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Guirado : « Une tournée réussie ? C’est trois victoires »

Par Vincent Bissonnet
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    Guirado : « Une tournée réussie ? C’est trois victoires »
Publié le Mis à jour
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Huit mois après sa dernière en bleu, le Toulonnais, Guilhem Guirado, aborde la tournée de novembre avec une ambition maximale.

Le Tournoi a marqué le tout début de l’ère Novès et la tournée était biaisée par le calendrier, ce qui, d’une certaine manière, vous avait jusqu’à présent conféré un droit à l’erreur. Qui n’existe plus…

Le droit à l’erreur ? Nous n’en avons jamais eu. En tout cas, personne ne l’admet au sein du vestiaire. Il n’y a pas un joueur qui s’est dit : « C’est le début de l’aventure, c’est normal si nous perdons… » Ce n’est pas admissible. Je sais que nous sommes très attendus pour cette tournée. Nous sommes les premiers à nous mettre la pression, je peux vous le garantir.

Huit mois après la fin du Tournoi, l’équipe de France se retrouve enfin au grand complet… N’avez-vous pas l’impression de repartir de zéro ou presque après une telle coupure ?

C’est sûr qu’il y a un peu de temps de perdu et ça crée un manque, inévitablement. C’est d’autant plus dommageable que l’équipe s’était quittée sur une mauvaise note en fin de Tournoi avec cette défaite à domicile face à l’Angleterre. Les stages de cet automne nous ont fait du bien. Ils ont servi de bonne piqûre de rappel vis-à-vis du système. En six mois, c’était un peu oublié, c’est normal.

Quel regard avez-vous porté sur la tournée en Argentine à laquelle vous n’avez pas pu prendre part ?

Je n’ai pas regardé les deux tests à cause du décalage horaire. J’ai vu des bouts de match et des extraits. J’étais surtout soucieux des résultats. Ce qui est positif, c’est que les jeunes qui ont intégré le groupe ont répondu présent et ont été dignes du maillot. Des talents ont été dénichés. C’est une bonne chose de voir que le XV de France peut compter sur un tel réservoir. Je sais à quel point ces opportunités peuvent être importantes. Je peux en témoigner : j’ai relancé ma carrière sur une tournée de ce type, en Australie, où il y avait beaucoup d’absents.

Avec le recul, quel bilan tirez-vous du dernier Tournoi des 6 Nations ?

Sur des bouts de matchs, l’équipe a montré qu’elle pouvait réaliser de belles choses mais sans avoir de la constance. C’est rageant quand je repense aux essais concédés face à l’Angleterre sur des premiers temps de jeu avec de grosses erreurs de commises. Il faut être plus exigeant envers nous-mêmes sur la concentration, le respect des consignes… Ce n’est pas celui qui domine qui gagne mais celui qui est le plus précis. Le plus important est d’avoir un fil conducteur et d’y rester le plus fidèle possible. Il faut faire coïncider cet état de fait avec notre volonté de tenir le ballon. Notre projet demande beaucoup en termes de temps et de travail mais il est plaisant. Le peu de vécu que nous avons ne nous permet pas encore de le mettre en place et de faire partie des tout meilleurs ou au moins de redevenir une grosse équipe. Ce n’est pas encore abouti mais le groupe y croit. C’est pourquoi il redouble d’efforts.

Quelles leçons du début de mandat de Philippe Saint-André peuvent être retirées, qui vous aideraient à éviter une même trajectoire ?

J’étais présent par intermittence, c’est dur de juger. Surtout que je n’avais pas encore prouvé ma légitimité à l’époque. Disons que même s’il y a eu des choses positives, il y a eu beaucoup d’expérimentations et pendant longtemps. Les joueurs, les premiers, nous étions tout le temps dans une sorte de recherche, à vouloir créer quelque chose sans y parvenir. Nous n’avons jamais réussi à être une grosse équipe sur le terrain. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Le groupe s’est caché derrière l’excuse du projet alors qu’il n’arrivait pas à mettre des choses simples en place. Quand tout le monde sait ce qu’il a à faire et où il doit aller, c’est forcément plus facile…

