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Les fortunes diverses des quatre majeurs

Par Jérôme Prévot
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    Les fortunes diverses des quatre majeurs
Publié le Mis à jour
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Depuis la création du championnat d’élite, ils ont toujours été là ou presque. Londres a été représenté par quatre clubs majeurs : les Harlequins, les Saracens, les London Irish et les Wasps. Ils ont connu des fortunes diverses, avec des moments d’euphorie et des passages difficiles, voire très difficiles pour certains. Paradoxe ; depuis l’ère professionnelle, leur salut est souvent passé par un déménagement... à l’extérieur de Londres.

Les Harlequins

Les Harlequins, fondés en 1866, était sans doute le seul club que les Français connaissaient avant la création de la Coupe d’Europe, à cause de leur maillot si particulier. On le voyait sur certaines photos dans les années 70-80. Des quatre majeurs, ils sont les plus stables déjà parce qu’ils n’ont jamais changé de stade depuis 1995. Ils sont toujours restés fidèles au Stoop Memorial, à quelques centaines de mètres de Twickenham, c’est-à-dire loin du centre de Londres (une demi-heure de train depuis Waterloo Station). Les Harlequins étaient historiquement proches de la RFU puisque depuis 1906 et jusqu’aux années 60, ils jouèrent Twickenham avant d’acheter un terrain qui deviendra le Stoop. Ils ont toujours fourni beaucoup de joueurs au XV de la Rose, jusqu’à sept lors de la finale du Mondial 1991 (dont Will Carling, le capitaine anglais). Les Harlequins étaient également proches des milieux d’affaires de la City. Ils ont toujours eu une image de club plutôt BCBG. Ils furent d’ailleurs fondés à Hampstead, quartier très huppé du nord de Londres. Ils ont toujours trouvé des actionnaires assez forts pour leur assurer une certaine stabilité, mais ils se sont développés petit à petit, à mesure qu’ils augmentaient la capacité de leur stade. Il peut aujourd’hui accueillir 15 000 personnes. Cette politique prudente explique qu’ils n’aient été sacrés champion pour la première fois qu’en 2012 sous le commandement du capitaine Chris Robshaw. Mais les années 90 et 2000 n’avaient pas toujours été roses, le club était même descendu en deuxième division en 2005. Il n’a jamais gagné, ni même joué de finale de Coupe d’Europe. Mais il a gagné à trois reprises le Challenge Européen (2001, 2004, 2011) chaque fois devant des clubs français. À mesure que le rugby de club devenait populaire, les Harlequins sont revenus jouer des matches de championnat ou de Coupe d’Europe à Twickenham, pour imiter ce que faisait le Stade Français à Paris. Ils ont inauguré cette pratique en 2008 contre Leicester, elle leur permet de générer de substantielles recettes sans se couper de leur public traditionnel.

Les Saracens

Le club fut fondé en 1876. Son nom évoque les guerriers musulmans du Roi Saladin. On pense qu’il s’agissait d’une réponse à leurs rivaux régionaux : les Crusaders (les croisés), un club aujourd’hui disparu. Les Saracens ont toujours joué dans le Nord de Londres. Et ils étaient considérés comme un club de second plan jusqu’aux années 80. Puis ils ont su se structurer à partir de leur première montée en première division en 1989. Ils ont été les premiers dans les années 95-96 à se lancer dans une politique de transferts tapageuse. Les Sarracens (fondés en 1876) ont pris le professionnalisme à bras-le-corps sous l’influence de leur mécène Nigel Wray qui avait fait fortune dans l’immobilier. Philippe Sella, Abdelatif Benazzi, Christian Califano, Thomas Castaignède y ont formé une politique française très fournie au début des années 2000. Mais il y eut bien d’autres vedettes venues de l’Hémisphère Sud (Lynagh, Horan, Piennar.) et même un entraîneur nommé Eddie Jones en 2006. Mais ce club a longtemps patiné dans la semoule. Les raisons de ces échecs relatifs sont difficiles à comprendre et à théoriser. Mais une chose est sûre, ce club n’avait pas de vrai domicile. Son terrain d’origine (Bramley Road) était beaucoup trop petit. Il loua alors pendant quinze ans le stade des footballeurs de Watford, une banlieue populaire du nord de Londres : un stade assez vaste mais plutôt minimaliste et assez difficile d’accès pour les fans qui n’habitant pas la ville. Le club se tailla une solide réputation de gaspilleurs de talents et d’argent jusqu’à ce qu’ils soient en partie repris par des investisseurs sud-africains en 2009 (avec la bénédiction de Nigel Wray qui reste dirigeant). On leur prêta l’intention de faire du club de Londres, une sorte de nouvelle franchise sud-africaine basée dans l’Hémisphère Nord. C’était un peu exagéré car il y a toujours des Anglais chez les Sarries, mais c’est vrai, pas mal de bons joueurs « sudafs » sont venus renforcer l’équipe et dans les années 2010, elle parvint enfin à gagner des titres, au prix d’un jeu très physique, marqué par la puissance et l’endurance. Les Sarries ont été champions en 2011 et 2015 (battus en finale en 2010 et 2014) et finalistes de la Coupe d’Europe en 2014 contre Toulon sous l’autorité d’un entraîneur irlandais Mark McCall. Ils font figures d’épouvantails bien établis et tentent de délocaliser leurs grands rendez-vous à Wembley, le stade historique de l’équipe nationale de Football pour être les pendants « nordistes » des Harlequins, club de la grande banlieue ouest. Mais leurs matchs ordinaires ne se déroulent plus à Vicarage Road. Les Saracens ont trouvé un domicile, le petit Allianz Park et sa pelouse synthétique. Il ne contient que 10 000 personnes mais les Saracens sont chez eux et ne paient plus de loyer, ils ont même reçu huit millions de livres pour le baptême de leur nouvelle enceinte. Mais l’accès reste très difficile pour les spectateurs. Malgré leurs succès sportifs, ils demeurent encore loin des standards des très grands clubs, c’est un paradoxe.

