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Zac Guildford : «Si je retombe là-dedans...»

Par Léo Faure
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    Zac Guildford : «Si je retombe là-dedans...»
Publié le Mis à jour
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Victime d’une agression le 6 septembre dernier, Zac Guildford a patienté un mois avant de rejouer. Un fait divers qui est venu enrichir la réputation déjà sulfureuse du All Black. Pourtant, l’ailier de Clermont assume : son passé néo-zélandais, son adaptation à la vie française, son rapport à l’alcool et le décès de son père... Cet automne, il livrait à Midi-Olympique, un entretien édifiant. Désormais reparti en Nouvelle-Zélande, Guildford veut chasser ses démons.

Comment vous êtes-vous intégré à Clermont-Ferrand et à l’ASMCA ?

Il est toujours plus facile de se rapprocher des autres joueurs étrangers, ne serait-ce que par rapport à la langue. Nous étions plusieurs à arriver cette saison à Clermont, sans trop d’amis en dehors. Naturellement, cela nous a rapprochés. Mais les joueurs Français ont vraiment joué le jeu avec nous, pour nous intégrer. Nous sommes une équipe, il faut que tous les éléments soient à la même page et se sentent investis. Les plus anciens au club ont fait cet effort. Sincèrement, c’est le meilleur environnement d’équipe auquel j’ai pris part.

Mieux que les Crusaders ?

Les infrastructures d’entraînement, ici, sont très au-dessus que ce dont disposent les Crusaders et globalement les provinces néo-zélandaises. L’environnement de l’équipe, l’ambiance, j’ai aussi trouvé ici quelque chose de fabuleux. Sur la pratique du rugby, c’est assez différent. Il y a ici des secteurs très forts comme la défense, la nécessité de mettre l’adversaire sous pression. Dans l’hémisphère Sud, le travail est plus axé sur l’envie de marquer des essais.

Venons-en à votre blessure (fracture de la pommette) : que s’est-il exactement passé, cette nuit du 6 septembre ?

Ce qui a déjà été dit. Nous allions acheter à manger en ville avec Jonathan Davies et une dispute a éclaté. Jonathan m’a vite éloigné mais le coup est parti. Ensuite, je ne me souviens plus de grand-chose. J’étais K.-O. Je me suis réveillé le lendemain à l’hôpital, avec une triple fracture à la pommette (il montre sa blessure, en dessous de son œil gauche). Cela m’a marqué parce que c’était gratuit, sans provocation de notre part.

Sortiez-vous régulièrement avant cet incident ?

J’avais fait quelques soirées en ville, c’est vrai. Mais franchement, là, cela m’a refroidi. Je préfère rester tranquille, à la maison. Vous ne me reverrez pas souvent la nuit, en ville !

Combien de temps avez-vous passé à l’hôpital ?

Une seule nuit. Mais il le fallait. J’étais encore sonné, j’avais du mal à avaler pour me nourrir. Il y avait aussi des risques de complications. J’ai dû y retourner pendant la semaine suivante, pour passer quelques examens complémentaires, avant que tout ne rentre définitivement dans l’ordre.

Craignez-vous que cette histoire vous colle à la peau, après ce qu’il s’est passé pour vous en Nouvelle-Zélande ?

Forcément, un peu. Mais les gens peuvent penser ce qu’ils veulent de moi. Je n’ai jamais cherché cette histoire, j’étais calme. Bien sûr qu’en Nouvelle-Zélande, tout ne s’est pas bien passé pour moi. J’ai fait des erreurs. Mais ici, c’était juste une histoire de « mauvais moment, mauvais endroit ». Je n’ai rien à me reprocher.

«Vous n’oubliez jamais ces moments et cette douleur. Mais lentement, vous retrouvez des moments de joie. C’est ce qui est en train de m’arriver.»

Zac Guildford, à propos du décès de son père

Quelle fut la réaction du club face à cet incident ?

Ils ont été super avec moi. Globalement, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas senti autant en confiance avec un club. Ce n’est pas comme si je pouvais exploser à chaque instant mais quand j’en ressens le besoin, il y a toujours quelqu’un de prêt à discuter. Aujourd’hui, je me sens apaisé, bien dans ma peau. Il ne me reste plus qu’à retrouver les terrains.

Existe-t-il, dans votre contrat, une clause incluant les comportements extra-sportifs ?

Nous n’en avons pas parlé en ces termes. Bien sûr qu’ils attendent de moi d’éviter ce genre de problèmes. Ils ont placé beaucoup de confiance en moi. Je suis redevable. Je le sais, je leur suis infiniment reconnaissant et je veux leur rendre cela.

Franck Azéma apparaît très protecteur à votre égard…

Frank est quelqu’un de génial pour moi. Comme entraîneur mais aussi comme homme. C’est quelqu’un avec qui je peux discuter très longtemps. Il sait de quel contexte je suis parti, en Nouvelle-Zélande, et pourquoi je suis là aujourd’hui. Je sais que mon incident, au début du mois de septembre, l’a un peu bouleversé. Il me fait confiance et m’a fait cette énorme faveur, de me faire venir ici. Je veux lui rendre cette confiance. Je lui dois ça.

