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« Je vais devoir prendre du recul sur mon côté sanguin »

Par Jérémy Fadat
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    « Je vais devoir prendre du recul sur mon côté sanguin »
Publié le Mis à jour
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Jefferson Poirot - pilier de Bordeaux-Bègles promu capitaine de l’ubb, l’international évoque ses ambitions et ses nouvelles responsabilités en club, qui vont l’obliger à mieux gérer son impulsivité, laquelle lui a notamment coûté la dernière tournée des bleus. Surtout en cette saison de coupe du monde.

Vous êtes actuellement à Marcoussis, où vous retrouvez le groupe des Bleus après votre suspension pour la tournée de juin. Comment avez-vous vécu cette absence ?

 Comme une frustration personnelle, surtout que j’ai écopé de cette sanction lors du dernier match de la saison en club, qui ne comptait pour rien (à Brive lors de la 26e journée du Top 14, N.D.L.R.). Franchement, ne pas enchaîner avec l’équipe de France a été une grosse déception et cela n’a pu me donner que l’envie de travailler d’autant plus dur pour pouvoir revenir le plus rapidement possible.

 Cette sanction était due à un mauvais geste. Qu’avez-vous appris de cet épisode malheureux ?

J’ai toujours été un peu sanguin… Mais cela devrait me donner une bonne leçon, car j’ai quand même loupé une tournée en Nouvelle-Zélande. Dans une carrière, c’est le genre de choses qui compte. Je sais que c’est dommageable de rater ces moments rares. Je vais le retenir comme une expérience

C’est paradoxal car vous avez cette réputation de joueur impulsif alors que vous donnez l’impression d’être calme, quand on vous croise hors des terrains…

 On va dire que, lorsque je suis sur le terrain, j’ai tendance à agir et réagir de manière très instinctive. Je me trouve dans un autre état alors qu’en dehors, je suis quelqu’un de posé, de calme. Mais j’ai aussi beaucoup bossé sur cette impulsivité. Cela ne l’empêche pas de ressortir parfois, en match, avec l’engagement qu’il y a en face, avec la pression du résultat. Il m’arrive… (il s’arrête). Non, il m’arrivait, car j’espère que cela ne se reproduira plus à l’avenir désormais, d’être à la limite.

 En votre absence, Dany Priso s’est mis en évidence en Nouvelle-Zélande. Avec Ben Arous ou Baille, la concurrence est forte sur ce poste de pilier gauche…

 Effectivement, nous sommes de nombreux joueurs appartenant à des générations qui sont peu éloignées. Donc, et je le dis en connaissance de cause, il vaut mieux ne pas trop louper de rendez-vous parce que les choses peuvent vite tourner en votre défaveur… Par exemple, rater une tournée en Nouvelle-Zélande sur une suspension n’était pas une très bonne idée.

 Quand on sait qu’il y a une Coupe du monde au bout de la saison, l’aborde-t-on différemment ?

On l’aborde comme une très grosse saison. Je n’ai jamais vécu de Coupe du monde, hormis celle des moins de 20 ans. Du coup, je ne sais pas si c’est la bonne façon de préparer les choses mais je l‘ai en tête, donc j’ai envie d’être encore plus sérieux, encore plus rigoureux et de ne pas économiser mes efforts dès le début de saison. Mondial au bout ou pas, elle reste très chargée en club et je me dis que si je ne me donne pas la chance de pouvoir bosser dur maintenant, je n’aurai pas l’occasion de le faire plus tard. Voilà pourquoi je suis revenu sur cette présaison avec la volonté de travailler fort, pour être vite prêt et m’offrir un peu d’avance en vue de l’été prochain.

Avec votre suspension, comment avez-vous organisé votre intersaison ?

