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Sergio Parisse : « Le potentiel du RCT est énorme »

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    Sergio Parisse : « Le potentiel du RCT est énorme » Midi Olympique / Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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La légende transalpine, 38 ans, s'est confiée à nous pendant près d'une heure. L'occasion d'évoquer les défis du RCT, son avenir en tant que joueur et entraîneur, la santé du rugby italien ou encore le XV de France.

Comment le compétiteur que vous êtes vit la passe actuelle du RCT, entre les reports et la situation comptable ?

Disons que la période est délicate. Avec Toulon, nous sommes sur une série de matchs reportés et déjà, avant ça, notre position était inconfortable. Personnellement, c’est d’autant plus frustrant. J’avais disputé trois matchs en début de saison avant d'être opéré du scaphoïde. Je suis revenu il y a un mois à Pau. Je n’avais pas joué contre les Zebre en suivant et, après, il y a eu ce bloc de gros matchs qui ont successivement été reportés. En ce moment, on s’entraîne mais on ne joue pas. C’est rageant. Mais il y a pire.

À 38 ans, le manque du terrain devient-il plus fort ?

Il y a l’envie de jouer et le besoin d’avoir du rythme, aussi. Je ne suis pas tout jeune. Dès que je m’arrête, il me faut du temps de jeu pour retrouver les sensations. J’espère que ce sera bon pour cette semaine.

Vous êtes censé affronter Worcester ce samedi en Challenge. Cette compétition est-elle un véritable objectif, sachant qu'elle peut vous offrir un titre à Marseille ?

On a envie de la jouer à fond. Si c’est possible... On s’était donné l’objectif de prendre cinq points contre les Zèbre. L’équipe est dans les clous. Il y a deux affrontements à venir face à des clubs anglais, Worcester et Newcastle afin de valider la qualification. C’est aussi l’occasion de monter en puissance avant d’aller au Stade français. Il y aura un enchaînement décisif derrière avec les matchs reprogrammés.

Comment le compétiteur que vous êtes réagit quand vous regardez le classement du RCT en Top 14 ?

Vous savez, j’ai déjà vécu quelques saisons compliquées au Stade français, ça ne me fait pas peur… Le plus important est que tout est encore possible. Les résultats sont loin d’être à la hauteur de nos attentes mais il reste toute la phase retour et même plus pour redresser la situation. Tout est mis en œuvre pour renverser la tendance. Pour l'heure, ce n'est que du travail invisible et des mots. Tant que l’on ne joue pas, on n’a pas la possibilité de prouver ce que l’on veut. Il faut emmagasiner de l’énergie pour être performant quand ça repartira. Et valider tout ça par des points.


Qu'est-ce qui vous fait penser que le RCT peut encore disputer les phases finales ?

Si à ce moment de la saison, nous pensions que ce n’était plus possible, autant arrêter de jouer … Il est hors de question de commencer à baisser les bras. On en est loin. C’est même tout le contraire : le groupe voit ça comme un super défi à relever. La sixième place est encore loin et il y a beaucoup de rivaux mais nous avons suffisamment d’opportunités pour remonter au classement. Si l’on n’avait pas tous ces reports à jouer, la situation serait différente. Mais là, nous avons des chances de nous rattraper. Et puis le potentiel de cette équipe est énorme. Il n’y a pas grand-chose qui a souri en début de saison, avec le changement de managers, les absences… Un nouveau projet a vu le jour, avec une mise en place différente, de nouveau repères. Franck et tout le staff sont conscients qu’il y a assez de potentiel pour atteindre notre objectif.

Avez-vous jamais regretté d'avoir prolongé pour cette saison quand vous voyez toutes les mésaventures qui l'émaillent ?

Qui aurait pu prévoir qu’il y aurait cette pandémie et tout ce contexte ? C'était impossible. Si c’était à refaire, je le referai. J’ai zéro regret. 
 

La question que tout le monde se pose actuellement est : Sergio Parisse va-t-il disputer le Tournoi et, ainsi, enfin fêter son jubilé international ?

La réponse, je ne l’ai pas. Tout est tellement le flou en ce moment. Quand je me rappelle que j’avais prévu de jouer mon dernier test-match, il y a deux ans… Je ne veux pas m’annoncer. Car rien n'est acté. Et parce que je suis superstitieux aussi. Après, je ne cache pas que si je suis apte et que la compétition se déroule normalement, je serai disponible. Je suis en tout cas en contacts avec le sélectionneur italien.

