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Ollivon : « Je ne suis personne pour décider de tout »

  • Charles Ollivon (France) sera le 92e capitaine des Bleus lors du prochain Tournoi et se confie à Midi Olympique
    Charles Ollivon (France) sera le 92e capitaine des Bleus lors du prochain Tournoi et se confie à Midi Olympique Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Au lendemain de son aller et retour express à Londres pour le lancement du Tournoi, le 92ème capitaine du XV de France a pris le temps de nous accorder une interview exclusive. Entre fierté, sens du devoir et humilité, il raconte comme il prend ses nouvelles responsabilités et prévient qu'il ne compte pas les tenir seul. Il évoque aussi son parcours, de Saint-Pée sur Nivelle où il a été formé avec Maxime Lucu et se projette sur la redoutable Angleterre...

Votre nouvelle fonction de capitaine du XV de France vous a demandé beaucoup d'obligations cette semaine, avec notamment un aller et retour à Londres mercredi dernier, comment la vivez-vous ?

J'essaye de me poser le moins de questions possibles. Ce sont des choses par lesquelles je dois passer donc je ne me demande pas si cela me plaît ou pas, je les fais, point. Je prends les choses comme elles viennent et je reste pragmatique.

Craignez-vous que cela vous demande beaucoup d'énergie ?

On m'a mis en garde par rapport à cela. Je ne suis pas forcément inquiet. Ce sera mon rôle pour les cinq prochains matchs. On me l'a proposé, j'ai accepté, j'en connais les risques, les avantages et les inconvénients mais j'ai dit oui alors j'assume. Je ne vais pas rebrousser chemin.

On a tous la même responsabilité au sein du groupe France que ce soit dans la vie, le jeu ou sur le terrain. C'est un collectif.

Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

Très bien. Fabien me l'a annoncé puis s'en est suivi une longue discussion qui fut très intéressante. Ce n'est pas un rôle auquel je pensais quand j'étais gamin, mais c'est arrivé et j'en suis le plus heureux.

Avez-vous ressenti de l'étonnement ?

Un peu, mais j'ai vite pris conscience des responsabilités que cela représentait. J'ai été heureux mais j'ai vite pris du recul car ce capitanat aurait pu être donné à n'importe quel autre joueur qui fut leader pendant la Coupe du monde. J'ai assez d'humilité par rapport à cela, et j'ai été le premier à solliciter d'autres joueurs. Je ne suis personne pour décider de tout, ce n'est pas ma nature et cela n'a pas de sens. Et puis ils sont tout autant leaders que moi donc je veux que l'on avance ensemble.

Aviez-vous senti des signes avant-coureurs au Mondial ?

J'étais capitaine de touche, comme lors des matchs de préparation. Mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un signe avant-coureur.

Vous êtes vous posé la question de votre légitimité ?

Je n'ai pas pris cette décision, on me l'a proposé. Bien sûr que la question se pose... J'ai fait toute la Coupe du monde, y compris la préparation depuis le 24 juin, nous avons vécu quatre mois et demi ensemble sans relâche... Je fais partie du groupe au même titre que tous ceux qui sont là aujourd'hui ou des blessés qui nous ont rejoint. On a tous la même responsabilité au sein du groupe France que ce soit dans la vie, le jeu ou sur le terrain. C'est un collectif.

Le fait que cette mission soit temporaire vous retire de la pression ?

Clairement. Et en plus cela me va bien car cela rejoint ma philosophie qui est de profiter de l'instant présent. Et puis je suis bien placé pour dire que l'on ne sait jamais où l'on sera dans un an ou deux. Donc dans ma tête, je ne vois pas plus loin que le Tournoi. On m'a parlé de 2023 mais c'est bien trop loin.

Cette philosophie doit certainement venir de venir de votre passé, marqué par vos graves blessures et votre retour presque miraculeux. Ce dernier vous donne t-il toujours de la force aujourd'hui ?

