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Serge Milhas : « J’avais oublié ma liberté »

Par midi olympique
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    Serge Milhas : « J’avais oublié ma liberté »
Publié le Mis à jour
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À Saint-Jean de Luz, loin des flonflons de l’élite professionnelle, l’ex castrais Serge Milhas va continuer de véhiculer ses propres valeurs. Pour le technicien gersois, c’est l’occasion de se ressourcer et de réfléchir à un avenir dont il ne ferme aucune porte. À ce point du parcours, il ouvre le registre de ses sentiments.

À votre départ de Castres, avez-vous envisagé de lâcher définitivement le rugby ?

J’ai compris qu’il fallait que je prenne un peu de recul. Je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait, je verrai. J’ai la chance d’avoir un peu de temps alors je m’organise pour, quelque part, reprendre un peu ma liberté et surtout pour couper, ce que je n’avais pas fait depuis seize ans. Avec ce que j’ai vécu à Castres j’avais besoin de cette prise de distance.

Comment la situation castraise a-t-elle été vécue ?

C’est difficile à exprimer. Je veux croire que j’ai fait des erreurs mais le plus dur c’est de voir que tu es le seul, vis-à-vis de l’extérieur, à être mis en cause. Est-ce que je suis le seul à avoir fait que le club a été en difficulté ? C’est la question que je me pose aujourd’hui. Comme le disait Jacques Fouroux, de l’aventure que tu vis il ne reste que les hommes. Quels hommes me restera-t-il de mon expérience castraise ? Je n’en sais rien aujourd’hui. Et s’il en reste ce ne sera que les vrais.

Les clubs aujourd’hui sont au cœur de leur préparation, ressentez-vous un manque ?

Non, j’ai besoin de prendre un peu de recul mais je regarde à nouveau les matchs. Cela veut dire que je m’intéresse toujours, c’est un signe pour moi. J’ai pris beaucoup de plaisir dans le rugby et c’est avec regret que je ne continue pas quelque part même si j’ai besoin de prendre un peu de distance.

Si vous aviez le pouvoir de revenir en arrière et de modifier le déroulement de votre carrière d’entraîneur, que changeriez-vous ?

Je n’ai pas ce pouvoir, je ne me pose donc pas cette question. Par contre, de toutes ses expériences, surtout celles qui sont difficiles, on retient. Il y a des choses que j’ai retenues, il y a des fonctionnements, comme celui que j’ai connu à Castres, que je n’accepterais sûrement plus aujourd’hui parce qu’ils sont voués à de la difficulté pour ne pas parler d’échec.

On ne vous attendait pas en Fédérale 2, quelles sont les raisons de votre engagement à Saint-Jean de Luz ?

Je reviens vivre dans un endroit que j’ai apprécié, j’ai surtout un projet mais ce n’est pas l’entraîneur que ça concerne. Je pense que le club a été en difficulté et j’ai ressenti quelque chose au contact des dirigeants. Cela m’a tenté et l’avenir me dira si de cette relation il restera des hommes ou pas. Si je peux aider le club c’est avec grand plaisir et eux me permettent de vivre le rugby mais différemment, même si aujourd’hui je ne rejette rien de ce que j’ai vécu. La dernière expérience a été difficile mais elle a été positive.

Entraîner des joueurs véritablement amateurs après ceux du Top 14 ne demande-t-il pas un gros effort d’adaptation ?

Je découvre à peine mais j’ai conscience aujourd’hui qu’il va falloir que je modifie ma vision des choses par rapport au contexte dans lequel je suis. C’est une certitude. Ils ont besoin de reprendre du plaisir après une année difficile et je suis dans la même situation. L’objectif commun peut être intéressant. Je ne suis pas dans le rapport de force, je ne suis pas pour passer comme un bulldozer. Je n’ai jamais rien imposé, je sais bien que dans le rugby amateur il est hors de question de passer en force mais ce n’était pas ma volonté non plus. J’y vais pour partager quelque chose avec eux. L’idée c’est d’avoir la performance optimale par rapport aux moyens dont tu disposes et que tu peux donner. Je parle également de moi. Que tout le monde donne le meilleur de lui-même et dès lors nous prendrons du plaisir et surtout on se respectera.

Quels objectifs personnels vous fixez-vous ?

Celui d’être respecté, respectable et d’être toujours en accord avec moi-même. Ensuite on gagne les matchs quand tout le monde est bien dans sa peau et fonctionne dans un même registre dans un climat serein. Je ne me pose pas la question du résultat, ce qui m’intéresse c’est de leur apporter quelque chose et prendre ce qu’ils peuvent me donner. Nous ne nous sommes pas fixés d’objectifs primordiaux, l’important c’est de reconstruire après une année difficile.

Quel jugement portez-vous sur l’évolution du Top 14 ?

C’est sans doute, aux dires des médias, le meilleur championnat du monde. Il y a beaucoup de pression autour des contextes économiques et donc des résultats. Je suis ô combien content que le Stade Français avec ce qu’ils ont manifesté d’enthousiasme et de cohésion, soit allé au bout. Cela veut dire qu’aujourd’hui avec le plaisir on peut y arriver et le Stade Français l’a prouvé. C’est avant tout un jeu et le jour où on l’oublie, quand on vient à en faire son métier, si on ne partage pas une aventure humaine ça ne peut pas tenir sur la durée. C’est ma certitude. Le rugby est un sport de combat collectif et cela passe par le vécu collectif et commun des hommes. J’allais voir des corridas parce que j’éprouvais de l’émotion, quand je n’ai plus rien ressenti j’ai cessé d’y aller et ça ne m’intéresse plus. Pour éviter ce désintérêt le rugby doit susciter de l’émotion.

L’immense écart qui s’est creusé entre rugby pros et amateurs n’est-il pas effrayant ?

Ce n’est pas propre au rugby. Je n’ai pas l’impression d’avoir changé, c’est peut-être ma volonté, peut-être que je me mens mais nos sociétés et nos valeurs sont en train d’évoluer et le rugby n’est que le reflet de la société. Par exemple, l’économie de la Fédérale 1 est-elle viable ? Il faut se poser la question.

Votre repli signifie-t-il que vous avez un projet ?

J’avais oublié ma liberté, et quand on n’a plus cette liberté à un moment donné on est prisonnier. Et on est moins performant parce que tu peux chercher à te protéger. C’est sans doute l’erreur que j’ai commise. Je n’ai peut-être pas été moi-même. Si j’ai un regret aujourd’hui c’est de ne pas avoir été moi-même jusqu’au bout. Je ne sais pas si je reviendrai dans le rugby pro, je ne sais pas s’il y en a la volonté ou l’opportunité. Je ne me pose pas la question, l’avenir me le dira. J’ai peut-être la possibilité et la chance de faire autre chose mais c’est un projet personnel.

Propos recueillis par Gérard PIFFETEAU

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