En attendant, vous figurez en gros sur l'affiche de campagne de billetterie de la Fédération italienne... 

On ne va pas se cacher (sourire). On sait très bien que si mon image a été placée là, c’est qu’il y a une envie et un souhait qui sont partagés. Par moi et par la Fédération italienne de pouvoir me faire revenir pour ce Tournoi. J’espère faire partie du groupe pour au moins un match. Mais c’est encore un peu tôt. La priorité est déjà que je retrouve les terrains.

Si vous n'êtes pas dans le groupe initial, ça ne signifiera donc pas que vous n'aurez pas votre chance ?

Lors de la première partie du Tournoi, je ne serai probablement pas avec l’Italie mais avec Toulon. Ma priorité, c’est le club. On verra si, pendant la compétition, je peux jouer un dernier petit match. J'en serais ravi. Ce serait beau.

Ce ne serait donc que pour une rencontre ?

Il n’y a pas de limite. Tout ça doit être discuté. Ça peut être un, deux, trois matchs. Ou zéro.

Vous attendez ce moment depuis la Coupe du monde 2019. Ce doit être rageant pour ne pas dire plus...

Oui, ce n’est pas facile. Mais il y a tellement d’internationaux qui n’ont pas pu avoir les adieux ou les dernières qu’ils souhaitaient. Je ne suis pas un martyr pour autant. Ce serait très sympa de vivre ce moment mais si ça n’arrive pas, ça n’enlèvera rien de tout ce que j’ai vécu avec l’équipe d’Italie, mes cinq Coupes du monde, les vingt ans… Si le destin ne veut pas que ça se réalise, ça ne se fera pas.

Quel regard portez-vous sur l'émergence de la nouvelle génération italienne ?

Depuis deux saisons, les jeunes qui avaient été très performants dans leur catégorie, en moins de 20 ans, ont pris de l’ampleur dans l’équipe nationale. Il y a de beaux potentiels. Je pense d’abord à Garbisi en 10, un poste auquel on a eu du mal à trouver un joueur performant et constant. Il a choisi un bon club en France, Montpellier, et il enchaîne. Il y en a d’autres qui forgent leur expérience en France comme Mori à Bordeaux ou en Angleterre. C’est un moment de transition. Elle a pris trop de retard. On s’est peut-être trop reposé sur des cadres, dont je fais partie, qui portaient ce maillot depuis quinze ans. Quand il a fallu changer, ça s’est fait d’un seul coup. Ça a été radical. La plupart des jeunes n’avaient pas d’expérience et de vécu du haut niveau. Or, quand tu joues le Tournoi, personne ne te fait de cadeau. D’autant plus que les autres nations grandissent de leur côté. À l’exemple de la France qui a eu des années difficiles et qui, depuis la prise en main de Fabien Galthié et les succès des moins de 20 ans, est super compétitive. La comparaison ne vaut pas avec l’Italie. Ce ne sont pas les mêmes mondes. Mais dans notre petit univers, il y a aussi du talent et de l’espoir.

En attendant, l'Italie reste sur trente-deux revers dans le 6 Nations...

Le Tournoi, c’est la vitrine, le moment de vérité. Depuis cinq ans, nous n’avons pas gagné un match. C’est inacceptable et cela amène beaucoup de questions. Celle que se posent la plupart des gens, c’est celle de notre participation au Tournoi. C’est récurrent et c’est côté légitime, en un sens, même si quand tu es partie prenante, ça te fout les boules. Quand les résultats ne sont pas là, tu ne gagnes ni le respect ni la crédibilité. Nous sommes encore fragiles mais je suis convaincu que la nouvelle génération peut faire du bien. Même si ce sera un Tournoi relevé avec trois déplacements et deux réceptions, j’espère voir une sélection compétitive, qui ne lâche rien, qui met les autres en difficulté. Qu’elle soit chiante et difficile à jouer, comme elle a pu l’être dans le passé. Une équipe qui, si on la prend trop de haut, peut vous faire tomber, comme c’est arrivé deux fois contre la France, face à l’Irlande ou au pays de Galles. C’est vrai, on est les moins forts mais nous devons vendre chèrement notre peau. Il le faut pour regagner de la crédibilité.