C'est en moi. Je ne pourrai jamais l'enlever ni l'oublier, c'est comme ça. Maintenant, cela arrive à tout le monde. Il n'y a pas de cas particulier avec moi, j'ai juste essayé d'en tirer le positif.

Fabien Gatlhié a dit qu'il avait apprécié cette résilience...

J'aurais préféré qu'il ne m'arrive rien ! J'ai eu des galères, mais d'autres en ont eu aussi. Ce ne fut pas un choix, cela ne m'a pas régalé de traverser tout ça et aujourd'hui je n'ai plus envie de revenir dessus. Encore une fois, je ne suis pas un cas à part. Je suis quelqu'un de normal.

Le dernier Basque à avoir conduit les Bleus était Imanol Harinordoquy. Un capitaine du XV de France basque, cela représente quoi pour vous ?

Cela représente beaucoup car je suis très attaché à mes origines, ma famille, mes amis, mon village. A mon club aussi, car si l'on parle de mon pays basque on parle de Saint-Pée sur Nivelle. Cela me fait chaud au cœur de pouvoir les représenter de cette manière, en équipe de France. Je ressens beaucoup de fierté par rapport à cela.

Un autre joueur de Saint-Pée sur Nivelle a été appelé à vos côtés, il s'agit de Maxime Lucu. Quels échos avez-vous eu du village ?

Je n'ai pas eu l'occasion de rentrer depuis l'annonce du groupe. J'ai eu ma famille au téléphone, j'imagine qu'ils sont fiers de voir des jeunes du village en équipe de France. Cela récompense le travail de l'école de rugby et des éducateurs. Après, j'espère qu'il y aura encore d'autres internationaux originaires de Saint-Pée sur Nivelle. Car nous c'est bien, mais c'est l'avenir qui est important...

En parlant de votre club, votre ancien éducateur en minimes Michel Narzabal nous a confié que petit, vous aviez déjà un fort caractère et une féroce envie de gagner. Vous confirmez ?

Je ne peux pas dire le contraire, car c'est la vérité ! C'est vrai que j'ai toujours été comme cela. Avec le temps, je me suis un peu assagi parce que l'on ne peut pas faire n'importe quoi au niveau professionnel mais j'ai toujours cette rage de vaincre en moi. Et tant mieux, car elle m'a servi. Je me souviens que nous avions une bonne équipe en minimes, et nous avions tous cette gagne en nous. On a nourri cette culture, que j'ai retrouvée par la suite à Bayonne dans mes équipes suivantes. Elle ne m'a jamais quitté.

Comment cette gagne se manifestait ?

Je piquais de grosses colères, surtout quand j'étais petit. Je me suis un peu calmé en cadets et je suis rentré dans le rang à Bayonne. Mais au fond de moi, je l'ai toujours gardée. Ca me fait rire de reparler de cette époque, cela remonte !

Comment avez-vous vécu le fait d'être appelé avec Maxime Lucu avec qui vous jouiez en minimes ?

C'est très spécial. On se connaît depuis tout jeunes. On était à l'école en l'ensemble, à l'école de rugby ensemble, on a fait toutes les petites catégories ensemble. Se retrouver en équipe de France, ce n'est que du bonheur. Je l'ai appelé au lendemain de l'annonce. Pas le jour même, car j'avais éteint mon téléphone...

Vous comptiez un autre ami proche dans le groupe initial, le talonneur Anthony Etrillard qui s'est depuis blessé au genou. Etes-vous déçu de ne pas partager ces moments avec lui ?

Bien sûr, parce que c'est quelqu'un que j'apprécie. On a fait beaucoup de parcours ensemble. Il était déjà à Bayonne à mon arrivée et depuis on ne s'est plus quittés. On a évolué en jeunes ensemble, puis en première, puis on est parti à Toulon en même temps... Je lui ai dit que ce n'était que partie remise au vu du boulot qu'il abat. Gamins, on s'affrontait. Il jouait à Mouguerre et on se rentrait dedans dès les mini-poussins, c'est vous dire !

