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Pro D2 – "Attrape-moi si tu peux" : sur les traces de la révélation Raffaele Storti

  • Raffaele Storti – Ailier de Béziers.
    Raffaele Storti – Ailier de Béziers. - Jean Teraube
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Révélation de la dernière Coupe du monde, Raffaele Storti est un des meilleurs joueurs de la saison de Pro D2. À Aurillac, il a égalé le record d’essais sur une saison d’une division où il est le cauchemar des défenses. Retour sur le parcours de la flèche portugaise, possible attraction du Top 14 la saison prochaine, avec le Stade français.

Mettons fin au débat : Raffaele Costa Storti ou seulement "Storti" ? "Au Portugal, on utilise que le nom du père, donc Storti. Mais les deux me vont", explique-t-il, casquette vissée sur la tête, comme à chaque entraînement. Dans un collectif qui brille cette saison, l’ailier ne passe pas inaperçu avec ses 20 réalisations en 17 rencontres. Il n’est plus qu’à une réalisation d‘égaler le record d’essais sur une saison en Pro D2, détenu depuis 2014 par Moses Ratouvou. Sauf que le Lyonnais avait eu besoin de 27 rencontres… Le Portugais est devenu la coqueluche des exigeants supporters biterrois. "Ce soutien des fans est magique, c’est une des raisons de sa réussite", théorise Leonardo, le grand frère de Raffaele et son ancien partenaire. Autre argument : l’ASBH a recruté l’été dernier Samuel Marques. Les deux Portugais se cherchent en permanence sur le terrain, comme sur des pénalités vite jouées. "C’est instinctif, avoue le numéro neuf. Quand Raf’est sur le terrain, je sais qu’il y aura toujours quelqu’un autour de moi ! Bizarrement, dès qu’il y a un intervalle, il y est." Gabin Lorre, treize essais, est aussi souvent de la partie. Il a même "offert" un essai à son ami lusitanien dans son triplé contre le VRDR, lors de la précédente journée de Pro D2.

Ce sens du jeu, l’ailier l’apprend au début des années 2010. Jéronimo Portela insiste avec son père Miguel, centre du Portugal lors du Mondial 2007, et le futur Biterrois se met au rugby. "À cette époque, je courrais plus vite que lui ! Je plaisante, il a toujours été le plus rapide dans la cour de récréation", rigole l’ouvreur.

Cette vitesse, Patrice Lagisquet, fraîchement nommé à la tête du Portugal, la remarque vite lors du Trophy U20 en 2019. Os Lobitos s’inclinent en finale contre le Japon. Raffaele Sorti inscrit tout bonnement neuf essais en quatre rencontres… L’ancien entraîneur de Biarritz le convoque alors en novembre de la même année. Première cape à 18 ans et premier essai, contre le Brésil. Mais c’est finalement l’Uruguay que l’ailier rejoint début 2020 avec son meilleur ami Jéronimo Portela. Les compères signent leur premier contrat pro avec le Peñarol, engagé dans la première édition de Súper Rugby Américas.

"C’est quelqu’un qui a des qualités innées. Mais il fallait le faire travailler pour qu’il soit complet. Aujourd’hui, il l’est et peut aller en Top 14.", Pierre CAILLET, manager de Béziers

Uruguay, barbecues et confinement

"On étudiait ensemble, on était très proches. Cela ne durait que six mois, donc notre plan était d’y aller et de retourner au Portugal pour passer nos examens. On voulait avoir une expérience de rugby professionnel et aussi extra-sportive en quittant Lisbonne", justifie l’ailier. Sur place, il évolue avec un certain Santiago Arata. Le demi de mêlée se souvient d’un joueur aussi rapide sur les terrains que "tranquille et simple" en dehors. Dans un groupe jeune, les deux Portugais sont vite intégrés. "Avec Jeronimo, ils avaient une maison. En tant que leader, je les avais accueillis, je les avais amenés acheter ce dont ils avaient besoin. On avait été au stade de foot pour voir Peñarol, on faisait des barbecues avec les Argentins." Mars 2020, le monde se fige. Confinement et retour au Portugal pour Portela et Storti. Le professionnalisme s’envole.

