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Horizons - Frédéric Michalak - Clément Poitrenaud : le temps des retrouvailles lors de Toulouse - Racing 92

  • Frédéric Michalak et Clément Poitrenaud se retrouvent lors de Toulouse - Racing 92.
    Frédéric Michalak et Clément Poitrenaud se retrouvent lors de Toulouse - Racing 92. Howard Cleland / Icon Sport - Howard
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Héros de la finale du championnat de France 2001, remportée avec le Stade toulousain alors qu’ils n’étaient que des gamins portés par leur talent et leur insouciance, les histoires de ces deux potes de toujours sont indissociables. Dimanche, ils seront adversaires…

En début d’année 2023, quand l’information de l’arrivée prochaine de Frédéric Michalak comme entraîneur des trois-quarts du Racing 92 lors de l’actuelle saison fut annoncée, Clément Poitrenaud nous avait livré cette confidence : "Il m’a appelé pour m’en parler avant, et je lui ai dit : « Vas-y poulet, il faut que tu te lances. » Je suis content pour Fred". Preuve du lien indéfectible qui les lie depuis cette fabuleuse fin de saison 2000-2001, et même plus encore. Michalak, après des missions techniques effectuées en Australie, à Lyon, Monaco ou Toulon s’est définitivement jeté dans le grand bain du coaching l’été dernier, aux côtés de Stuart Lancaster, et va affronter ce dimanche le pote de toujours, son alter ego au Stade toulousain. Là où Poitrenaud est en poste depuis 2018, accrochant au passage trois Boucliers de Brennus et une Champions Cup. Un duel pas comme les autres, sur la pelouse d’Ernest-Wallon, berceau de leurs premiers exploits communs. "Nos trajectoires se sont toujours croisées, nous expliquait un jour Poitrenaud. On a débuté ensemble au Stade chez les gamins, joué nos premiers matchs, obtenu nos premiers titres, notre premier Bouclier de Brennus, nos premières sélections ensemble…" Ce premier Brennus, le 9 juin 2001 au Stade de France, un soir qui a changé le cours de leurs vies respectives. Eux, qui n’étaient que des gosses titularisés au sein de la ligne de trois-quarts par Guy Novès, comme leur compère Nicolas Jeanjean. "Ils ont démarré à 18 ans, pas à 20 ou 21, raconte Novès. Ils étaient juste majeurs. Je me rappelle évidemment de Fred qui nous fait gagner cette finale (contre Clermont, NDLR) grâce à ses pénalités lointaines". 

Quand, dans ces colonnes, Michalak fut interrogé en avril 2020 sur le top 3 de tous ses matchs, voici la première réponse qui a fusé : "La finale 2001, c’est celui qui m’a procuré le plus de sensations".  Et lorsqu’une question similaire fut soumise à Poitrenaud ? "J’ai envie de retenir ce premier Brennus, parce que c’est toujours exceptionnel, et que c’était avec Fred, Nico, Jean (Bouilhou), notre bande avec laquelle j’ai passé de nombreuses années par la suite". Une période bénie où se mélangeaient une insouciance et une réussite presque insolente, avec aussi les titres de champions d’Europe en 2003 et 2005. "Ce n’est pas moi qui les ai lancés, c’est leur talent, insiste Novès. Fred et Clément puaient le rugby. C’est vraiment parti d’un déplacement à Grenoble, alors qu’ils débutaient avec nous. J’avais décidé de les mettre dans l’équipe, avec aussi Nico Jeanjean, et je me souviens d’Emile Ntamack, alors capitaine, qui était venu me voir pour me dire : « Franchement, ça va être dur à Grenoble… » D’autres plus vieux ne jouaient évidemment pas du coup, et il essayait de m’inciter à ne pas les mettre parce qu’ils étaient très jeunes. Mais on a gagné. Et là, j’ai bien fait comprendre qu’il ne fallait pas hésiter quand on a des jeunes comme ça. […] Clément te transformait certaines situations. Un « deux contre deux » en bout de ligne, lui se débrouillait pour que ça se finisse par un « deux contre un ». Il avait une faculté à garder le ballon quand il le fallait, à le transmettre au bon moment. Et Fred, vu le nombre de matchs qu’il a fait basculer, ce n’est plus la peine de le présenter. Ce garçon avait un tel talent… " Christian Labit, numéro 8 de l’époque, d’ajouter : "Ce qui m’impressionnait chez Fred, c’était son courage. Plus tard, il a voulu passer en 10 et il a réussi. Mais son vrai rôle, c’était 9. Je l’ai vu grandir à ce poste, juste derrière moi. Il avait un tel aplomb, une telle aisance et une telle autorité. Quand il évoluait derrière un pack qui savait le mettre dans l’avancée, c’était le plus fort". 

