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La casquette de l’emploi

Par Nicolas Augot
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Publié le Mis à jour
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Arrivé sur la pointe des pieds au sein de la fédération française de rugby, Frédéric Pomarel a réussi sa mission de qualifier France 7 aux jeux Olympiques de Rio pour le retour du rugby à la grande fête mondiale du sport. Rencontre avec un homme et un entraîineur atypique.

Une sélection à faire. Des hommes à choisir. Pas n’importe lesquels. Ceux appelés à représenter la France pour le retour du rugby aux jeux Olympiques après presque un siècle d’attente. Frédéric Pomarel a fait sa liste. Comme Didier Deschamps avant l’Euro de football, comme Philippe Saint-André avant la dernière coupe du Monde, comme celle tant attendue de Guy Novès avant son premier Tournoi des 6 Nations. Une liste de quatorze hommes (douze élus, deux réservistes) pour conquérir l’or olympique, pour devenir les héros d’une nation. Mais qui est Frédéric Pomarel, cet inconnu du grand public, à peine mieux loti chez les initiés du rugby à XV ?

Sur la Côte d’Azur jusqu’en 1998

Aucune référence en tant qu’entraîneur dans un club professionnel. En tant que joueur, cet ancien demi de mêlée « dans le style talonnneur », selon ses propres mots, a longtemps joué à Souillac, son club d’enfance avant de tenter l’aventure à Nice en première division : « Je suis originaire de Souillac, je suis né là-bas, j’ai grandi là-bas et j’ai joué là-bas. Après j’ai passé mon concours de Staps et j’ai été reçu à Nice. Grâce à une connaissance, le club m’a proposé de venir et j’avais envie de voir si j’avais le niveau pour jouer en élite. » Frédéric Pomarel quitte son très cher Lot en 1992 après avoir joué troisième ligne, centre, demi de mêlée mais aussi talonneur en sélection Taddéi.

« La première saison n’a pas été fantastique, plaisante-t-il aujourd’hui, En clair, j’ai joué en B. Je suis allé voir l’entraîneur éric Buchet pour lui dire : « Je crois que je me suis trompé. » à ma grande surprise, il m’a demandé de rester. Et ma mère ne m’a pas laissé le choix aussi car j’avais obtenu ma première année. Les choses se sont mieux passées après quelques sélections universitaires. J’ai eu la chance de jouer en première. » L’équipe navigue alors entre la première et la deuxième division et Frédéric Pomarel reste sur la Côte d’Azur jusqu’en 1998 avant de retrouver le Lot pour un emploi jeune au comité départemental : « Des années de bonheur. Cinq ans pendant lesquels j’étais très heureux d’aller travailler sur le terrain avec des jeunes.»

La fourberie de Skrela

Jean-Claude Skrela, alors Directeur Technique National, va finalement changer son destin. à l’aide d’une fourberie qui fait encore sourire l’ancien sélectionneur de l’équipe de France : « Je ne le connaissais pas vraiment mais l’ancien président du comité du Lot n’arrêtait pas de m’en dire le plus grand bien. J’ai donc décroché mon téléphone pour lui demander de passer le concours de cadre technique, en lui assurant qu’il aurait un poste en Midi-Pyrénées car il était très attaché à rester proche de ses racines. Quand il a eu le concours, j’ai dû lui annoncer que son premier poste serait en Ile-de-France.» « Il m’avait donné sa promesse et je devais finalement faire trois ans à Paris, rigole Frédéric Pomarel, mais il n’a pas été ingrat avec moi. Loin de là. Je suis monté à Paris en 2005 et l’année suivante, il me confiait l’équipe de France féminine à VII. »