On comprend entre les lignes qu’avec Guy Novès, il y a moins de perte de temps et de tergiversations…

Ce qui est sûr, pour l’heure, c’est que notre cadre est bon et que le travail est fait avec conviction et détermination. Tout le monde fait confiance à Guy. Il a une expérience remarquable et, à ses côtés, les adjoints ont une envie débordante de travail. Cet élan et cette émulation sont positifs. J’espère que ça va se voir sur les prochains matchs. Car ce sont les résultats qui sont les seuls juges. Les équipes qui sont bonnes à l’entraînement mais pas en match, ça ne sert pas à grand-chose.

Vous bénéficiez de conditions plus favorables pour préparer cette tournée avec des stages supplémentaires et un week-end de repos. Cela change-t-il vraiment la donne ?

Avoir deux semaines de travail et la coupure avant apporte du confort et permet d’être plus frais. Ça ne peut être que bénéfique. C’est pourquoi tant de sélectionneurs se sont battus. Mais le vrai changement interviendra lors des 6 Nations. Les internationaux n’auront plus qu’à penser à la compétition pendant deux mois. Ce n’était pas l’idéal de faire des allers-retours incessants entre le club et Marcoussis. En début d’année, je me suis même retrouvé au cœur d’une polémique à ce sujet qui m’a agacé. Ça m’a beaucoup frustré que tout tourne ainsi autour de moi. Moi qui aime être discret…

Quels enseignements avez-vous retiré des Four-Nations ?

J’ai suivi par bribes. Quand tu regardes ces rencontres, ça te permet de mesurer le chemin qui reste à parcourir pour rejoindre les tout meilleurs. Ce qui me marque le plus, c’est à quel point le jeu est huilé. Peu de joueurs se trompent au sein du collectif sur les placements, les courses, les soutiens… Ça ne se voit pas tellement, ça paraît simple mais c’est ce qui fait la différence. Surtout chez les Néo-Zélandais. Il faut s’en inspirer. Tout est tellement propre avec eux : ils sont très efficaces sur les rucks avec un ou deux joueurs seulement, ont des ballons rapides, des lancements propres… Mais ça représente beaucoup de travail.

Tout le monde parle de la Nouvelle-Zélande et dans une moindre mesure de l’Australie. Et les Samoa, dans tout ça ?

Personne ne prendra ce match à la légère. Tout le monde connaît les qualités des Samoans. Personnellement, j’ai côtoyé Henry Tuilagi à l’époque à l’Usap, je suis donc bien placé pour en parler. Ce sera peut-être le match le plus dense en termes de défis physiques. Ils vont nous proposer un engagement maximal. Ce sera un super test pour les épaules avant de défier les deux meilleures équipes au monde.

Les All Blacks sont-ils encore plus compétitifs que l’an passé ?

Ils sont aussi forts, au moins. Ce que je trouve remarquable, c’est qu’ils ont gardé ce niveau de performance en perdant des joueurs dits irremplaçables, de véritables légendes. Ceux qui leur ont succédé ont autant de talent. Leur vivier est incroyable. Tu ne peux qu’être admiratif. Mais il ne faut pas non plus trop les « bader »… Je peux vous dire que quand ce sera l’heure de les jouer, personne ne se dira qu’ils sont intouchables et trop forts. Sinon, autant ne pas jouer… Chacun se préparera pour faire le match le plus abouti de sa vie. C’est ce qu’il faudra pour espérer gagner. Ce jour-là, chacun devra se responsabiliser. Au niveau de la motivation, tout le monde sera à 100 %, c’est une évidence. Mais ça ne suffira pas. Il faudra surtout être au maximum au niveau de l’utilité, de l’intelligence de jeu, de la présentation du ballon, des attitudes aux contacts… Ça fait énormément de paramètres à prendre en compte mais si tu veux les battre, il n’y a pas le choix.

Le XV de France est-il, de son côté, mieux armé pour tenter de rivaliser qu’à Cardiff ?

