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Exclusif. Champions Cup - Guy Novès donne les clés des quarts de finale de Champions Cup

  • Guy Novès - Ancien manager du Stade toulousain.
    Guy Novès - Ancien manager du Stade toulousain. Icon Sport
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Fort de son expérience de la coupe d’Europe qu’il a remporté à quatre reprises avec le stade toulousain, l’ex-sélectionneur des bleus décrypte pour nous les quatre quarts de finale de champions Cup, compétition qu’il suit toujours de près…

Toulouse – Sharks

La défense de Toulouse ? Ce sera un mur !

Quel sentiment vous a donné la victoire de Toulouse contre les Bulls ?

Les Toulousains ont signé une très, très belle deuxième mi-temps. Après, je pense qu’Ugo (Mola) et le staff trouveront les mots pour inviter les joueurs à réfléchir sur la première mi-temps qui n’était pas terrible. En revanche, j’ai un sentiment mitigé avec ces équipes sud-africaines que je trouve très performantes offensivement mais faibles en défense. Le Stade toulousain a maîtrisé son sujet en répondant sur le point fort des Sud-africains, à savoir l’engagement physique. Cela m’a fait plaisir : quand j’entraînais j’adorais que l’on contre l’adversaire sur son point fort ! Les Toulousains ont fait exploser les Bulls. Ces joueurs sont sur la même dynamique qu’avec l’équipe de France, et cette génération est merveilleuse.

Emmanuel Meafou (Toulouse), célèbre son essai contre les Bulls.
Emmanuel Meafou (Toulouse), célèbre son essai contre les Bulls. Icon Sport

Quel regard portez-vous sur les Sharks ?

Cela rejoint ce que j’ai dit avant : si l’on veut vendre du papier, on insiste sur le fait qu’ils ont marqué 50 points au Munster. Mais ce que je vois, c’est qu’ils en ont aussi pris 35, et sur leur pelouse en plus ! Face à un Stade toulousain de cette qualité, en mode phase finale et avec une défense... ce ne sera pas une défense, ce sera un mur ! Ce ne sera pas la même. Indiscutablement, je vois le Stade toulousain devant.

Les Toulousains ont pourtant été contrariés en conquête et notamment en touche…

Et c’est tant mieux ! Malgré ces difficultés, le Stade toulousain a marqué trois essais sur la seule deuxième mi-temps. Et tant mieux parce que cette semaine, l’accent sera mis sur ce secteur pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. C’est bien que le staff et les joueurs aient du grain à moudre. Si une équipe réalise le match parfait, cela peut conduire à une forme de laxisme que l’on ne peut pas se permettre à ce niveau de la compétition. Vous verrez que les Toulousains ne seront pas en difficulté en touche ce week-end.

L’absence d’Eben Etzebeth serait-elle vraiment préjudiciable pour les Sharks ?

Je ne connais pas son impact dans l’équipe, mais en termes de qualité c’est un joueur à part. Déjà, il n’a pas de rate : il court, il plaque, il saute, il charge… on le voit partout. Je l’avais rencontré une seule fois avec l’équipe de France en Afrique du Sud et il avait été impressionnant. Si elle est avérée, son absence sera préjudiciable pour les Sharks.

Eben Etzebeth (Sharks) est forfait pour le choc face au Stade toulousain.
Eben Etzebeth (Sharks) est forfait pour le choc face au Stade toulousain. PA Images / Icon Sport

Toulouse s’est qualifié pour les quatre dernières demi-finales. À quel point ce vécu des phases finales européennes compte à ce niveau de la compétition ?

Ils étaient en demi-finale, mais ils ont surtout été champions d’Europe il y a deux ans ! On l’a vu encore l’année dernière, lors des quarts de finale remportés face au Munster aux tirs au but. J’avais été impressionné de voir ces joueurs qui ne sont pas pris par l’évènement. Cela fait partie de leurs objectifs "normaux". Ils savent qu’ils sont capables de l’atteindre et ils vont tout faire pour. Cette expérience est un atout qui fait que cette équipe ne s’affole jamais, comme elle l’a fait la semaine dernière, quand il n’y avait que 12-6 à la mi-temps.

