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Comment les îliens vivent le confinement

Par Simon VALZER (avec M. D.)
  • En couple avec une infirmière qui lutte au quotidien contre la propagation du coronavirus, le centre international fidjien Waisea refuse de se plaindre du confinement. Il en a profité pour modifier son régime alimentaire afin de garder la ligne.
    En couple avec une infirmière qui lutte au quotidien contre la propagation du coronavirus, le centre international fidjien Waisea refuse de se plaindre du confinement. Il en a profité pour modifier son régime alimentaire afin de garder la ligne. Icon Sport
  • Le Girondin Seta Tamanivalu, maintient une activité physique soutenue et encourage ses compatriotes à en faire de même pour vivre au mieux le confinement.
    Le Girondin Seta Tamanivalu, maintient une activité physique soutenue et encourage ses compatriotes à en faire de même pour vivre au mieux le confinement. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Déracinés, parfois isolés et contraints de rester en France malgré l’arrêt des compétitions, les joueurs du Pacifique ont quelques raisons de mal vivre le confinement. Mais c’est sans compter sur le réseau d’entraide mis en place par les joueurs ou leurs syndicats, qui œuvrent contre l’isolement.

À l’heure où nous vivons notre quatrième semaine de confinement, on se rend bien compte que cette situation est décidément délicate à gérer. Oh bien sûr, il y a confinement et confinement. Vous pouvez être confiné comme un étudiant coincé à Paris dans un 11 m2 sous les toits ou vous pouvez l’être au fin fond du Pays basque intérieur, avec 10 hectares de terrain. Soit. Mais dans les deux cas, les déplacements sont restreints, les interactions sociales réduites à leur plus simple expression, et les activités collectives sont interdites. Alors maintenant, imaginez vivre cette situation, mais dans la peau d’un expatrié — comme le sont les nombreux joueurs du Pacifique qui peuplent nos championnats pros et amateurs -, assigné à résidence, privé de son activité principale (le rugby) et interdit de rentrer dans son pays le temps que l’épidémie passe… C’est la question que nous nous sommes posée, et que nous avons voulu poser à ces joueurs, dont le déracinement les expose forcément plus à un éventuel mal-être.

Waisea : "Je n’ai pas le droit de me plaindre"

Face à cette situation de crise, le prodigieux centre du Stade français Waisea Nayacalevu a décidé de faire front. Pas uniquement pour lui, mais aussi et surtout pour sa compagne, qui se trouve, elle, en première ligne dans la lutte contre la propagation du virus : "C’est long, c’est ennuyeux, nous a confié le centre fidjien. Mais je n’ai pas le droit de me plaindre. Ma copine Cilou est infirmière, elle ne compte pas ses heures à l’hôpital Percy (Clamart). Ce n’est pas toujours facile pour elle mais elle garde le moral et la tête haute. Rien que vis-à-vis d’elle, je me dois de rester digne. Mon emploi du temps ? Je promène une fois par jour mon chien dans la forêt de Meudon (il vit à Sèvres), je fais beaucoup de sport et respecte un régime sans glucide. J’ai évacué le pain, le riz, les pâtes. Je mange des salades, des protéines ; je n’ai pas pris un gramme et me sens vraiment bien. J’espère donc que le championnat reprendra bientôt." Waisea garde aussi un œil sur la situation dans son pays de naissance : "Pour l’instant, il n’y a que quatorze cas de coronavirus aux Fidji. Mais les autorités prennent ça très au sérieux."

Kunatani pris par la patrouille

Si sérieux que la semaine dernière, la presse fidjienne a annoncé l’arrestation de deux internationaux à VII (dont vraisemblablement l’ex-Toulousain Semi Kunatani, champion olympique à VII en 2016 et aujourd’hui en Angleterre, aux Harlequins) qui n’ont pas respecté les 14 jours de quarantaine après leur retour d’Europe via Singapour. Un manquement lourdement condamné par le Premier ministre fidjien Frank Bainimarama qui les a accusés de "mettre en danger l’ensemble des Fidji", ainsi que par le directeur général de la fédération fidjienne John O’Connor : "La FRU prendra les mesures disciplinaires appropriées contre ces joueurs de rugby professionnels et signalera leurs comportements extrêmement irresponsables à leurs clubs et à la fédération internationale, World Rugby."

Quand Tamanivalu encourage ses compatriotes à éteindre Netflix…

Alors pour éviter d’en venir à des situations aussi regrettables, plusieurs acteurs se mobilisent. À commencer par l’ancien troisième ligne centre international de Brive Sisa Koyamaibole, connu pour veiller comme un grand frère sur les membres de sa communauté : "J’ai fait le tour de mes contacts et fait savoir à tout le monde que s’ils rencontraient la moindre difficulté, qu’ils n’hésitent pas à en parler. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas encore eu de retour, les choses se passent plutôt bien", nous a assuré le colosse. Les joueurs se mobilisent donc, mais aussi les instances. En France, le syndicat des joueurs Provale porte une attention particulière à la question. Au niveau international aussi, la mobilisation est de mise par l’intermédiaire de l’association Pacific Rugby Players, équivalent de Provale pour les joueurs du Pacifique.

Fondée en 2013 par les trois équipes Flying Fijians (Fidji), Ikale Tahi (Tonga) et Manu Samoa (Samoa), cette association est reconnue par World Rugby et siège à l’International Players Association. Son comité directeur est composé d’internationaux passés ou présents comme Hale T. Pole, Akapusi Qera, Jack Lam, Siale Piutau, ou Deacon Manu. Ils emploient cinq personnes à travers le monde dont l’ancien Racingman Joe Rokocoko, basé en France. L’association vise donc à soutenir et à aider les joueurs en ces moments troubles : traduction et rappel des consignes de sécurité, rappel des règles d’hygiène ou de mobilité, démarches administratives ou financières, aide à l’encadrement scolaire des enfants pour les joueurs qui ont des enfants, les missions de PRP sont larges. Combattre l’inactivité en fait aussi partie : récemment, l’association a diffusé une vidéo de l’international All Black d’origine fidjienne Seta Tamanivalu où l’ailier de l’UBB encourage ses compatriotes à éteindre la télé et Netflix ! Et dès la semaine prochaine, PRP compte aborder l’épineux sujet de la reconversion professionnelle : "Nous allons développer des réunions en ligne sur le thème de la préparation de l’après-carrière. Des anciens joueurs d’origine du pacifique vont partager leur expérience", promet son directeur, Aayden Clarke. De quoi accompagner au mieux les déracinés du rugby à travers cette drôle de période…

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