 Le groupe a bénéficié de sept semaines de vacances à Bordeaux. Pour ma part, j’ai coupé durant les trois premières puis je me suis remis au travail progressivement sur les quatre dernières, sans forcément beaucoup courir. Je me suis surtout concentré sur la musculation et le cardio en salle. Je le faisais environ trois fois par semaine. Puis j’ai ensuite repris avec le club. J’en suis à ma septième semaine de préparation.

 Vous évoquez l’Union Bordeaux-Bègles. Le club a annoncé que vous serez le capitaine cette saison, aux côtés de Jandre Marais. Comment la charge va-t-elle concrètement être répartie entre vous deux ?

Normalement, je serai capitaine dès lors que je joue et Jandre sera vice-capitaine. Je pense que cela sera échangé pour la Coupe d’Europe, à savoir que Jandre sera capitaine numéro un dans cette compétition et moi son vice-capitaine.

Vous attendiez-vous à cette nomination ?

J’avais eu quelques discussions avec Rory Teague en fin de saison dernière. J’ai juste été un peu surpris d’être nommé capitaine numéro un du club. Je m’attendais davantage à être vice-capitaine. J’ai accueilli cette nouvelle avec beaucoup de joie et de motivation. J’étais déjà et évidemment très enthousiaste à l’idée de réaliser une belle saison avec l’UBB, surtout que la précédente a été plutôt délicate pour plusieurs internationaux et moi en premier lieu. Mon appétit est encore décuplé. J’espère que cela se traduira sur le terrain et que je pourrai répondre favorablement aux attentes.

 Est-ce une charge naturelle pour vous ? L’avez-vous déjà connue par le passé ?

Je n’ai plus été capitaine depuis longtemps (sourires), depuis que je suis parti de Lalinde, mon club de formation (en 2007). Mais ce rôle me plaît. J’ai toujours été, dans une plus ou moins grande mesure, leader dans mes équipes en jeunes. Puis, maintenant, c’est ma septième saison à Bordeaux et ma place dans le groupe s’est concrétisée par cette nomination. Cela fait déjà deux ou trois ans que je m‘intéresse au leadership de l’équipe. J’avais surtout prolongé mon contrat (en septembre 2016) dans le but d’avoir plus de responsabilités ici. C’est une magnifique opportunité pour moi.

 Lors de cette négociation, plusieurs grosses écuries vous avaient approché. Ce rôle de cadre à venir était-il une évidence au moment d’effectuer votre choix ?

 Je n’ai jamais caché mes ambitions avec ce club. Les dirigeants étaient également conscients que je restais pour essayer de franchir un palier avec l’UBB. Du coup, cela résulte d’une confiance mutuelle, qu’on tâche de conserver.

Qu’est-ce que cette responsabilité va changer dans votre manière d’appréhender les matchs ?

 Il n’y a pas grand-chose qui va changer, je pense. Je vais simplement devoir prendre plus de recul par rapport à ce côté sanguin chez moi que l’on évoquait. C’est notamment important pour mes échanges avec les arbitres. Mais je communiquais déjà beaucoup dans le groupe et je continuerai à être présent pour mes partenaires. D’autant que, si je prends officiellement ce rôle de capitaine, c’est à titre nominatif dans le sens où Jandre conservera la même place dans l’équipe, sans oublier l’émergence de nouveaux leaders dans l’effectif. Tous ces garçons vont prendre de l’épaisseur. Je compte sur eux pour assurer le relais. Il m’est impossible de mener cette mission seul. Sinon je m’y épuiserai et je fatiguerai les autres.

 En vous écoutant, on comprend que cette nomination arrive au bon moment dans votre carrière…

Oui, c’est exactement comme cela que je le vis. Il y a une forme de logique et de continuité.

 Revenons sur la saison passée qui a été difficile avec le départ de Jacques Brunel en cours d’exercice et la prise en mains de Rory Teague. Avec un peu de recul, quel regard portez-vous dessus ?