Ce serait trop prétentieux de le dire. J’espère juste que nous pourrons montrer notre vrai visage cette fois.

Le quart de finale de l’an passé peut-il servir de levier de motivation ?

Je ne pense pas. C’est lointain et les joueurs ont changé. Ce match ne pourra jamais être oublié. Mais le ressasser ne servira à rien dans notre préparation.

Les Sudistes sont-ils plus à votre portée, en novembre, quand se termine leur saison ?

Quand nous avons battu les Australiens il y a deux ans, nous les avions effectivement sentis émoussés. Mais l’année d’avant, ils nous avaient mis soixante points au Stade de France. Comme quoi il n’y a pas de règle par rapport à ça.

Que serait à vos yeux une tournée réussie ?

Une tournée réussie ? C’est trois victoires, tout simplement. C’est pour atteindre cet objectif que l’équipe se prépare… Ça peut être un déclic.

Parlons un peu de vous. Avec le recul, en quoi le capitanat vous a-t-il changé ?

Je me remets encore plus en question qu’avant. C’est la principale différence. Déjà qu’en tant que joueur, c’est nécessaire, alors quand tu deviens capitaine, c’est encore plus important. Après, au quotidien, j’essaye de rester le plus simple possible. Je ne veux surtout pas commencer à tout gérer, à tout regarder… Je m’attache juste à être le plus jovial possible pour la vie de groupe et à beaucoup communiquer. Ce n’est pas simple pour moi mais la mission me pousse à m’ouvrir un maximum. Je suis en grande demande de conseils vis-à-vis de Guy notamment. Je m’efforce de bien enregistrer son message pour être sur la même longueur d’onde vis-à-vis du groupe.

En termes de management, Guy Novès est-il tel qu’on vous l’avait décrit ?

Je ne veux pas trop en parler dans le détail… Mais il n’y a pas de secret : si Guy a gagné autant de titres, c’est qu’il sait faire grimper les joueurs quand il faut. Il a cette faculté de trouver les bons mots, de viser juste. J’ai beaucoup apprécié son discours d’entrée. Il a clairement fait comprendre que dès que nous arrivons avec le XV de France, nous sommes en mission. Cette idée me plaît. Je m’y retrouve.

Pascal Papé a récemment exprimé son dépit quant à l’absence d’une véritable vie de groupe lors de la Coupe du monde 2015 : il pointe notamment du doigt les réseaux sociaux et la nouvelle génération… À quel point êtes-vous attaché à cette question ?

Je comprends Pascal. Ça pouvait changer ce qu’il a connu en 2011, par exemple. La Coupe du monde s’est déroulée dans un contexte particulier. Mais je ne veux pas rejeter la faute uniquement sur les jeunes et les réseaux sociaux. Je sais que quand je suis arrivé au sein du XV de France, timide et réservé comme j’étais, j’ai mis du temps à parler aux cadres. Je comprends que les nouveaux arrivent sur la pointe des pieds et ne veulent pas trop en faire. De manière générale, il est plus facile d’avoir une vie de groupe en club. J’aimerais que ce soit pareil en équipe de France. Mais ne vous inquiétez pas, nous jouons tout de même régulièrement ensemble à des jeux de cartes, à la belote, au tarot… Je suis soucieux de cet aspect mais je ne veux pas tout chambouler non plus ou forcer les choses. Je veux que ça vienne des joueurs eux-mêmes.

Au printemps aura lieu le tirage au sort des poules de la Coupe du monde 2019. En cas de résultats négatifs lors de cette tournée et du prochain Tournoi, l’équipe de France risque de se retrouver dans le troisième chapeau. Cette perspective est-elle dans un coin de votre tête ?

Non, c’est encore trop loin. Personne ne voit au-delà des trois tests de novembre. La seule préoccupation est de gagner à tout prix. Pour nous. Pour être de nouveau fiers. Pour être une équipe montante qui change le cours des choses. Tout le monde est conscient qu’au niveau du rang mondial, le XV de France n’est plus dans le top 5. Nous sortons d’années difficiles et devons relever la tête. Mais ça ne se fera pas en un claquement des doigts.

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