Ce retour à Técnico sera bénéfique, selon Patrice Lagisquet. L’ailier est replacé au centre en club. Cela se retrouve aujourd’hui : sur les lancements de jeu, il vient se proposer dans la ligne avec des courses tranchantes, un peu en travers. Dégâts garantis. "Il est facile à utiliser au cœur du jeu quand il est sur l’aile, explique l’ancien Bayonnais. Il vient dans le bon timing, avec beaucoup de vitesse pour faire des différences. Il est devenu finisseur mais aussi créateur." Raffaele Storti profite surtout de cette saison 2021 pour préparer son arrivée dans l’Hexagone. "Il a fait un essai à Bayonne, qui était intéressé pour le garder. Mais le Stade français s’est manifesté et il était attiré par l’expérience parisienne. Je lui avais dit qu’à Bayonne, il aurait sûrement plus joué, ou plus rapidement, surtout que l’Aviron était en Pro D2", révèle son ancien sélectionneur.

Thomas Lombard, directeur général du club parisien, se souvient de l’arrivée du Portugais : "J’ai regardé plusieurs matchs du Portugal et j’ai appelé Patrice pour discuter de Raffaele. Il a été dithyrambique à son sujet. Il y a des joueurs où l’on arrive vite à déceler un talent. Offensivement, il savait prendre les intervalles, il avait la vitesse, le timing, les appuis…" Malgré les louanges de l’ancien centre, le Lusitanien ne dispute aucune minute avec les pros ; peu avec les Espoirs. Le directeur général pointe un "temps d’adaptation. Il y a une différence au niveau de la répétition et de l’intensité des entraînements, de la langue et de la vie à Paris. Il n’était pas Jiff, aussi. Mais l’entraîneur aurait peut-être pu davantage lui faire confiance et le faire travailler." L’ailier était-il la victime collatérale d’une relation Quesada-Lombard pas toujours au beau fixe ? Peut-être. Le principal intéressé souligne une arrivée après la présaison. Prévu pour des rencontres de Challenge Cup, il est blessé… Bref, une saison en deçà des espérances.

"Il est dans une des meilleures écoles d’Europe. Il a la capacité à tout gérer et à être le meilleur dans tout ce qu’il fait…" Jéronimo Portela, demi d’ouverture du Portugal

Explosion à Béziers

Raffaele Storti peut alors compter sur l’aide de son partenaire en sélection, Francisco Fernandes. "J’avais déjà voulu le faire venir à Béziers, rembobine le pilier de l’ASBH. J’en avais parlé à David Aucagne. Il m’avait dit qu’il n’avait pas le profil et qu’il était hors d’âge. Trois semaines après, il signait à Paris… Quand j’ai vu qu’il avait passé une année sans jouer, je lui ai proposé de venir en prêt." S’il jure ne pas avoir pris une commission, il a la reconnaissance de son entraîneur. "Chico me parlait d’une génération vraiment intéressante dont Raffaele faisait partie. J’ai commencé à les suivre. On avait essayé de contacter un peu tout le monde et on n’a pas réussi à en prendre un… J’avais continué à suivre Raffa en Espoirs", explique Pierre Caillet.

Inconnu à son arrivée dans l’Hérault, Storti se fait un nom. Deuxième match en Pro D2 : doublé. Troisième : triplé. En dehors des terrains, il se fait vite à la vie dans le Sud. "Je l’ai aidé pour trouver un appartement. Il venait souvent manger à la maison. Je l’ai aussi aidé à s’intégrer dans l’équipe. Après, il y a beaucoup de jeunes dans ce groupe. Une ou deux soirées et c’est parti, tu es intégré !", lance le gaucher biterrois. Mais cette saison 2023 s’est arrêtée prématurément, après dix essais en douze matchs. "Lors du Rugby Europe Championship, contre l’Espagne, il a voulu jouer un duel alors qu’il y avait un cinq contre un. Il s’est blessé au coude. Fin de saison dès la mi-mars…", explique Patrice Lagisquet.

