L'édito du vendredi : l’odeur du sang

Par Léo FAURE
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L'édito du vendredi par Léo Faure...

C’est une trace indélébile, dans l’histoire récente du XV de France. Une meurtrissure de plus à l’âme bleue, déjà sacrément tailladée. Tournoi des 6 Nations, 3 février 2018, Stade de France, 19h45. La première de Jacques Brunel sélectionneur et de Matthieu Jalibert ouvreur des Bleus.

Brunel avait préparé ce premier match en slalomant entre les policiers de la BRDE qui perquisitionnaient le CNR Marcoussis. Jalibert s’était blessé au bout de trente minutes. Ciel noir et pluvieux sur Saint-Denis. Déjà, ça ne sentait pas bon. Au bout du bout, celui du temps réglementaire, les Bleus menaient pourtant d’un petit point (13-12). Sauf que ce n’était pas vraiment le bout. Pas encore.

Le bout, c’était quarante-deux temps de jeu consécutifs des Irlandais, partis de leurs quarante mètres et longtemps refoulés par une défense française héroïque. Le bout, c’était cette patience infinie des Celtes pour grappiller du terrain centimètre par centimètre, sans jamais faire le mètre de trop, la passe de trop, le déblayage de trop. Le bout, c’était ce drop de Sexton à 45 mètres, après 82 minutes et 38 secondes d’une partie diablement engagée. Une action de presque quatre minutes. La grâce pour l’ouvreur irlandais, la foudre pour les Bleus.

Il y a un penchant masochiste à revoir de telles images, à se les remémorer pour les écrire. Il y avait pourtant, dans cette action, tout ce qui doit inspirer ces Bleus d’aujourd’hui dans leur quête de sacre : cette capacité à faire sien un match entre deux équipes de valeur équivalente, à faire tomber la pièce du bon côté. Tout sauf du hasard. C’est le propre des champions. Sexton en est, il l’a prouvé. Les Bleus veulent aussi en être. Il ne leur manque plus que cet instinct du mal, au moment de concrétiser. Le plus dur. Le France-Irlande qui leur est offert samedi, choc impitoyable, est une occasion rare de basculer dans cette dimension.

Fabien Galthié, aujourd’hui sélectionneur, commentait alors ces moments de dramaturgie pour la télévision. Il est savoureux de revoir les images, de bien entendre les commentaires pour constater que Galthié, à l’instant décisif, n’avait ni œil, ni oreille pour ces Bleus si cruellement battus.

Son associé Matthieu Lartot évoquait le déchirement pour Guirado et ses partenaires. Galthié, lui, n’avait de mots que pour le champion. Celui qui décide pour tous les autres. Celui qui gagne et fait gagner. Une obsession : « Oh ! le geste de Sexton. Quel geste de Sexton. Le geste. Ce geste, c’est un truc de fou. Il avait des crampes pendant l’action, il ne pouvait pas se lever. Il ne pouvait plus bouger, il ne pouvait plus courir. Et il décoche un drop de cinquante mètres sous la pluie. C’est un truc de fou, ce qu’a fait Sexton. C’est un truc de fou. Incroyable. Quel match-winner. »

Cette obsession de la gagne, Galthié doit désormais la transmettre à ses plus jeunes hommes. Face à l’instant décisif, quand la lutte est si âpre que les forces collectives se sont annihilées, il y a ceux qui baissent la tête et reculent, sur la photo de famille. Il y a ceux qui s’installent au premier rang et gonflent le torse. Excités par la valeur de l’instant. Enragés par l’odeur du sang. Jusqu’au bout et même après. C’est l’heure des Bleus.Et qu’importe si, cette fois, Sexton est absent.

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