Wilkinson : "M'arrêter, c'était une question de tête et de corps"

  • Jonny Wilikinson n'a pas vraiment quitté le RCT puisqu'il entraîne désormais les buteurs toulonnais - 21 juillet 2014
    Jonny Wilikinson n'a pas vraiment quitté le RCT puisqu'il entraîne désormais les buteurs toulonnais - 21 juillet 2014
  • Jonny Wilkinson à Tignes avec Toulon, dans le rôle de l'entraîneur - 21 juillet 2014
    Jonny Wilkinson à Tignes avec Toulon, dans le rôle de l'entraîneur - 21 juillet 2014
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La parole de l'ancien demi d'ouverture est assez rare, surtout depuis le doublé réalisé avec le RCT. Jonny Wilkinson (35 ans, 97 sélections) ne s'était jamais véritablement épanché sur ce qu'il avait ressenti ces derniers mois et dernières années. A Tignes, il s'est longuement confié à Rugbyrama ainsi qu'à deux autres médias. Sa parole est toujours aussi précieuse. La preuve.

Dans quel état d'esprit étiez-vous après ce doublé, quand vous avez réalisé que votre carrière était terminée ?

Jonny WILKINSON: On avait passé une très bonne journée à Toulon. Quand je me suis levé le matin, je me sentais très très bien. Dans ma carrière, notamment après la Coupe du monde 2003, les lendemains ont toujours été difficiles. Après un bon moment, il y a souvent l'inverse. Cette année, la retraite a été intéressante pour moi. M'arrêter, c'était une question de tête et de corps. A la fin, j'écoutais plus ma tête que mon corps. Mais c'était une bonne chose car nous avons très bien fini. C'était le bon moment pour moi de sortir.

Est-ce difficile de tourner la page si rapidement ?

J.W. : Bien sûr qu'il y a des choses qui vont me manquer. Mais c'était une bonne décision d'arrêter. Jusque là, je continuais car je n'étais pas sûr de mon choix. Finir avec le doublé, c'était l'occasion de dire merci et au revoir. C'est pour ça que je me suis réveillé avec les idées claires et libéré. Avec l'énergie de faire autre chose. C'est ce que j'ai ressenti par rapport au poste d'entraîneur. Ca me fait beaucoup de bien. J'aime être là, dans le rugby, mais sans la pression que je me mettais. C'est ce à quoi j'ai toujours eu envie d'échapper. Maintenant, je peux faire exactement ce que je faisais, me faire plaisir, mais juste pour le sport. Pas parce que je dois le faire impérativement. C'est pour le plaisir. A la fin de ma carrière, j'entendais une petite voix qui me disait "il faut faire ça sinon ce sera grave, ça va coûter cher". Il n'y a plus d'obligation.

Maintenant, je peux faire exactement ce que je faisais, me faire plaisir, mais juste pour le sport.

Etes-vous un homme différent désormais ?

J.W. : Oui je pense. Je vois le monde d'une façon un peu différente. Je dois bien sûr m'habituer à certaines choses. Ne pas me lever le matin, aller tout de suite au stade pendant deux heures tout seul. C'était une thérapie énormément utile pour moi, de passer deux heures juste en tapant dans un ballon. C'était une façon de m'apprendre les choses, de régler les problèmes dans ma vie. Maintenant, ce qui me motive et m'inspire, c'est faire du bien aux autres joueurs.

Aviez-vous l'ambition de devenir entraîneur depuis longtemps ?

J.W. : Non. Mais je savais qu'avec tout ce que j'avais appris dans ma vie, les centaines d'entraînements pendant ma carrière, ce serait utile de transmettre aux autres. Ca aurait été une erreur de ne pas le faire. Je me rends compte que lors de mes deux ou trois dernières années, le plaisir était seulement de "survivre". Gagner pour survivre. Juste pour que tout se passe bien. Quand ça se passait bien, je me disais "ouf, c'est fait, c'est bon", mais jamais de grand sourire. Il y avait toujours dans ma tête quelque chose qui ne tournait pas très bien. Maintenant, je me trouve un peu plus capable de prendre cinq minutes ou une heure pour moi-même.

C'est une raison d'être, que de faire les choses pour les autres.

Il y a du bonheur et de la souffrance dans tout ce que vous décrivez...

J.W. : Pendant ma carrière, c'était ça. Après la Coupe du monde 2003, ce que je faisais sur un terrain était devenu quelque chose de nécessaire, mais pas un plaisir. Quand j'étais en quelque sorte en haut de la montagne, je ne ressentais pas le plaisir d'aller vers le haut, j'avais juste peur de tomber et de me faire mal. Je ne sais pas pourquoi j'étais comme ça. Je pensais trop aux résultats. J'avais l'impression d'être tout le temps dans le stress et sous la pression. Maintenant, je mets cette pression au service du collectif. C'est un plaisir avec lequel j'ai envie de travailler. C'est une raison d'être, que de faire les choses pour les autres.

Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

J.W. : Deux choses m'ont changé : la Coupe du monde 2003, qui a engendré beaucoup de pression, et mon corps avec toutes les blessures. J'ai été absent pendant trois ou quatre ans, et après cela, je me regardais comme quelqu'un qui devait retrouver son niveau. Je me regardais comme quelqu'un qui devait s'accrocher à tout avec les ongles. Chaque fois que quelque chose n'allait pas, je croyais que j'allais tomber. Quand je voyais des joueurs comme Fred Michalak ou Matt Giteau, j'étais un peu jaloux, car ils s'entraînaient très bien et après cela, ils faisaient des choses avec leurs amis, détendus, soulagés. Et moi, je me suis enfermé chez moi. Je me disais, c'est fait, et je me préparais pour le lendemain. Je regarde ma carrière peut-être comme une perte d'une partie de ma vie. J'ai eu du mal à redevenir le joueur que j'étais au début à Newcastle. C'était des choses trop difficiles avec la personnalité que je possède. J'ai essayé avec le côté spirituel, avec le bouddhisme, de trouver un chemin plus apaisé, plus détendu. Mais chaque fois, c'était trop dur. Chaque moment dans un match était trop important pour moi. Impossible d'échapper à cette bulle. J'ai continué jusqu'à la fin comme ça, en sachant que c'était ma manière d'être...

Auriez-vous été capable d'arrêter en cas d'échec l'an dernier en finale avec Toulon ?

J.W. : Je ne sais pas... C'est justement pour cela que je suis très content. La fin de saison s'est déroulée parfaitement. Tout s'est fini. Je n'ai pas à culpabiliser, à regretter certains coups de pied, à me demander si j'avais fait tout fait comme il faut. Si j'avais eu un coup de pied en finale et que je l'avais raté, je ne sais pas trop s'il serait possible pour moi de vivre avec cela. Je pense que ça aurait été très compliqué. A la fin de tout ça, j'étais capable de beaucoup mieux respirer et me tourner vers autre chose.

Jonny Wilkinson à Tignes avec Toulon, dans le rôle de l'entraîneur - 21 juillet 2014
Jonny Wilkinson à Tignes avec Toulon, dans le rôle de l'entraîneur - 21 juillet 2014
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