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Laïrle: «De trois entraînements par semaine à un travail quotidien»

Par midi olympique
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    Laïrle: «De trois entraînements par semaine à un travail quotidien»
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Entraîneur au plus haut niveau depuis 1993, et membre de l’Union nationale des entraîneurs de rugby depuis sa création en 1997, rebaptisée Tech XV, Serge Laïrle a vu et a fait évoluer à sa mesure le rugby professionnel. Il a accepté de revenir avec nous sur son expérience.

Comment aviez-vous vécu en tant qu’entraîneur la transition entre amateurisme et professionnalisme dans les années 1990 ?

Le temps de travail accru était fondamental pour nous. Nous sommes passés de trois entraînements par semaine à un travail quotidien. L’étape suivante a été la mise en place progressive de staffs beaucoup plus élargis à commencer par l’arrivée des préparateurs physiques. Mais avec Guy (N.D.L.R. Novès), au tout début lorsque nous avons commencé en 1993, nous gérions tout, tous seuls, que ce soit le rugby, la préparation physique ou la vidéo, tout en étant en même temps professeurs d’éducation physique et sportive !

Si le rugby à XV a officiellement autorisé le professionnalisme en 1995, des prémices existaient déjà que ce soit le Super 10 dès 1993 ou le défraiement des internationaux en 1987 et 1991, en ce qui vous concerne vous avez mis fin à votre carrière de joueur en 1990, face à ce contexte aviez-vous vu l’opportunité de devenir entraîneur comme une réelle profession pérenne ?

Absolument pas, à la base avec Guy nous étions des éducateurs. Nous encadrions des enfants depuis le début. Avant de s’occuper de l’équipe une, j’avais entraîné les espoirs du Stade, et Guy avait entraîné les Reichels. Le club ne cherchait pas des anciens joueurs pour devenir des entraîneurs, mais des anciens joueurs pour devenir des éducateurs ! Et nous étions tous les deux professeurs d’éducation physique à côté donc nous étions réellement amateurs. Nous avons repris l’équipe une avec cet état d’esprit là. La politique que nous avions mise en place à l’époque était totalement différente de ce qui court actuellement. Nous misions tout sur la formation. Ce qui n’est malheureusement plus la priorité principale de nos jours. Notre expérience de joueurs et la réflexion que nous avons eue sur notre formation ont permis de créer un réel projet, une identité à laquelle nos joueurs ont adhéré à l’époque. Le passage au professionnalisme a permis d’avoir un effectif élargi également. D’autant plus que les jeunes intégraient facilement l’équipe une car tout le club baignait dans un même système de jeu, une même identité. Tout cela nous a donné les moyens de réussir et de gagner les quatre titres de champion de France. Et c’est cette réussite sportive combinée à une politique réfléchie au sein du club, qui nous a permis de rentrer de la meilleure des façons dans le professionnalisme et de développer sereinement la structure professionnelle du Stade. Mais je crois réellement que si nous avions dû développer cette structure à partir de 1992 cela aurait été différent et plus compliqué. Enfin la grande évolution s’est opérée en 2003 avec Guy qui est devenu manager en s’inspirant de ce qui se faisait dans l’hémisphère Sud ou au foot également. Cette organisation s’est démocratisée ensuite dans beaucoup d’autres clubs. Philippe (N.D.L.R Rougé-Thomas) et moi-même, nous nous occupions du projet de jeu et du contenu des entraînements, et Guy de l’organisation professionnelle du groupe et même du club.

Justement, puisque vous parlez de jeu, comment a-t-il évolué en vingt ans ?

On observe des systèmes de jeu de plus en plus stéréotypés depuis quelques années. Ils nécessitent plus de travail mais cela se fait aussi au détriment de l’inspiration et de la lecture du jeu. C’est pour cela qu’au plus haut niveau on voit encore des deux contre un raté. Au début des années 1990, l’adaptation, la lecture du jeu et le jeu collectif étaient centraux. Je regrette certains changements de règles qui ont favorisé le combat, l’impact physique, au détriment du jeu d’évitement. On est passé de 15 regroupements par match à 150. On dit que l’on perd du temps sur les mêlées, mais on perd surtout du temps avec les regroupements. Cette multiplication des regroupements génère du combat à outrance. Cela plaît à certains mais selon moi, ce n’est pas une bonne chose ! La Coupe du monde 2011 a été tristounette en termes de production de jeu, et aucune règle n’a été instaurée en suite pour donner plus de mouvement au jeu. Rien n’a été fait pendant ces quatre dernières années. On verra comment se déroulera celle qui arrive et ce qu’on tirera comme conclusion du spectacle produit. Enfin, par la force des choses entre le fait d’avoir plus de temps pour travailler et ce jeu qui va de moins en moins vers l’évitement et plus vers l’affrontement, la principale évolution et le plus visible c’est l’athlétisation des joueurs. Au début en fonction de l’origine sociale, et de la vie de chaque joueur nous avions des gabarits divers et hétérogènes, c’était un peu anarchique. Mais à l’heure actuelle cela s’est uniformisé et c’est un prérequis indispensable.

Vous entraînez depuis vingt ans, comment jugez-vous les jeunes de 20 ans qui deviennent professionnels aujourd’hui et qui sont nés en même temps que le professionnalisme en Europe ?

On ne sait pas de quoi leur avenir est fait puisqu’on ne peut pas prédire l’avenir du rugby professionnel. Donc il faut les faire travailler et progresser physiquement et techniquement mais je crois qu’il faut avant tout travailler sur leur état d’esprit, sur leur façon de se comporter pour être capables de faire face à l’avenir. Il faut peut-être construire avant tout l’individu et le joueur au niveau de son état d’esprit avant de le développer physiquement et techniquement.

Enfin, certains s’inquiètent de l’inflation salariale notamment en France, qui pourrait selon eux mener à de possibles crises d’égo et fragiliser l’image de sport collectif par essence du rugby à XV…

C’est évident, mais ce n’est pas nouveau, c’est le cas depuis le début avec des différences de salaires qui sont passées de 1 à 10 pour certains. On a entendu les mêmes choses au début. Entre les contrats de droits d’image, les différences avec les internationaux bien sûr que cela influe sur la façon de gérer le groupe. D’un autre côté, il est objectivement normal de rémunérer quelqu’un en fonction de ses performances. Dès le début au Stade cela nous a obligés à changer d’approche dans le management des êtres humains, dans la gestion de la vie du groupe. L’inflation des salaires peut créer des problèmes à l’avenir bien évidemment. Mais j’ose espérer que, par exemple, quand un pilier entre en mêlée il pensera toujours plus à faire reculer son adversaire qu’au salaire plus élevé de son deuxième ligne. Des conflits peuvent surgir comme dans toute organisation professionnelle mais c’est à nous, entraîneurs et dirigeants d’arriver à créer une osmose au sein d’une équipe en s’appuyant sur les leaders, sur les joueurs les plus exposés, les mieux payés qui représentent le club. La construction d’un club se fait aussi à travers l’image de ses joueurs phares. On doit de ce fait, être encore plus exigeants avec eux en termes de comportement sur et en dehors du terrain. Propos recueillis par M.L.

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