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Dupont : « Les éloges, c’est agréable mais ça n’offre pas de titre »

  • Antoine DUPONT of Toulouse during the Top 14 match between ASM Clermont and Stade Toulousain at Parc des Sport Marcel-Michelin on September 6, 2020 in Clermont-Ferrand, France. (Photo by Romain Biard/Icon Sport) - Antoine DUPONT - Alban PLACINES - Stade Marcel Michelin - Clermont Ferrand (France)
    Antoine DUPONT of Toulouse during the Top 14 match between ASM Clermont and Stade Toulousain at Parc des Sport Marcel-Michelin on September 6, 2020 in Clermont-Ferrand, France. (Photo by Romain Biard/Icon Sport) - Antoine DUPONT - Alban PLACINES - Stade Marcel Michelin - Clermont Ferrand (France) Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'enfant de Castelnau-Magnoac a été le grand bonhomme de l'année 2020. Il tire un bilan positif de ces douze mois sans être comblé pour autant. Le numéro 9 de 24 ans a faim de trophées, en club comme en sélection. Il nous parle de ses ambitions et de ses aspirations.

L’année 2020 s’est bien terminée pour vous avec la belle victoire bonifiée face à Bordeaux-Bègles…

C’était une période charnière avec de grosses réceptions au programme. Des rendez-vous importants pour la suite de la saison. Il y avait le match d’Exeter qui ne s’est malheureusement pas joué et la venue de Bordeaux. Même si tout n’a pas été parfait, le résultat est très positif.

Pour en revenir à votre essai en seconde période, peut-on parler d’instinct pur et simple ?

Oui, c’est le cas. Sur l’action, je me retrouve à l’opposé du ballon quand il y a le turnover. Je choisis de garder ma place car j’aurais été en retard pour le sortir. La situation n’est pas très bonne à jouer sur les extérieurs car il n’y a pas de surnombre. Je décide de repiquer à l’intérieur. Je le tente souvent, ça ne marche pas à chaque fois alors quand ça passe, ça fait plaisir.

Et voilà encore un de vos essais qui tourne en boucle sur internet…

Ça fait un essai en solitaire à l’arrivée et les supporters sont friands de ce genre d’actions. Mais ça reste anecdotique. Le plus important, c’est que cet essai nous a permis de reprendre le contrôle du match alors que l’Union Bordeaux-Bègles était revenue à trois points et nous avait remis sous pression.

Cet essai a été votre troisième du mois. Vous finissez l’année en grande forme…

C’est toujours agréable de scorer mais je ne suis pas à la chasse aux essais. Ça ne me motive pas plus que ça. En plus, sur l’essai à Bayonne, j’ai couru 3,50 mètres pour marquer. Au-delà de ça, ce qui m’importe c’est que l’équipe a enchaîné trois victoires d’affilée sur la période. C’est le principal.

Si vous deviez dresser un bilan de cette année 2020, qu’en retireriez-vous ?

Il est paradoxal. D’un point de vue général, il y a cette crise sans précédent. Après, sportivement, elle a été plus que positive. Avec Toulouse, on reste sur une bonne dynamique même s’il y a cette demi-finale de Coupe d’Europe qui nous laisse des regrets. Avec l’équipe de France aussi, nous allons dans la bonne direction, il y a un renouveau. Je n’avais jamais gagné autant de matchs avec la sélection. Nous sommes peu à avoir connu la période sombre du XV de France et le fait de commencer par des succès a permis d’emmagasiner de la confiance. Il y a eu beaucoup de victoires et de positif. C’est une année à retenir.

Qu’est-ce qui restera comme le meilleur souvenir ?

J’hésite entre l’Angleterre et le pays de Galles dans le Tournoi. Ça a été deux moments forts et fondateurs pour le groupe. Le match face aux Anglais, j’ai l’impression qu’il remonte à dix ans. Il y avait 80 000 spectateurs et une ambiance de fou dans les tribunes. Et sur le terrain, nous avions le sentiment que rien ne pouvait nous arriver. On était sûr de nous et hypermotivés. Il faut dire qu’il y avait la peur de prendre une raclée. Ça a été un peu le même contexte au pays de Galles et c’est ce qui a rendu ces victoires si belles.

Il y a un an, quel était votre état d’esprit avant d’entamer le Tournoi ?

Il y avait de l’attente mais aussi de l’incertitude avec un large renouvellement de l’effectif. On ne savait pas trop où l’on mettait les pieds. Il fallait tout prouver et donc être à 200 % pour montrer ce que nous valions. C’est ce qui nous a portés. Depuis, on a grandi et appris tous ensemble. Même la défaite en Écosse, qui coûte cher à l’arrivée, a été fondatrice dans un sens. Huit mois après, dans des conditions difficiles, nous y avons gagné. Ça n’aurait peut-être pas été le cas avant.

Justement, quel moment vous paraît douloureux ?