Une discipline alors confidentielle, qui n’est pas vraiment la priorité de la Fédération. Il entraîne les filles jusqu’en 2010. Jusqu’à ce que le Comité International Olympique annonce le retour du rugby aux jeux Olympiques à l’été 2016. Jean-Claude Skrela décide alors de lui confier l’équipe masculine « car il a beaucoup de caractère, travaille énormément, analyse bien les choses et il a une idée du rugby que j’aime. Je ne regrette pas mon choix. Son objectif était de qualifier l’équipe pour Rio et maintenant nous y allons pour jouer une médaille.» Surtout, Frédéric Pomarel est parti d’une feuille blanche pour écrire l’histoire de la première équipe de France avec des joueurs sous contrat dans une discipline qu’il a dû, lui aussi, appréhender : « Je me suis appuyé sur le savoir-faire de Thierry Janeczek et après j’ai découvert les exigences du VII à l’usage, sur le tard, je me suis fait ma propre idée du jeu. Mais quand on met le nez dans ce sport, on meurt dedans je crois.»

Une casquette comme marque de fabrique

En six saisons sur le World Series, Frédéric Pomarel est maintenant un technicien reconnu. Aussi bien pour les performances de son équipe (deux podiums cette saison) que par son look. Même aux Fidjis, le pays roi du rugby à 7, les enfants retournent leurs casquettes quand ils le croisent. Un hommage en somme car l’entraîneur de l’équipe de France ne quitte que rarement son couvre-chef fétiche. Elle est aujourd’hui devenue sa marque de fabrique sur le circuit. « En réalité, je suis simplement quelqu’un de pratique. Je n’aime pas prendre le soleil. Alors quand je l’ai dans le dos sur le terrain, je mets la visière à l’envers. ça m’arrive aussi de la mettre en travers quand le soleil est de côté ! Mais je me fais engueuler par ma fille. Elle me dit que j’ai l’air d’un mauvais rappeur. Et si je suis mal rasé, c’est juste de la paresse. »

Mais s’il est difficile d’évoquer un style, ce look n’est pas étranger à sa vision du rugby et de son rôle : « C’est peut-être pour dépasser le modèle de l’entraîneur de sa génération qui veut tout imposer à celle qu’il entraîne, qui n’est pas forcément à l’écoute des gens qu’il a en face de lui. Il faut être plus centré sur l’autre que sur soi pour faire en sorte que les joueurs expriment tout leur potentiel. Donc, la barbe, la casquette, les mots que l’on utilise, ils sont plus dirigés vers ceux qui les reçoivent que pour celui qui les met ou les émet. C’est ma façon de voir la relation entraîneur, entraîné, avec un projet partagé. Je laisse de la liberté, j’essaie de ne pas être intrusif mais je sais recadrer et pêter mes colères pour aider le collectif. » Un style, une liberté de ton qui ont su séduire Jean-Claude Skrela qui a assisté aux premières loges à l’ascension de l’ancien emploi-jeune du Lot à entraîneur de l’équipe de France en partance pour Rio : « Il n’est pas langue de bois et ça lui a déjà joué des tours. Il a aussi son look bien à lui mais le plus important, c’est de ne pas changer. C’est important de ne pas jouer un rôle, d’être soi même. Il est comme il était au début et il ne faut surtout pas qu’il change.»

Jean-Claude Skrela peut dormir sur ces deux oreilles, Frédéric Pomarel n’a pas envie de changement et ne rêve pas de revenir au rugby à XV : « Aujourd’hui, je le vivrai comme une punition. Je m’ennuie devant le XV. Bien sûr, je suis toujours intéressé par les phases de forces collectives du XV qui ont leur charme. Mais simplement pour les initiés et ce n’est pas comme cela que le rugby continuera à prospérer en France. Je sais qu’en étant cadre technique d’état, je serai amené à lâcher cette équipe de France un jour. Le plus tard possible j’espère, car je prends mon pied à faire ça.»

Frédéric Pomarel

Né le : 19 mai 1972 à Souillac (Lot)
Poste : ancien demi de mêlée
Clubs successifs : Souillac (club formateur), Nice (1992-1998), Lanzac.
Sélections nationales : France U
Entraîneur : France VII U (2005-2006), France VII Féminines (2006-2010), France 7 (depuis 2010).

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