs qui vont changer notre vie." La prophétie de Christophe Urios est devenue réalité chez le voisin. Avant de se rendre au Matmut Atlantique pour affronter Exeter en demie de Champions Cup – énième ironie de l’histoire, Ronan O’Gara était spontanément revenu sur l’importance de ce tournant, un an auparavant : "Ce qu’il me reste en mémoire, ce sont ces trois matchs consécutifs contre l’UBB, révélait le technicien irlandais. Le premier, on l’a gagné à la dernière minute grâce à une pénalité d’Ihaia West, le deuxième, on s’est imposé à Chaban-Delmas et, quand on est rentré sur le terrain, avec tous nos supporters, c’était comme un match à Deflandre. C’était bizarre, j’avais des frissons partout. Et le week-end suivant, on a gagné le huitième de finale retour. Cela a été un déclic pour les joueurs, car cette période, avec trois matchs en quatorze jours, nous a fait vraiment grandir." Ses troupes ont depuis poursuivi leur croissance en s’adjugeant, avec le cran et le tempérament que l’on sait, la première Champions Cup transcontinentale, compétition dont l’UBB n’a même pas passé le premier tour. En Top 14, La Rochelle a géré son parcours avec une sérénité assez épatante en plaçant une accélération décisive dans la dernière ligne droite – douze victoires sur les treize derniers matchs, toutes compétitions confondues – quand les Girondins ont dû attendre le sprint final pour arracher un billet. Et l’on peut décemment présumer que sans le succès rochelais au Vélodrome contre Toulon, leur principal rival, ils seraient en congés depuis deux semaines.

Alors, on a beau regarder l’affiche sous tous les angles possibles et imaginables, on ne décèle pas de raison objective laissant croire que l’UBB puisse s’imposer face à sa bête noire, vainqueur de huit de leurs dix derniers duels. Le plus récent, marqué par la démonstration de force de la bande à Skelton (6-36), le 25 mars, au Matmut Atlantique, avait marqué les esprits autant que les corps girondins. Les statistiques de la saison appuient un peu plus ce rapport de force présumé : les Rochelais marquent plus de points, en encaissent moins, ils sont plus réguliers en touche, plus solides dans les rucks, un tantinet plus impactants balle en main… À l’heure de s’avancer vers Anoeta, on se demande bien comment les Bordelais, chahutés à Lyon dans le combat, pourront résister aux assauts répétés de Atonio, Alldritt et compagnie. Et on a envie de dire bon courage au tandem Laïrle-Charrier dans leur quête du plan ultime, celui qui sera à même d’inverser le cours de l’histoire.

La promesse d’Alldritt

Jean-Baptiste Dubié, suffisamment lucide du haut de ses seize saisons de carrière professionnelle, est pleinement conscient de ce qui attend sa formation au Pays basque : "On prend la meilleure équipe d’Europe, voire du monde." Tout ce qui a été évoqué et énuméré nous offre peut-être la demi-finale la plus déséquilibrée de la décennie sur le papier. Pourtant, samedi, à 17 heures, le tableau d’affichage indiquera bel et bien 0 à 0. Il reviendra alors aux Girondins, épatants de résilience à Lyon, de donner la meilleure version d’eux-mêmes. Et si tout s’enclenche bien, si Matthieu Jalibert est en feu, si Tom Willis se démultiplie, si Yoram Moefana se lâche, si Madosh Tambwe sort de nouveaux tours de magie et si le cinq de devant – car c’est là que tout se jouera ou presque – repousse ses limites, l’exploit sera du domaine du possible. L’Union devra être plus grande et forte que jamais afin de sortir un de ces matchs "qui changent la vie", pour paraphraser Christophe Urios. Elle a déjà réussi sa saison et, en ce sens, elle a plus à gagner qu’à perdre samedi.

Les Bordelais ne pourront en tout cas compter que sur eux-mêmes et sur le soutien de milliers de spectateurs – le match en tribunes devrait aussi valoir le coup d’œil – pour accéder à leur première finale de Top 14. Car, en face, les Rochelais se sont accordés sur une promesse – et nul ne peut douter de leur capacité à la tenir : tout mettre en œuvre pour réaliser le doublé. "L’objectif est de gagner un maximum de titres et de monter le club le plus haut possible, nous affirmait, la semaine passée, Grégory Alldritt. Tous les joueurs sont sur la même longueur d’onde et ont basculé depuis un moment. Il n’y a pas grand-chose à dire. La demi-finale, ce n’est pas un match avant la finale. C’est la finale 2. Et ensuite, si l’on s’impose, il y aura la finale 1." "Ce sera un défi différent de la Champions Cup, de par le contexte, le jeu proposé, cherchait à tempérer Brice Dulin, de son côté. Ça demande de se réadapter. Ce qui est sûr, c’est qu’il va nous falloir cravacher. Il faut être lucide. La cible, on ne l’a plus dans le dos mais au milieu du front."

Quoi qu’en dise l’arrière, des finales comme celle-là, la Rochelle en a déjà gagné quatre cette saison. Et tout le rugby français s’attend à la voir réaliser la passe de cinq. Mais la légende des phases finales ne s’est-elle pas écrite à coups d’exploits auquel personne n’avait voulu croire ? Les Maritimes ne sont-ils d’ailleurs pas les mieux placés pour en témoigner ?

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?