Abonnés

Lorenzetti : « J’aurais voulu être Boni »

Par Marc Duzan
  • Lorenzetti : « J’aurais voulu être Boni »
    Lorenzetti : « J’aurais voulu être Boni »
Publié le Mis à jour
Partager :

La finale à Lyon, la grand-mère de « Castro », les « CSP+ » de la Défense et la bise d’Agustin Pichot : non sans humour, Jacky Lorenzetti balaye les sujets d’actualité.

La bonne nouvelle de la semaine, c’est la livraison de l’Arena en septembre 2017...

(il coupe) La bonne nouvelle, c’est que la date existe. La mauvaise, c’est que l’on arrive avec neuf mois de retard sur la date initiale. Je ne peux vraiment m’en réjouir...

Les retards ne sont-ils pas habituels, en matière de grands travaux ?

Je pensais naïvement que mon expérience de l’immobilier me mettrait à l’abri de ce genre de désagrément. Je pensais pouvoir vaincre les signes indiens, le retard, des coûts supplémentaires et, généralement, un divorce si on est en famille, un procès si ce n’est pas le cas. J’ai évité le divorce et préféré que l’on trouve avec mes amis -appelons les ainsi- de Vinci un gentleman agreement. Voilà, c’est fait : on lève le voile au 30 septembre 2017 !

Quand on voit les difficultés que rencontre le Stade français à remplir les 20 000 places de Jean-Bouin, on se demande comment vous parviendrez à remplir les 32 000 de l’Arena...

Je n’ai pas peur. Nous jouerons dans une salle de spectacle confortable, à l’abri du vent et des intempéries. La clientèle sera donc différente. Nous re-féminiserons le public rugby. Je vous rappelle enfin que 200 000 « CSP+ » travaillent à La Défense, à 300 mètres du stade.

Cette finale de Champions Cup est-elle un aboutissement pour le Racing 92 ?

Non, c’est une étape. Comme vous le savez, je suis entré dans le rugby par la porte « entreprises ». Je ne serais jamais venu au rugby s’il n’y avait pas eu l’Arena, je n’aurais jamais fait l’Arena s’il n’y avait pas eu le rugby : les deux sont intimement liés. L’aboutissement, ce sera le jour où le Racing jouera à l’Arena -son foyer, sa maison- lesté d’un titre.

Il y a neuf ans que vous êtes entré dans le rugby, neuf ans que vous attendez un trophée majeur. Êtes-vous à ce point patient?

Je suis le pire des impatients. Avant d’arriver dans le rugby, je voulais toujours que ce qui pouvait être fait le lendemain soit fait la veille... Je crois donc que la viticulture m’a appris la patience. Une vigne plantée commence à donner du vin au bout de dix ans seulement. Après, il faut le faire vieillir et l’élever. C’est un cycle de vingt ans.

Et le rugby ?

Quand j'ai repris le Racing en 2006, j'ai dit avec beaucoup de prétention que nous serions champions de France trois ans plus tard. C'était une connerie et d'autres l'ont fait depuis... Le rugby est immensément difficile. C'est la raison pour laquelle je respecte le parcours de Toulon et de Mourad Boudjellal : trois titres de champion d'Europe et un Brennus ces trois dernières saison, c'est grand. Nous sommes en retard. Je suis en retard... 

Quand vous vous retournez sur ce qu’était le Racing à votre arrivée, que voyez-vous ?

Un ensemble désuet, des préfabriqués, un hangar emménagé par Pierre (Berbizier) et moi-même. Nous sommes partis de rien, en fait. Jean-Pierre Elissalde avait même dit de notre centre de formation qu’il était une roulotte. Le terrain d’entraînement était dur comme de la pierre, seulement arrosé par les eaux de pluie.

Persiste-t-il une part de nostalgie pour cette époque où votre belle-mère tricotait des nounours pour les joueurs ?

Mais elle le fait toujours ! à 89 ans, ma belle-mère appelle et twitte même avec les gars ! Le rugby, c’est une grande famille. Cette notion de clan est pour moi fondamentale.