S’ensuit une Coupe du monde où il se révèle aux yeux du monde avec 28 défenseurs battus, 8 franchissements et 244 mètres parcourus ballon en main en quatre rencontres. Mais, surtout, deux essais décisifs lors du 18-18 contre la Géorgie, un autre contre les Fidji et une passe décisive à Rodrigo Marta pour un essai entré dans l’histoire. Aux côtés d’un certain Jéronimo Portela, il se révèle en mondovision et écrit les plus belles lignes du rugby portugais.

Alors, au moment de retourner à Béziers pour un second prêt, le Stade français souhaite le rapatrier. "Naivalu s’était blessé et au travers de ce qu’il avait montré, on pensait qu’il avait du temps de jeu à aller chercher", expose Thomas Lombard. Las, une erreur administrative annule l’opération.

Béziers s’en frotte les mains, au regard de la saison de Storti. Dans le jeu de mouvement biterrois, il est souvent bien placé pour finir les actions. Il y va de ses doublés, triplés et même un quadruplé contre Aurillac. Son partenaire Gillian Benoy résume sa performance contre les Cantalous en cinq mots : "Il est fort ce con (sic) !" Pierre Caillet explique pourquoi : "C’est un garçon rêveur, un peu poète aussi, parfois, à ses heures perdues. Même sur le terrain ! Il fallait qu’il soit concentré sur chaque action, chaque entraînement. C’est quelqu’un de doué, donc il réussit énormément de choses grâce à ses qualités innées. Il fallait le faire travailler sur des choses moins importantes pour lui comme la défense, le jeu aérien. Il a gardé ses qualités de puncheur, de finisseur. Aujourd’hui, il est complet dans son jeu, ça va lui permettre d’aller en Top 14."

Malgré l’approche de plusieurs clubs, il a prolongé son bail avec Paris. En plus de sa progression dans l’Hérault, il a aussi acquis le statut de Jiff. "Je me reconnais dans son parcours. J’ai commencé en semi-pro, je suis parti dans un championnat étranger (aux États-Unis), je me suis révélé à la Coupe du monde dans une équipe du Tiers 2 et je suis allé en France. Ce n’est pas le Top 14 qui est venu vers nous, c’est nous qui sommes allés le chercher avec du travail, des sacrifices. On s’écrit sur les réseaux sociaux. C’est facile, je vois ses essais sur Instagram ! J’ai hâte de pouvoir le croiser. J’espère pouvoir le choper et lui mettre un gros plaquage de bienvenue", se marre Santiago Arata. Encore faut-il réussir à saisir le Portugais. "Tu as raison, en premier je dois l’attraper, c’est le plus difficile !" Avant ça, Raffaele Storti aura des phases finales à jouer avec l’ASBH et des examens prévus cet été. Après avoir obtenu au Portugal un diplôme d’ingénierie et gestion industrielle, il termine un master en finance à l’Edhec. "Il était un des meilleurs de sa promo durant le bachelor et maintenant, il est dans une des meilleures écoles d’Europe. Sa capacité à tout gérer et à être le meilleur dans tout ce qu’il entreprend, c’est la chose la plus inspirante chez lui", termine Jéronimo Portela. Dans sa tête aussi, tout va vite…

Digest

Né le : 19 décembre 2000 à Lisbonne (Portugal)

Mensurations : 1,84 m, 89 kg

Poste : trois-quarts aile

Clubs successifs : Técnico (2011-2019), Peñarol (2020), Técnico (2020-2021), Stade français (2021-2022), Béziers (prêt, 2022-2024), Stade français (2024-2025)

Sélections nationales : 26 avec le Portugal (depuis 2019)

1er match en sélection : à São Paulo, 9 novembre 2019, Brésil-Portugal (26-24).

Points en sélection : 80 (16 essais)

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