 Ces changements en plein milieu ont été durs à vivre, surtout que l’équipe avait réalisé une bonne première partie de saison. Derrière, ça s’est un peu écroulé… Le problème étant surtout que Rory Teague a eu des choix forts. Il fallait sûrement les faire et l’avenir nous le dira. Mais cette tension interne, que l’on a pu sentir par moments, était difficile à gérer. C’est bien de repartir sur une nouvelle saison. L’été a permis à tout le monde de se régénérer. Voilà, on démarre tous sur la même ligne, désormais. L’an passé, nous ne l’étions pas toujours et, si c’est le cas, impossible d’avancer ensemble.

 Par les choix forts de Rory Teague, vous faites allusion aux joueurs cadres écartés (Maynadier, Rey, Goujon). Comment le groupe l’a-t-il vécu ?

 C’est délicat. On tisse des liens avec certains qui sont remis en question mais, malgré leurs difficultés qui nous touchent, notre côté compétiteur est toujours présent. Je reste un joueur du club, très attaché à l’UBB. Je n’avais pas envie de faire de choix entre mes coéquipiers et le club. Ce n’est pas facile à gérer, on ne sait pas trop sur quel pied danser dans ce genre de situation. Voilà pourquoi il est bénéfique d’entamer une nouvelle saison. Tout le monde va tirer dans le même sens, Rory Teague a pu construire son staff et son groupe comme il le souhaitait. Il n’y a aucune raison de penser à ce qu’il s’est passé

 Comment vous adaptez-vous au management très anglo-saxon de Teague, que l’on perçoit de l’extérieur axé sur une rigueur extrême, voire froide et sans concession ?

 À titre personnel, je pense que c’est une très bonne chose, on en avait besoin. Il est arrivé dans un club où, malheureusement, il n’y a jamais eu énormément de rigueur et il faut aller à l’extrême pour pouvoir changer certaines habitudes. Du coup, je suis ravi de celle imposée par Rory Teague car je suis convaincu que la réussite passe par là. Cela correspond à ma conception des choses, à mon mode de fonctionnement. Je suis satisfait d’être sur la même longueur d’onde que la tête du club et que d’autres joueurs qui se mettent aujourd’hui à être très rigoureux. Cela donne une culture du travail différente mais essentielle pour parvenir à construire un projet qui permet de viser autre chose que le maintien.

Votre club, qui a longtemps progressé, a stagné récemment, avec comme symbole la septième place marquant ses limites. Il y a eu aussi une évolution présidentielle avec un recrutement très ambitieux. Ce virage pris par Laurent Marti doit vous plaire…

 Cela fait aussi partie des raisons pour lesquelles je suis resté. J’ai eu des discussions avec Laurent Marti et il m’avait dit qu’il arrivait au bout de son système, qu’il en avait marre de stagner et qu’il allait donc passer à l’échelon supérieur. C’est quelqu’un en qui j’ai toujours eu confiance. Il a eu une grande importance dans mon choix. Cette année, c’est vrai, son recrutement très ambitieux me plaît. Même s’il ne faut pas s’emballer, car il existe onze clubs pour six places en Top 14. Mais la rigueur dont on parlait, cette exigence, ce sérieux, toutes ces charges de travail, peuvent nous permettre de prendre un peu d’avance sur les autres. Je crois que nous sommes sur le bon chemin.

 Avez-vous fixé des objectifs collectifs ?

 Pas encore. Nous avions la tête dans le guidon sur la préparation physique. Mais on part en stage la semaine prochaine et le sujet sera évoqué, à dix jours de la reprise. Fixer des objectifs, plutôt élevés, me semble essentiel. Je ne mets pas de mots là-dessus mais on tentera d’aller le plus haut possible.

 On sent bien que le nouveau capitaine a très envie de connaître des phases finales avec Bordeaux-Bègles…

 Oui, ça commence à faire long (sourires). C’est un peu frustrant de finir au pied de la montagne chaque année. Je sens que je ne suis pas le seul à le penser, donc je peux me permettre de le dire. 

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