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Technique : réapprendre à talonner

Par Nicolas Zanardi
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    Technique : réapprendre à talonner
Publié le Mis à jour
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Réunis en début de semaine dernière à Villard-de-Lans pour le séminaire de l’Ifer, entraîneurs de tous niveaux ont pu débattre autour de sujets du moment, dont évidemment la mêlée fermée. Avec une conclusion : l’urgence de réapprendre à talonner…

Pouvait-on échapper à un sujet sur la mêlée fermée dans un séminaire d’entraîneurs ? La réponse se trouve évidemment dans la question. Mais à ce sujet, le débat a été riche, notamment lorsqu’il fut question de la place de ce secteur dans la réalité du rugby moderne. Statistiques à l’appui, le membre de la DTN Jean-Marc Bederede a rapidement centré le débat, les mêlées du Top 14 ayant cette saison donné lieu à seulement 49 % des mêlées jouées sur la première introduction, tandis que 35 % d’entre elles donnent des pénalités, et 15 % des coups francs. Pis : sur certaines parties, près des vingt minutes sont consacrées à disputer des mêlées… Assurément trop, bien sûr, dans un jeu moderne où la mêlée constitue plus que jamais une rampe de lancement (ainsi que le XV de France a payé pour se le voir rappeler en novembre, lors de la dernière mêlée du match contre l’Australie). « On ne mesure pas à quel point les nouvelles règles ont bouleversé l’affrontement en mêlée, précisait le DTN Didier Retière. Avant, une mêlée durait trois secondes après un très fort impact. Aujourd’hui, elle dure entre dix et quinze secondes, avec une pression parfois si forte que le talonneur ne peut pas lever le pied. En gros, avant, être bon c’était taper très fort collectivement. Aujourd’hui, c’est d’être capable de contrôler sa posture. C’est pourquoi il faut contrôler son adversaire mais aussi se contrôler soi-même, en maîtrisant sa posture individuelle mais aussi collective. »

« Tolérance arbitrale » pour les équipes qui talonnent

À ce titre, et comme d’ordinaire entre spécialistes, le cœur de la discussion a alors oscillé entre liaisons (musculaire plutôt que mécanique) et appuis (décalés plutôt que sur la même ligne). Toutefois, ce qui a marqué le débat fut surtout la place accordée au talonnage, vouée à fondamentalement changer. Le meilleur exemple statistique étant tiré de la Coupe du monde 2015, où les seules équipes à avoir conservé 100 % de leurs ballons (Japon, Canada et USA) étaient les seules qui talonnaient le ballon. Dans le but, évidemment, de l’extraire au plus vite pour l’utiliser… « La règle n’oblige pas à talonner le ballon, livrait après vérification l’arbitre Alexandre Ruiz. D’ailleurs en Top 14, il n’y a, à l’heure actuelle, qu’une seule équipe qui talonne vraiment les ballons. La consigne qu’on nous a donnée c’est de chercher à « accompagner » les équipes qui cherchent à talonner plutôt que celles qui veulent gagner le ballon à la poussée. Par exemple en laissant forcément jouer une mêlée qui s’est effondrée, si le ballon a bien été talonné et se trouve disponible dans les pieds du numéro 8. »

Retour au « troisième pied »

D’où la nécessité, pour les entraîneurs de la mêlée, de probablement changer leur fusil d’épaule. « L’énorme challenge du moment, c’est de réapprendre aux talonneurs à talonner, concluait Retière. Talonner, c’est en effet de lever la jambe sans que le corps change de posture et pour cela, je suis plutôt favorable à un talonnage du troisième pied, parce qu’il empêche la rotation du bassin et oblige à rester droit. Cela correspond à un triple objectif : résister à la pression au moment où on lève l’appui gauche, contrôler le ballon, et surtout appuyer vers le bas avec l’épaule droite pour rester équilibré au moment du talonnage, pour empêcher la mêlée de monter. »

Un changement radical avec les us et coutumes du moment, qui favorisent (lorsque c’est le cas) un talonnage du quatrième pied. Alors, serait-on en passe de revenir vers un nouveau profil de talonneur, plus axé sur la souplesse et la technique pour mieux talonner les ballons, alors que prime était plutôt donnée ces derniers temps aux « troisièmes piliers » ? Une fois de plus, les Blacks semblent donner l’exemple, si l’on veut bien se souvenir que le meilleur talonneur du monde est aujourd’hui Dane Coles, tout sauf un monstre physique…

Fiche pratique : le challenge de la stabilité

Jeu d’impact il y a encore quelques saisons, la mêlée est redevenue une épreuve de force pouvant durer entre dix et quinze secondes. D’où la nécessité de ne pas tout miser sur l’entrée, mais au contraire de travailler la stabilité et le contrôle de sa posture. « Moins on est fort, plus on cherche à impacter pour compenser. C’est pourquoi les équipes plus fortes doivent adapter leur impact, pour ne pas détruire la position dans laquelle ils sont dominants. Si elles impactent trop fort, elles peuvent être surprises, perdre leurs appuis et être finalement pénalisées. Là encore, tout est question de contrôle et de maîtrise. » Et pour cela, tout passe par un travail d’appuis et de liaison. À ce titre, alors que les liaisons « mécaniques » (bras le plus tendu possible afin de constituer un bloc compact) étaient privilégiées, celles-ci laissent place à des liaisons « musculaires », plus hautes, qui permettent aux première ligne d’ajuster leurs positions. Dans la même optique, les appuis « sur la même ligne » sont progressivement abandonnés pour laisser place aux appuis décalés, à l’ancienne, avec la jambe extérieure « en contrôle ».

Quant aux exercices pour améliorer sa maîtrise ? Au niveau de la pré-introduction, le travail en isométrie est intéressant, afin d’obliger les joueurs à tenir une position basse le plus longtemps possible avant l’entrée, sans que les épaules ne montent. Quant à la mêlée proprement dite, d’autres idées sont avancées. « On peut par exemple travailler la mêlée à 8 contre 7 sans talonneur, ce qui oblige les piliers à trouver la bonne posture pour pousser droit. Il y a également le jeu de la « mêlée immobile » qui donne de bons résultats. » Un jeu dont l’objectif, comme son nom l’indique, consiste pour la mêlée qui travaille à ne pas bouger face à la mêlée adverse, susceptible de pousser à droite, à gauche ou même de reculer. L’objectif demeurant de rester réactif individuellement et collectivement, toujours dans ce souci de stabilité…

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