Quel rapport avez-vous avec vos joueurs ? Êtes-vous un père de famille, un grand frère ou un patron ?

J’aime raconter une anecdote au sujet d’Agustin Pichot, un type que j’adore. Peu avant qu’il ne signe au Racing, je l’avais invité à passer des vacances en Corse, avec sa femme et ses enfants. C’était super. Une amitié était née. Le jour de la reprise, à la Croix de Berny, j’ai accueilli tous les joueurs et là, Agustin m’a salué à l’Argentine, me serrant dans ses bras, me claquant la bise et m’appelant « mon ami ». Un peu plus loin, se tenait Pierre (Berbizier). Il a tout vu et n’a pas du tout apprécié. Il m’a dit : « Jacky, tu ne peux pas être le copain des joueurs. C’est incompatible avec ton rôle. » Je n’ai jamais oublié cette phrase. Les joueurs savent qu’ils peuvent compter sur moi mais je ne suis pas leur ami. Je suis là pour prendre les coups. Je suis juste le paratonnerre.

C’est peu confortable...

J’aimerais me rapprocher de Dan Carter ou, à l’inverse de notoriété, de Fabrice Metz avec lequel je partageais la passion du travail du bois (Metz était ébéniste, N.D.L.R.). Bon... C’est impossible... On ne va pas en faire un roman... Dans le sportif, il n’y a pas la place pour un président. Je n’amènerai jamais mes joueurs en boîte de nuit.

Dans les années 90, le Racing, qui s’entraînait avec la bonne société du Pré Catelan, cultivait une image très chic. Pourquoi avez-vous décidé de couper avec ce cliché-là ?

J’ai voulu affirmer une personnalité. En 1990, au soir du dernier titre du club, le rugby était encore amateur : les gars pouvaient boire du champagne à la mi-temps et jouer avec un nœud papillon autour du cou. Ils représentaient les beaux quartiers, les gens du seizième, de Neuilly et ces coins là.

Et puis ?

J’ai hérité d’une situation cocasse. Eric Blanc (président du Racing, N.D.L.R.) et Yves Legagneux (président de l’US Métro, N.D.L.R.) avaient marié la carpe et le lapin. D’un côté, il y avait les gens super élégants du seizième. De l’autre, les communistes de la RATP. Au milieu, un resto où déjeunaient des routiers. Un truc de fou, quoi ! éric et Yves ont en fait réussi quelque chose de moderne, où l’équipe était le reflet de notre société : mixité sociale, religieuse et raciale. Le Racing d’aujourd’hui est en prise directe avec ce passé-là. Je suis attaché à la tradition. Le maillot n’a d’ailleurs pas changé depuis 1882.

Dans nos colonnes, l’ancien arrière international Jean-Baptiste Lafond disait que vous n’avez pas assez fait appel aux vieilles gloires du club. êtes-vous d’accord ?

Il a une mémoire sélective. Il oublie de se rappeler qu’il fut, deux ans durant, président de l’école de rugby. S’il en est parti, c’est parce que ses obligations professionnelles l’empêchaient de continuer. Il en fut de même pour éric Blanc. Christophe Mombet (actuel directeur du centre de formation, N.D.L.R.) ne les a pas chassés. Il a été nommé parce qu’il n’y avait plus personne. Sincèrement, je suis très content que l’on me parle encore des nœuds pap’s. Mais je suis aussi très heureux que l’on me parle de Machenaud ou Dupichot.

Et Castrogiovanni, alors ?

Oui, bon... Ca ne m’a pas fait rire. Je ne peux concevoir qu’un joueur nous mente. Et sur les photos, je n’ai pas reconnu à côté de lui sa grand-mère en string. Qu’il fasse la fête avec Ibrahimovic passe encore. Mais qu’il nous mente les yeux dans les yeux, je ne l’admets pas.

Il n’y a pas mort d’hommes, tout de même...