Vous êtes arrivé à Clermont pour relever un challenge sportif, mais également personnel vis-à-vis de votre addiction à l’alcool. Où en êtes-vous ?

Je ne sais pas si c’est un problème qui peut, un jour, être complètement derrière vous. Mais en venant ici, j’ai trouvé un environnement favorable pour avancer. Il y a eu cet incident mais excepté cela, je vais de l’avant. Aujourd’hui, je me sens bien dans ma peau. Enfin, autant qu’on peut l’être quand on a pris un coup de pied dans la tête (rires) ! J’ai maintenant besoin de laisser cela derrière moi. Je sais que je ne veux plus revivre ce que j’ai connu en Nouvelle-Zélande, il y a quelques années. Si je retombe là-dedans, mon aventure à Clermont ne durera pas longtemps. Et ça, je ne le veux absolument pas.

Vous aviez confié, en Nouvelle-Zélande, être une personne « au profil addictif », pas seulement pour l’alcool. Quelles autres addictions ?

J’ai une Playstation à la maison. Depuis peu, la fibre fonctionne et je suis capable de passer beaucoup de temps à jouer, en ligne. J’ai aussi cette attirance pour le chocolat même si je fais attention, pour garder la ligne. En ce moment, je ne peux pas trop me laisser aller ! C’est vrai que je peux être quelqu’un d’assez excessif. Parfois, c’est utile de se laisser quelques plaisirs. Parfois, il faut se restreindre. Il faut juste rester lucide et faire attention.

Êtes-vous croyant ?

Oui, bien sûr. Cela m’a aidé, spécialement pendant les moments difficiles que j’ai traversés, en Nouvelle-Zélande. Quand tout m’est tombé dessus, il fallait prouver que je pouvais être une personne forte. Sur le terrain, bien sûr, mais aussi dans chaque moment de vie où je pouvais montrer aux gens que j’étais capable de relever la tête.

Ces moments difficiles, ce n’est pas un secret, ont débuté après le décès de votre père. Est-ce, aujourd’hui, un poids toujours aussi lourd à porter ?

(Il parle plus lentement) J’ai appris à vivre avec comme un souvenir, plus comme un poids. Tout doucement, cela s’estompe. Les premiers temps ont été très douloureux. J’ai mis du temps à réaliser ce qu’il nous arrivait, à moi et ma famille. Aujourd’hui, disons que c’est en arrière-plan. Vous n’oubliez jamais ces moments et cette douleur. Mais lentement, vous retrouvez des moments de joie. C’est ce qui est en train de m’arriver.

Venir en France a participé à tourner cette page ?

Oui, parce que vous voyez d’autres visages. Vous changez de communauté. Les supporters ont aussi joué un rôle important, dans cette idée de retrouver des moments de joie. Au début, cela m’a surpris mais quand ils vous croisent dans la rue et vous encouragent… Rien d’exceptionnel, juste du genre : « Bonne chance pour aujourd’hui, on est derrière vous. » Quand je parle d’environnement positif, au club, c’est tout cela. Cela m’aide à me sentir mieux.

Ces supporters s’étonnaient de vous avoir croisé pied nu, en ville. Que s’est-il exactement passé ?

Simplement, j’avais oublié mes chaussures dans les vestiaires. J’étais en claquettes et je devais rejoindre Jonathan Davies pour boire un café, place de Jaude. J’étais plus à l’aise pieds nus, alors j’ai enlevé les claquettes. Mais c’est si bizarre que ça ?

En France, un peu…

En Nouvelle-Zélande, cela n’a rien de bizarre de se promener pieds nus en ville ! Je ne recommencerai plus, promis (rires).

Vous semblez vous être rapproché de Jonathan Davies…

Avec Jonathan Davies, nous sommes tous les deux nouveaux dans la ville, célibataires. Nos familles sont loin et nos journées se résument largement aux entraînements et à la vie du club. En dehors c’est plus calme. On se retrouve régulièrement pour boire un café, jouer aux jeux vidéos. C’est vrai qu’on passe pas mal de temps ensemble.

Craignez-vous la solitude ?

Pour être honnête, je peux passer une semaine entière seul, enfermé chez moi, cela ne me pose aucun problème. Je regarde beaucoup de films et de séries télés. Je dors aussi beaucoup. J’ai parfois besoin d’être seul, ce n’est absolument pas une crainte pour moi.

* Robert Guildford est décédé d’une crise cardiaque pendant la finale de la Coupe du monde juniors 2009 et alors que son fils, sur la pelouse, participait à la victoire des Néo-Zélandais face à l’Angleterre. De nombreux tatouages, sur le corps de l’ailier clermontois, rappellent cet événement tragique.

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