Il y a le match en Écosse ou mon coup de pied contre l’Angleterre, à la fin. Même si ça n’a pas directement amené les trois points, il a fourni aux Anglais l’occasion de prendre le point de bonus qui les fait terminer devant nous au classement final. Évidemment que ça reste un grand regret, même s’il faut passer à autre chose.

En vingt matchs, vous n’avez connu la défaite qu’à quatre reprises. Mais le compétiteur que vous êtes doit être frustré de ne pas avoir empoché de titre au passage…

Je ne peux pas me satisfaire de dire : « C’est bien, on a fait une demie européenne et terminé deuxième du Tournoi. » Dans dix ans, on n’en parlera plus. Ce qui marque, ce sont les titres. Le reste, c’est oublié. Alors, oui, c’est bien mais ça ne me suffit pas. Surtout vu les conditions. Ce n’est pas comme si nous étions tombés sur meilleurs que nous.

Individuellement, quel bilan pouvez-vous tirer ?

Honnêtement, je ne suis pas du style à faire les plus et les moins. Je poursuis mon évolution tranquillement et je sais ce qu’il me reste à améliorer. Je regarde plus devant que derrière. Le passé, ça ne me tracasse pas.

Regardez-vous beaucoup vos matchs ?

Oui, je les visionne tous. Généralement, mon ressenti à chaud se confirme. Je pense d’ailleurs que je suis plus sévère avec moi que les autres. Cette exigence me pousse à vouloir être meilleur. Je ne suis jamais comblé. Approcher la perfection, c’est ce qui me motive même si le match parfait n’existe pas. Il y a un éternel insatisfait qui sommeille en chaque sportif. Si c’était juste pour s’amuser, on ne trouverait pas la force de s’entraîner autant.

À 24 ans depuis la fin novembre, vous n’êtes plus perçu comme un espoir mais comme un cadre des Bleus. Comment le vivez-vous ?

Ça fait un petit moment que je ne suis plus considéré comme un petit jeune, vu que j’ai commencé tôt. Mon statut a peut-être un peu changé cette année, c’est vrai. Dans le sens où j’ai véritablement enchaîné pour la première fois en équipe de France. Mais l’image, je n’y attache pas d’importance. Je sais sur quoi me concentrer et il y a mes entraîneurs qui sont là pour me remettre dans le droit chemin si besoin. Ugo ne me fait pas de cadeaux mais je sais qu’il a une grande confiance en moi. Quand il m’a fait venir à Toulouse, il croyait beaucoup en moi. Ce n’était pas forcément le cas de tout le monde. Il me connaît très bien en tant que joueur et en tant qu’homme.

Comment décririez-vous vos rapports avec Fabien Galthié, que l’on sait parfois exigeant avec ses joueurs, surtout ses demis de mêlée ?

C’est facile de s’appuyer sur ce genre de coachs : Fabien a une énorme expérience et est un grand technicien. Franchement, ça se passe très bien, je n’ai pas eu de rapport conflictuel. Il est très pédagogue et surtout dans le positif. De toute manière, je sais reconnaître quand je ne fais pas de bonnes choses.

Vous avez à plusieurs reprises été capitaine du Stade toulousain, ces derniers temps. Comment assumez-vous cette responsabilité ?

Ça s’est produit à plusieurs reprises cette année. Je sais que c’est une volonté d’Ugo pour me faire progresser sur d’autres secteurs que le jeu. Il a cette ambition pour moi. Ce qui me pousse à faire quelques efforts. Je sais que c’est important pour mon poste. C’est une belle marque de confiance.

Elle vous amène à forcer votre nature…

Oui, je ne suis pas très communicatif à la base. Je ne dirais pas que je me force mais ça m’incite à m’exprimer davantage. Ça ne peut qu’être profitable.

Sur le terrain, en revanche, vous gardez cette part d’insouciance. Comme si la pression du haut niveau n’avait pas de prise sur vous…

J’ai toujours aimé ce côté ultra-offensif, d’initiatives et de prises de risque. C’est ce rugby qui me plaît et qui me correspond. Je me rends compte que l’on peut gagner des matchs en jouant au ballon. Vous savez, j’ai commencé à travailler le jeu au pied en arrivant à Castres. À Auch, on ne tapait que lorsque l’on avait le ballon dans l’en-but.

Du fait notamment de votre côté spectaculaire, vous êtes devenu une des vedettes du rugby français. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

Il y a plus d’interviews au téléphone (sourire). Sérieusement, ma vie n’est pas chamboulée non plus. Il y a plus de personnes qui me reconnaissent dans la rue et davantage de sollicitations, mais le club est là pour le gérer et je suis bien entouré. C’est important pour ne pas y perdre trop de temps et d’énergie.

Y parvenez-vous facilement ?

C’est venu progressivement, alors j’ai eu le temps de m’y habituer. Ce n’est pas naturel mais j’arrive à bien le gérer. C’est difficile de le prendre mal, c’est tout même beaucoup de positif.