Non, mais je trouve ça lamentable. J’écoutais dernièrement Marc Lièvremont parler de l’affaire « Castro ». Il disait à la télé que c’était un truc de potache, une historiette sans gravité... Ca ne m’étonne pas de lui, remarquez. Il y a quelques années, je m’étais insurgé auprès de lui parce qu’un de ses joueurs ne chantait jamais La Marseillaise. Il m’avait répondu alors que ça ne le gênait pas, que ce n’était pas grave... Moi, ça me gêne. Moi, je me trouve ça grave qu’un joueur ne chante pas La Marseillaise. Bref... Passons... Je souhaite longue vie à la grand-mère de Martin Castrogiovanni.

On sait Mourad Boudjellal très superstitieux. Qu’en est-il de vous ?

J’ai mes rituels. à Colombes, chaque fois que le Racing marque un essai, j’embrasse ma femme Françoise. J’aimerais bien avoir les lèvres gercées un peu plus souvent... Mourad l’a remarqué et s’évertue à me séparer de mon épouse, quand on est à Mayol. Et puis, il y a ça. (il sort un bout de bois de sa poche, N.D.L.R.).

Qu’est-ce que c’est ? 

C’est un morceau de bois trouvé par ma plus jeune fille sur une plage en Corse, il y a presque trente ans. Je l’ai aussitôt entouré d’un « chouchou » lui appartenant. Depuis, ce petit objet est toujours dans ma poche. Sinon, je ne suis absolument pas superstitieux...

Vous parliez de Mourad Boudjellal. Avez-vous été heurté par le fait que Foncia devienne partenaire maillot du RCT ?

On va être franc. Foncia fut une grande partie de ma vie. Je l’ai créé ex nihilo, avec zéro collaborateur. Je faisais la comptabilité le soir, chez moi, à la main. Même si j’ai vendu en 2007 (800 millions d’euros à la Banque Populaire, N.D.L.R.), je ne pourrais jamais être indifférent à la vie quotidienne de cette entreprise. Que Foncia soit sur le maillot de Toulon, ça m’a un peu heurté au départ. Puis le patron du groupe m’a expliqué ses raisons. Bon, voilà, j’ai compris. Foncia est même apparu sur notre short quelques mois plus tard...

Vous êtes-vous construit seul ?

Oui. Je suis issu d’un milieu modeste. Après le Bac, j’ai fait l’école hôtelière à Lausanne. J’en ai gardé une devise : la restauration est le plus beau métier du monde, quand on est client. Après, je suis parti dans l’immobilier. Je ne vais pas vous émouvoir comme a l’habitude de le faire Mourad Boudjellal. C’est plus dur de faire pleurer quand on est fils d’immigré suisse que fils d’immigré algérien. La séquence émotion, je la lui laisse.

Et si vous aviez été un joueur de rugby, alors, qui auriez-vous été ?

J’adore tous mes joueurs, de Carter à Ducalcon. Et Vartanov, vous connaissez son histoire ? Il est fils d’immigré arménien, arrivé en France dans les pas de ses parents, sans un sou. Un jeune du XVIe arrondissement parisien, bien coiffé et propre sur lui, qui gagne un Bouclier, c’est bien. Mais l’histoire de Khatchik Vartanov (né en Arménie, passé par Grozny au beau milieu de la guerre entre la Tchétchénie et la Russie, N.D.L.R.), débarqué ici sans une cacahuète, ça aurait une toute autre dimension. Et celle de Cedate Gomes-Sa, qui a fui la guerre en Guinée-Bissau ? Elle n’est pas magnifique ? Je suis aussi venu dans le rugby pour découvrir ces récits-là.

N'admirez-vous donc aucun joueur ?

Si, André Boniface (trois-quarts centre du Stade montois dans les années 60, N.D.L.R.). Nous sommes tous les deux des chasseurs de cigogne. J'ai une grande affection pour André et je pense que c'est réciproque. Alors oui, si j'avais été rugbyman, j'aurais voulu être Boni...

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?