Les limites de la polyvalence
Désireux de se doter de trois-quarts polyvalents pendant la Coupe du monde, le staff des Bleus se heurte à un écueil inattendu : le peu d’enthousiasme de leurs propres joueurs...
Polyvalence, nom féminin : qualité de quelqu’un qui a plusieurs spécialités. La définition est issue du Petit Robert qui, comme chacun le sait, n’a rien d’un idiot. Le problème ? C’est qu’en rugby, la notion de spécialité est étroitement liée à celle de poste. Chaque poste est-il une spécialité ? Le débat philosophique est sans fin. Certains, tenants du sacro-saint jeu de rôles et de l’intelligence situationnelle, jureront que non. Les autres, plus pragmatiques et plus conservateurs, ne démordront jamais de l’affirmative. Le problème ? C’est que ce débat est actuellement de mise au sein du XV de France. Plus que jamais… Pourquoi ? Tout simplement parce que, dans son idée de constituer un groupe le plus riche possible d’avants, le staff du XV de France souhaite disposer d’un maximum trois-quarts polyvalents. C’est dans cette optique notamment que Brice Dulin a été essayé à l’aile ce week-end, tout comme Fickou, mais également que Guitoune a laissé la position d’arrière qu’il occupe généralement à l’UBB, ainsi que Rémi Lamerat s’est exilé au poste de deuxième centre, lui qui évolue essentiellement numéro 12 à Castres…
Le contre-exemple anglais
Le problème ? C’est que sur les trois essais encaissés par les Bleus, tous ont pour origine des erreurs défensives. Lesquelles sont étroitement liées au fait que leurs auteurs évoluaient justement à des postes qui ne sont pas le leur en club : Lamerat pris de vitesse sur son extérieur par manque de communication, Dulin effacé par Watson dans un pur duel d’ailiers, Guitoune délaissant totalement son vis-à-vis Jonny May jusqu’à récupérer trop facilement la diagonale de Farrell, Fickou mal à l’aise sur l’aile gauche… Alors, si l’on veut bien se souvenir des malaises provoqués par l’exil de Fofana à l’aile en 2013 ou de la catastrophe Le Bourhis en Australie un an plus tard, le staff doit-il revoir totalement sa politique de sélection, à maintenant huit jours de l’annonce définitive de sa liste des 31 ? Pas pour le sélectionneur Philippe Saint-André, fidèle à ses convictions, et préfère aller au bout de sa logique. Exemple à l’appui… « Tous les membres du triangle arrière de l’Angleterre (May, Watson, Goode, N.D.L.R.) jouent arrière dans leur club, Burgess a fait la moitié de la saison en troisième ligne, Slade joue ouvreur à Exeter, et Farrell est parfois décalé au centre avec les Saracens. Cela ne leur pose pas de problème, que je sache ? » À eux, non. Aux Français, beaucoup plus, si l’on veut bien s’en référer au manque d’enthousiasme traduit par certains comportements, en premier lieu l’ardeur au plaquage… Enfants gâtés, voire sales gosses, ainsi que le prétendait Marc Lièvremont ? Le fait est que l’on a beaucoup de mal à croire que ces derniers donnent réellement le meilleur d’eux-mêmes lorsqu’ils n’évoluent pas à leur poste. Forcément préjudiciable, en perspective d’une liste finale des 31 censée faire la part belle aux trois-quarts polyvalents ? Pour ceux qui ne voudront pas jouer le jeu, forcément… Nicolas Zanardi
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