L'Italie débutera sa compétition au Stade de France. Voyez-vous les Bleus comme les favoris de l'épreuve ?

Débuter à Paris, c’est ce qu’il y a de plus dur. La France a montré qu’elle avait retrouvé son rang. Elle a prouvé en Australie qu’elle avait un énorme réservoir de talents avec plusieurs équipes de haut niveau. Et puis il y a eu la victoire face aux Blacks. Les Bleus ont franchi un cap et sont plus que jamais favoris du Tournoi. Ils en sont conscients. Après, je connais les joueurs français. Nous, les Latins, on a tendance à s’enflammer et on peut tomber de très haut. Mais si cette équipe arrive à être ambitieuse en restant humble dans sa préparation, elle a le potentiel et toutes les cartes en main pour l’emporter. Ça ne dépend que d’eux.

Fabien Galthié est le maître d'œuvre des Tricolores. Il était votre premier entraîneur en France... Quels souvenirs en gardez-vous ?

Je pense que Fabien ne me connaissait pas trop. C’est Max Guazzini qui m’avait déjà contacté l’année d’avant. J'avais été blessé lors du Tournoi et j’avais décidé de rester à Trévise un an de plus. Je le connais bien Fabien. Il a eu de nombreuses expériences. Je pense qu’il a évolué dans sa manière de gérer une équipe. La position de sélectionneur lui va très bien. Il est très intelligent dans l’analyse. Il a plus de confiance en lui désormais. C’est en tout cas ce que je ressens de l’extérieur. Il paraît très sûr de lui. Après, je ne sais pas si on peut parler de chance mais il tombe au bon moment. Il se retrouve avec une génération de joueurs très forts avec énormément de qualités. Pour la prochaine décennie, vous avez un réservoir qui vous permettra d’être compétitifs chaque année. Et bien sûr lors de la Coupe du monde qui arrive.

En parlant du XV de France, les victoires décrochées par la Squadra en 2011 et 2013 face aux Bleus sont-elles les plus belles de votre carrière internationale ?

Je n’en ai pas vécues beaucoup, malheureusement. Je garde souvent en tête la victoire contre l’Afrique du Sud, en 2016, à Florence. C’était vraiment historique. Mais c’est vrai que ces succès ont été énormes à vivre, surtout celui de 2011. La France sortait d’un grand chelem et c’était la première fois qu’on la battait dans le Tournoi. Jusque-là, j’avais souvent largement perdu et je peux dire que les retours au Stade français étaient un peu douloureux, avec les Marconnet, De Villiers, Dominici… 2013, c’était aussi une fantastique victoire. Même si la France traversait une mauvaise passe en termes de résultats.

Il n'avait manqué qu'un coup de pied pour réaliser l'exploit à Paris en 2016, aussi...

Oui avec ce drop qui est complètement raté de ma part… Ce match me reste en travers de la gorge. Pas tellement sur un plan personnel même si j’aurais tant aimé réussir mon coup de pied. C’est surtout collectivement qu’il y avait des regrets car nous avions eu de nombreuses occasions ce jour-là. L’équipe était à deux doigts de réaliser quelque chose de très grand : battre la France à Paris.

Vous rendez-vous compte, qu'en juin, vous fêterez les 20 ans de votre première cape, en Nouvelle-Zélande ?

Ouah, ça fait beaucoup d’années. Honnêtement, je ne les ai pas vues passer. J’ai vécu tout ça de façon tellement intense. Je suis fier et honoré d’avoir eu ce parcours et la chance de porter autant de fois le maillot de l’Italie. J’espère avoir laissé un joli quelque chose dans l'histoire de l'Italie. Et pour l’avenir, en inspirant les futures générations. Mais ce n’est pas encore du passé. En tout cas, j’ai zéro regret, je suis heureux de tout ce que j'ai connu.

En septembre dernier, vous déclariez : ""Si je dis à ma femme que je fais encore une saison, elle me tue." Cette position est-elle inchangée ?

Que ma femme va me tuer si je repars pour une saison ? Ça n’a pas changé (rire).

Et votre position, à vous ?