La Rochelle – Saracens

La Rochelle avait besoin de se faire taper sur les doigts

Venons-en à La Rochelle-Saracens. Les Rochelais se sont fait peur la semaine dernière contre Gloucester en s’imposant en toute fin de rencontre…

Ronan O’Gara a eu les bons mots. Il a dit : "On n’est pas fait pour être favoris, les joueurs ne savent pas être favoris." Ils se sont retrouvés champions d’Europe de façon inespérée. Mais quand on est champion pour la première fois, il faut être capable de l’être encore et encore. Quand on remporte une compétition, on voit les gens tellement heureux autour de nous que l’on se dit qu’on va les décevoir l’année suivante, si on ne reste pas au même niveau. Je pense que La Rochelle avait besoin de se faire taper sur les doigts et c’est arrivé en huitième de finale, même s’ils ont gagné. Ils montreront certainement un autre visage ce week-end en quart de finale. Je me souviens de la finale de Top 14 il y a deux ans : l’équipe était passée à côté, elle avait été en dessous de tout. Leur objectif de la finale était atteint mais en réalité, ils n’avaient rien atteint du tout. Il fallait être champion. Mais quand on est champion, on ne l’est qu’une année.

Les Rochelais se sont fait peur contre Gloucester.
Les Rochelais se sont fait peur contre Gloucester. Icon Sport - Icon Sport

Comment voyez-vous ce quart de finale ?

Ce sera un match assez serré. Les Saracens sont vieillissants mais possèdent des joueurs d’expérience. La Rochelle a essayé de faire plier Gloucester avec ses gros porteurs mais les Anglais ne se sont pas sortis. En Coupe d’Europe, les adversaires ne s’écartent pas. Les Saracens reviennent de loin, un quart de finale de Champions Cup est déjà bien pour eux et je ne les vois pas aller gagner à l’extérieur face à un Stade rochelais qui sort d’un mauvais match. Ce sera trop dur pour eux.

Les Rochelais s’appuient beaucoup sur la puissance de leurs meilleurs porteurs de balle, cela pourrait leur jouer des tours s’ils venaient à être contrés dans ce registre ?

Tout à fait. S’ils ne dominent pas physiquement, ils vont devoir trouver d’autres solutions. Ils les ont avec des joueurs de qualité et Ronan O’Gara est assez intelligent pour savoir qu’il va devoir ouvrir sa palette rugbystique pour faire des différences car une fois qu’il aura envoyé Skelton, Danty et Atonio prendre la ligne d’avantage… attention ! Il a intérêt à ce que la Rochelle ait un jeu un peu plus complet, tout en gardant ses points forts.

Ronan O’Gara n’était pas satisfait de la prestation de ses trois-quarts…

Je ne sais pas si les avants rochelais ont donné aux trois-quarts de bons ballons pour s’exprimer ! Je n’en sais rien, il faut travailler sur le match, le revoir et s’appeler Ronan O’Gara. Il est clair que les avants pensaient faire de grosses différences mais je les vois encore buter contre la défense de Gloucester. Si on ne joue que là-dessus, les trois-quarts auront des ballons très retardés et ne pourront pas bien les exploiter…

Quel regard portez-vous sur Teddy Thomas, qui a inscrit un doublé mais qui a aussi été peu en vue défensivement ?

C’est Teddy Thomas ! Il est capable de choses inimaginables, dont d’autres ne seraient pas capables mais il peut passer complètement à côté. Quand on parle avec lui, Teddy vous dit qu’il joue au rugby pour s’amuser. Bien sûr qu’il faut prendre du plaisir, mais il faut aussi en donner aux autres… du moins, c’est mon point de vue. J’ai moi-même sélectionné Teddy en équipe de France parce qu’on est en admiration devant ses capacités physiques hors-norme. Après, il faut s’attendre à ce qu’il soit parfois dans les nuages ! (rires) Cela reste un joueur qui peut vous faire de grandes différences sur le terrain. C’est important de l’avoir avec soi, quitte à se préparer à compenser quelques petites lacunes.

Vous avez aussi sélectionné Uini Atonio. Quel regard portez-vous sur sa progression ?

Il a eu une prise de conscience. On connaissait son potentiel physique, il fallait juste qu’il s’en persuade lui-même et qu’il l’exploite. La vie aidant, les rencontres qu’il a faites, Uini a pris conscience que c’était maintenant ou jamais. Il exprime aujourd’hui toutes ses qualités : il est incroyable en mêlée, il porte les ballons, ne les perd pas, est présent défensivement, se déplace beaucoup, secteur dans lequel il a le plus progressé. C’est un joueur important.