Les Wasps

Finalement, ce sont eux qui ont connu la trajectoire la plus insolite avec leurs cinq lieux de résidence officiels en près de cent cinquante ans d’existence. Ils ont été historiquement le premier grand club londonien de l’ère professionnelle. Les jaune et noir ont été sacrés six fois champions d’Angleterre et ils ont gagné deux Coupes d’Europe (2004 et 2007). Leur parcours fut jalonné d’exploits comme le carton énorme face à Toulouse en 1996 (lire par ailleurs), ils comptaient aussi dans leurs rang plusieurs champions du monde 2003 comme Lawrence Dallaglio, Josh Lewsey, Phil Vickey ou Joe Worsley. Au milieu des années 2000, les « guêpes » londoniennes formaient une vraie machine de guerre avec à sa tête deux techniciens de renom, le Néo-Zélandais Warren Gatland et l’ancien treiziste Shaun Edwards ; plus un manageur encore plus prestigieux Iain McGeechan, ancien entraîneur de l’Ecosse et des Lions. Ils avaient mis sur pied la fameuse défense inversée, reprise presque partout depuis.

Mais l’aventure des Wasps est un exemple de la fragilité des clubs londoniens car cette équipe a frôlé la faillite en 2012. Et oui, cette forteresse avait des fondations fragiles. Elle a longtemps tenu grâce au soutien d’un mécène assez discret Chris Wright, manageur de plusieurs artistes hyper connus (il fut aussi patron du club de foot des Queens Park Rangers). D’ailleurs, les Wasps ont joué dans les années 90 à Loftus Park, le stade londonien des QPR avant de déménager à High Wycombe, une lointaine banlieue très difficile d’accès en 2002. Ce stade a vu les Wasps gagner des titres mais le club ne put y fidéliser suffisamment de spectateurs et quand Chris Wright se retira, le club piqua sérieusement du nez. Il aurait pu faire faillite en 2012 mais ils furent sauvés par un groupe d’anciens joueurs, puis par Derek Richardson, un homme d’affaires qui en décembre 2014 fit prendre un virage décisif : le grand déménagement vers… Coventry, une ville des Midlands qui abrite un nouveau stade ultra-moderne, le Ricoh Arena et ses 30 000 places, également fief du club de foot local. Le pari était osé, mais il fut couronné de succès : le club passa outre les critiques des puristes et bénéficia à fond de l’effet « grand stade ». Il fit plus que doubler sa moyenne de spectateurs et semble reparti vers de nouvelles aventures. Pour ce club qui porta le nom de « London » entre 1999 et 2014, le salut était dans une fuite éperdue vers la province.

Les London Irish

Des trois clubs « exilés », il est celui qui a le mieux réussi. Les London irish ont toujours joué en Première Division depuis la création du championnat d’Elite anglais. Ils ont même fait une finale en 2009 et une demi-finale européenne en 2008. Avec le temps, le club a perdu tout lien direct avec l’Irlande. Il ne reçoit plus les étudiants venus se former sur les bords de la Tamise comme ce fut le cas jusqu’aux années 80. Ce club a la particularité d’avoir toujours eu un actionnariat très morcelé, plus de 800 personnes. Mais depuis les années 2010, un groupe d’hommes d’affaires irlandais basé à Londres détient 52 pour cent des parts. Ce club a toujours bénéficié d’un soutien populaire important, cimenté par les origines irlandaises de beaucoup de Londoniens. Ce sont bien sûr ces supporteurs qui en sont devenus des actionnaires au moment du passage au professionnalisme. Les London irish ont aussi choisi de partir en 2000 à Reading, une grande ville à l’extérieur de Londres (un nœud ferroviaire) pour pouvoir jouer au Madjewski Stadium, une enceinte de 24 000 places. Ils ont pu y faire de jolies recettes et se maintenir à flot pendant dix ans même si depuis quatre ou cinq ans, les temps sont plus durs. J.P.

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