Il y aurait de quoi avoir la tête qui tourne avec tous ces éloges et distinctions qui pleuvent sur votre personne…

En soi, ce que les gens disent, même si ça peut être agréable, ça ne signifie rien de concret. Ça ne confirme rien. Les compliments et les distinctions individuelles, les éloges, ça n’offre pas de titre. Or, c’est ce qui compte. Dire qu’un tel est le meilleur ou pas le meilleur, ça ne sert franchement pas à grand-chose.

Même quand c’est Aaron Smith en personne qui vous qualifie de meilleur demi de mêlée du monde ?

Disons que ça fait un peu plus plaisir… (sourire)

Le statut de nouvelle star est-il exagéré à vos yeux ?

Ce que j’ai accompli dans ma carrière, par rapport à d’autres, c’est ridicule. Je ne me dis pas : « Ouah, c’est énorme ce que j’ai fait. » Il suffit que je regarde au-dessus de moi, vers les meilleurs, et ça me remet à ma place.

Quelle influence a votre éducation dans votre gestion de cette notoriété ?

Je ne m’en rends pas forcément compte mais j’imagine qu’elle m’aide à garder les pieds sur terre. Tout comme le fait d’avoir un entourage présent sur qui m’appuyer, avec qui je peux discuter et qui peut me dire les choses sincèrement si je ne vais pas dans la bonne direction.

C’est une vraie bénédiction, pour vous, de pouvoir concilier votre carrière et votre famille…

C’est primordial à mes yeux. J’ai un environnement familial très fort et mes choix sportifs ont été en partie guidés par ça. Je n’aurais pas pu partir loin de chez moi. J’ai eu la chance d’être proche de Toulouse qui est un grand club. Ça m’a facilité les choses.

Votre réussite tient aussi à l’équilibre entre le rugby et les activités parallèles, où l’on vous sait actif…

C’est important d’avoir d’autres sujets d’intérêt que le rugby. Ça permet de voir autre chose, de s’aérer l’esprit. D’autant plus que nous avons du temps libre à côté même s’il y a des plages de récupération nécessaires. Je viens d’avoir mon master en management du sport en septembre. Et là, avec mon frère, nous allons rouvrir l’hôtel-restaurant familial à Castelnau-Magnoac en ajoutant une partie réceptive pour les mariages et les séminaires. C’est un projet qui nous occupe bien, même si je ne suis pas sur place. J’ai mon frère au téléphone deux fois par jour, j’appelle ma mère et mon oncle très souvent, aussi. Ça me tenait à cœur.

Cet été, Romain Ntamack nous avait confié ne pas se voir jouer ailleurs qu’au Stade toulousain. Ça pourrait être votre cas aussi…

Je le ressens aussi. Quand on en discute, entre jeunes du coin, c’est ce qu’on se dit : on se voit mal jouer ailleurs. Ça se passe bien au club, sur et en dehors du terrain. La ville est top… C’est difficile de s’imaginer partir.

D’autant plus que ce club est rugbystiquement taillé pour vous…

Je m’y retrouve à 200 %. Ça fait plaisir d’être dans une équipe avec de telles ambitions de jeu. C’est notre rugby. On est bons lorsqu’on joue de manière débridée. Quand on essaye de copier les autres, ça ne marche pas de toute manière. Même si c’est risqué, c’est ce rugby qui nous fait gagner les matchs.

Quels sont vos objectifs pour 2021 ?

Je ne vais pas commencer à dresser une liste avec tel ou tel but à atteindre. Ce qui me motive, encore et toujours, c’est de gagner des titres. Quand on a connu ça, c’est tellement fort que l’on n’a qu’une envie : le revivre. Pour y parvenir, il faut s’entraîner dur. Au niveau de ma progression individuelle, il y a plein de points qui ne me satisfont pas et que je veux améliorer.

Les titres sont votre obsession. C’est aussi celle des supporters du XV de France…

À Toulouse, ça faisait sept ans et ça paraissait être une éternité. Pour les Bleus, tout le monde attend ça depuis dix ans. La ferveur autour de nous est d’autant plus forte. Elle nous porte. C’est hyper motivant.

D’autant plus que tous les regards sont déjà tournés vers la Coupe du monde 2023…

Le tirage au sort nous a mis un pied dedans, on a l’impression que c’est demain. C’est l’objectif ultime de ce groupe France. Ça amène une pression et une détermination supplémentaires. On sait le chemin qu’il reste à parcourir : il nous faut gagner des matchs mais aussi des titres, d’ici là. Les mois à venir vont donc être décisifs.

Pour aller chercher le Graal : un titre de champion du monde.

Oui, c’est le rêve de tous. Une fois que tu as gagné ça, tu peux finir ta carrière tranquillement. Enfin, façon de parler évidemment (sourire).

C’est un rêve pour tous. Est-ce un but à vos yeux ?

Aujourd’hui, c’est dur de dire : « Je veux être champion du monde. » Évidemment, tout le monde veut l’être. Mais il faut être humble et ne pas oublier d’où on revient : on n’a fait qu’une saison et nous n’avons rien gagné, finalement. Soyons patients tout en restant ambitieux.

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