Leinster – Leicester

L’Irlandais ne lâche jamais le ballon

Passons à Leinster-Leicester…

Comme la Rochelle, le Leinster a été remis en question en huitième par l’Ulster (victoire 30-15 N.D.L.R.), une équipe qui savait parfaitement comment le jouer. Les Leinstermen pensaient qu’ils allaient gagner parce qu’ils gagnent toujours, mais j’ai trouvé qu’ils avaient besoin de cette petite remise en question pour retrouver le niveau qui est celui du rugby irlandais à l’heure actuelle, et qui est tout simplement impressionnant.

Le Leinster a signé un parcours impressionnant en poule, s’agit-il du favori ?

Avec Toulouse, le Leinster fait partie de ces équipes qui, quand elles appuient sur le champignon, donnent l’impression que rien ne peut leur arriver. On croit qu’elles ne sont pas efficaces, on pense qu’on va les battre, et finalement on perd. J’ai perdu une demi-finale de Coupe d’Europe face au Leinster. On n’avait pas pris beaucoup points, mais on avait été battus par cette vitesse des rucks, des enchaînements de jeu, des séquences près des lignes… J’ai eu la chance de vaincre l’Irlande avec l’équipe de France sur un essai de Maxime Médard, en France, mais cela s’était joué à peu. Aujourd’hui, le Leinster est dans la lignée de cette équipe d’Irlande dans laquelle on peut changer les joueurs sans jamais perturber le système de jeu. Leicester est vaillant, mais je vois le Leinster faire la différence.

S’agit-il d’une opposition de style, avec beaucoup de jeu à la main côté Leinster versus du jeu au pied côté anglais ?

Ce qui est certain, c’est que l’Irlandais ne perd jamais le ballon. S’il le lâche, c’est à bon escient : pour de la récupération ou de l’occupation. En face, le rugby anglais a besoin de se dépoussiérer pour pouvoir évoluer. Quand on voit Leicester jouer, on ne note pas une grande évolution dans le jeu. Ce n’est pas simple de jouer cette équipe, mais c’est un rugby qui ne donne pas le sentiment d’évoluer. Un peu comme l’équipe d’Angleterre. C’est un peu toujours la même chose, et il va devoir trouver des évolutions dans son système.

Exeter – Stormers

Exeter est inarrêtable près des lignes

Dernier quart de finale, Exeter - Stormers. Est-ce que les joueurs d’Exeter paieront le fait d’avoir disputé des prolongations en huitième de finale face à Montpellier ?

Ils ont gagné contre Montpellier mais… il y a des choses à dire ! Et je rejoins Philippe Saint-André de ce point de vue là. Je ne pense pas que les prolongations auront un réel impact sur les organismes, il suffit juste d’adapter la semaine en l’axant sur la récupération plutôt que sur le travail. Là encore, je vois Exeter passer. Cette équipe est impressionnante quand elle arrive près des lignes. Ils sont au point, et commencent à avoir une expérience de ces grands matchs. Cette équipe renaît, après avoir dominé le rugby anglais il y a quelques années. Comme d’autres, le staff et les joueurs d’Exeter vont se remettre en question après une victoire déclarée au nombre d’essais. Il n’y aura pas besoin de crier dans les oreilles des joueurs. Ils vont vouloir se faire pardonner d’être passés par la petite porte pour oublier cette mésaventure contre Montpellier.

Au terme d'un match fou face à Montpellier, Exeter s'est qualifié en quart de finale.
Au terme d'un match fou face à Montpellier, Exeter s'est qualifié en quart de finale. PA Images / Icon Sport

En quoi vous rejoignez Philippe Saint-André ?

Faire match nul à l’extérieur, après prolongations, c’est compliqué. Mais le faire et perdre avec je ne sais combien de points d’arbitrage litigieux que Philippe a relevé… Et il est vrai qu’il y a quelques décisions d’arbitrage que l’on ne peut pas comprendre quand on est coach. Quand on prend trente points, on n’en parle pas. Mais quand ça passe aussi près, la décision en votre défaveur pèse lourd dans le résultat final. C’est pour ça que je comprends Philippe.

Sam Simmonds, qui remplacera Zach Mercer à Montpellier la saison prochaine, a été élu homme du match…

Il représente bien ce pack d’Exeter qui, encore une fois, est très très efficace près des lignes. Dès qu’ils commencent à avoir ces pénalités, ils les jouent à la main et ils tapent, tapent, tapent… Cela rappelle le Leinster et ses séquences très longues qui ne se terminent qu’une fois que l’essai est marqué. Ils ne commettent que très peu de fautes, et on arrête de jouer quand on a franchi la ligne. Simmonds incarne bien cet état d’esprit, qui donne l’impression de devenir inarrêtable dès qu’il s’approche des lignes.

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