Je suis en fin de contrat et il y a de fortes chances que ce soit ma dernière saison. Après, si l’on continue à ne pas jouer pendant des mois, je me poserai la question d’en faire une autre. Je n’ai disputé que quatre matchs pour le moment… S’il n’y avait pas eu le Covid, j’aurais peut-être arrêté il y a deux ans. Là, entre ça et ma blessure, je sens que j’ai encore beaucoup à donner. On verra ce que donneront les prochaines semaines avant de décider si ce sera ou non ma dernière année.

Avez-vous la crainte de l'arrêt ?

Ce n’est pas de la peur. Disons que c’est une prise de conscience qu'il faudra accepter : car après, il n’y aura plus de retour en arrière. Il me faut écouter mon cœur et surtout mon corps. Je dois avoir la capacité d’être intelligent et humble vis-à-vis de moi-même pour savoir quand arrêter. Ou, si les conditions m’y incitent, de faire une saison de plus. En tout cas, ce n’est pas la peur d’arrêter qui anime ma réflexion.

Depuis le début de saison, vous avez des prérogatives d'entraîneur au RCT. En quoi consiste cette ébauche de reconversion ?

J’essaye de partager un maximum avec les jeunes du club sur la touche et le reste. Avec l’équipe première, je travaille aussi à l’analyse et à la mise en place de la stratégie de ce secteur avec le staff et d’autres leaders. En parallèle, je passe mon DE. La semaine prochaine, je serai d’ailleurs en stage à Font-Romeu. Ça fait partie des choses importantes pour mon avenir.

Vous ne vous voyez donc pas ailleurs qu'au bord d'un terrain de rugby, à terme ?

Mon souhait est de rester dans le monde du rugby car c’est ce que j’aime le plus et ce que je maîtrise le mieux. Mais il y aura le cap à passer. Je vais l’aborder avec humilité et aussi beaucoup d’ambitions. Comme je l’ai fait en tant que joueur. Je suis vraiment un passionné mais je ne suis pas fermé sur le reste. Si j’ai d’autres opportunités, j’y serais ouvert.

En tant qu'entraîneur, on vous imagine tellement comme sélectionneur de l'Italie...

Je ne sais pas si ce sera possible. Ce n’est pas mon objectif aujourd’hui, en tout cas. Pour avoir vu de nombreux partenaires passer de joueur à entraîneur, je sais que c’est un monde à part. Il y a une transition à assumer. Le diplôme d’état, ça permet d’apprendre beaucoup de choses sur nous, sur les capacités que l’on aura ou pas à transmettre. J’ai confiance dans ce que je peux amener mais tant que tu ne le vis pas... Malgré mon statut en tant que joueur ou mon vécu, les compteurs seront remis à zéro. Ce n’est pas dit qu’un grand joueur devienne un grand entraîneur.

Quels entraîneurs vous ont le plus marqué ?

J’en ai eus tellement mais, honnêtement, celui qui m’a marqué de façon particulière, c’est John Kirwan. Il m’a fait jouer à 18 ans en équipe nationale. Plus que sur l’aspect technique, c’est sur la dimension humaine et sur la prise de conscience de ce que je pouvais atteindre qu’il a été décisif. Il a eu énormément d’impact sur moi. Fabien Galthié, de par sa vision technique et sa compréhension du jeu, a été un des meilleurs entraîneurs que j’ai eus. Après, il y a des coachs qui étaient peut-être moins précis mais qui se démarquaient par leur management fort. Nick Mallett était un énorme meneur d’hommes. Au Stade français, il y a Gonzalo Quesada. Il était posé, calme, professionnel, organisé. Il a aussi eu un rôle important. On garde quelque chose de chacun des entraîneurs que l’on a connus, même ceux qui nous correspondent moins.

Pensez-vous rester en France, à l'avenir, si c'est possible ? Après tout, vous y vivez depuis presque 20 ans...

C'est vrai que j’ai passé plus de temps en France qu’en Italie ou qu’en Argentine. C’est devenu ma deuxième maison. Paris, c’était vraiment chez moi. Depuis que je suis arrivé à Toulon, j’ai découvert un nouvel endroit très appréciable. Avec la famille et les enfants, c’est un cadre très agréable. Et puis j’ai découvert cette ferveur. C’est fantastique. Alors, pourquoi pas rester en France ? Après, que ce soit ici ou ailleurs, le plus important est que je sois bien avec ma famille.

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