Chaque joueur était très impliqué. L'autre truc très positif, c'est qu'il y a des sourires alors que cela travaille très dur. Les relations sont saines aussi et il faut que cela dure.

Votre arrivée simultanée à Toulon était un choix ou était-ce un hasard ?

A l'origine, il y a des choix personnels. Mais il est sûr que quand on a réalisé qu'on avait le même contact avec Toulon au même moment, cela a été un atout en plus pour rejoindre le RCT. Mais au fond de moi, j'avais déjà eu le feeling avec ce club et j'étais convaincu que c'était le bon choix. La suite me l'a d'ailleurs confirmé...

Le fait de vous retrouver dans un nouveau club vous a rapprochés ?

C'est certain. Nous sommes beaucoup plus proches aujourd'hui que nous l'étions à Bayonne. On se serre les coudes quand cela ne va pas, et ce fut le cas au début. On a fini par s'acclimater mais aujourd'hui encore Antho reste un soutien pour moi.

Quel regard portez-vous sur l'Angleterre ?

Ils sont vice-champions du monde. Et ça, cela veut déjà dire beaucoup. On ne le devient pas d'un claquement de doigt. Il y a derrière un travail, une organisation et une structuration. Sur le terrain, c'est fluide et organisé. Ils sont en place, et je les trouve même impressionnants pour tout vous dire.

Pensez-vous que le XV de la Rose sera affaiblie par le scandale des Saracens et l'absence de Billy Vunipola ?

Pas du tout. Honnêtement, pas du tout. Si je le pensais, je vous le dirais volontiers. Mais je n'y crois pas une seconde. Certes, il leur manquera un joueur, Billy Vunipola. Mais vous avez vu les autres troisième lignes ? Ils n'ont pas de manque au poste. Et puis la bête anglaise n'est jamais plus dangereuse que quand elle est blessée...

Quelle sera la clé du match ?

La dimension physique est hyper importante au rugby, et c'est une grande force de cette équipe anglaise. Mais dans ce que l'on appelle dimension physique, il faut aussi inclure la conquête avec la mêlée et la touche, des secteurs sur lesquels on peut marquer l'adversaire. Il n'y a donc pas que la dimension physique, mais cela dictera grandement l'issue du match.

Le groupe France a été largement rajeuni, ressentez-vous une énergie nouvelle ?

Je ne suis là que depuis deux jours mais de ce que j'ai pu voir et ressentir à l'entraînement tout à l'heure (jeudi dernier, ndlr.), c'est que cette équipe avait beaucoup d'énergie. Chaque joueur était très impliqué. L'autre truc très positif, c'est qu'il y a des sourires alors que cela travaille très dur. Les relations sont saines aussi et il faut que cela dure.

Serez-vous vigilant à garder cette forme de convivialité ?

C'est important. Tous les mecs qui sont ici ont un jour pris leur sac pour aller jouer avec les copains, donc il faut garder cela.

Votre éducateur nous a confié qu'enfant, vous étiez littéralement fou de rugby. Votre passion est-elle aujourd'hui toujours aussi forte ?

C'est clair. J'ai toujours envie d'apprendre, je reste à l'écoute sur le terrain et en dehors. Je n'ai pas changé.

Que serait un Tournoi réussi à vos yeux ?

Difficile de répondre, car je n'y ai pas encore vraiment réfléchi. Je prends les choses les unes après les autres. Ma première envie, c'est que l'on prépare ce match contre l'Angleterre de la meilleure des façons. Que l'on soit précis et professionnels. C'est par là que passera la performance. Je veux que l'on s'entraîne bien, que l'on vive bien. Après, la meilleure façon de réussir un Tournoi, c'est de le gagner. Et ça, il ne faut pas se l'enlever de la tête.

A qui penserez-vous au moment d'entrer sur la pelouse du Stade de France ?

Je l'ignore. Je serai peut-être très concentré, ou très ému je ne sais pas. Ce sont des choses qui ne se commandent pas, j'aime ressentir les choses sans trop les anticiper.

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