Clément Poitrenaud et Frédéric Michalak étaient en équipe de France lors de la Coupe du monde 2007.
Clément Poitrenaud et Frédéric Michalak étaient en équipe de France lors de la Coupe du monde 2007. Dave Winter / Icon Sport

Labit : "J’étais prêt à mourir pour eux"

L’histoire était alors en marche. "À l’époque, tout nous réussissait, poursuivait Poitrenaud. On a été champions de France quatre fois d’affilée, en cadets, en cadets 2, en juniors et donc en seniors. […] Rien ne pouvait nous arrêter. On était dans une incroyable dynamique de succès". Ce qui explique la légèreté qui était la leur. "Comme Califano, Soulette ou Tournaire devant, ils ont vite fait partie des animateurs chez les trois-quarts, rigole Novès. Ils faisaient des petites bêtises de jeunes. Les soirs de match, je ne suis jamais allé avec les joueurs. Il était important qu’ils soient ensemble, qu’ils partagent des choses. Même si j’en savais beaucoup !" Michalak en convient : "J’avais pas mal de connerie en moi, donc je ne me suis pas trop rendu compte de ce qu’il se passait. Dans cette équipe, presque n’importe qui aurait pu jouer, il y avait de la qualité partout et à tous les niveaux. C’était de grands noms de notre sport qui, en plus, avaient un sacré leadership. Mes partenaires s’appelaient Pelous, Ntamack, Califano, Garbajosa ou Delaigue. C’était le grand Toulouse ! C’était facile d’évoluer avec eux. En revanche, contre eux… Je me souviens des oppositions du mercredi entre les espoirs et l’équipe première. On disputait le match du mois mais, face à de tels joueurs, c’était très difficile". 

Et certains de ces monuments le concèdent désormais, à l’instar de Labit : "Le mérite revient à Guy. Il leur a donné la chance de rentrer dans notre système, qui pouvait être rigide. Beaucoup ont essayé en vain, car nous étions durs avec eux. Le groupe était le même depuis des années, il gagnait mais, au cœur de cette saison, il était en manque d’enthousiasme et de fraîcheur. Guy l’a senti. La vérité se situait sur le pré et on sentait déjà que ces gamins avaient la capacité à exister parmi nous. L’intégration a été facile car ils apportaient leurs qualités, leur joie de vivre et leur connerie. C’étaient vraiment des casse-couilles. Fred et Clément étaient deux petits cons, dans le bon sens du terme, qui nous branchaient constamment. Ça faisait leur force. On les martyrisait en dehors du terrain, ils étaient un peu nos bizuths. Mais c’était gentil, c’est ce qui a créé une immense affection entre eux et nous. Ils savaient que, lorsque le week-end arrivait, ils étaient sous notre protection". Ce qui avait marqué Novès : "Ils étaient entrés de plain-pied dans notre équipe, et il y avait ce côté humain entre les générations, qui était entretenu et qui est venu naturellement dans leurs rapports". Aussi parce que les « anciens » avaient rapidement pris conscience de l’immense plus-value sportive apportée par Michalak et Poitrenaud. "On les a pris sous notre aile, comme des parents qui veulent permettre à leurs enfants de s’exprimer, confirme Labit. Devant, nous étions costauds et personnellement, j’étais prêt à mourir pour eux. J’aurais pu me battre tous les week-ends pour les défendre". 

Guy Novès aux côtés de Frédéric Michalak, en 2006.
Guy Novès aux côtés de Frédéric Michalak, en 2006. Xavier Caihol / Icon Sport

Novès : "L’amitié est supérieure à tout"

Si chacun a ensuite écrit des chapitres différents du roman commun, après le départ de Michalak aux Sharks en 2008, le destin les a tout de même parfois encore rassemblés. D’abord lors du retour dudit Fred à Toulouse entre 2008 et 2011, aussi en équipe de France (notamment lors de la Coupe du monde 2007 à domicile) ou enfin, en juin 2017, quand ils ont disputé un ultime match sous le même maillot, avec les Barbarians français en… Afrique du Sud. Là où Michalak avait migré quelques années plus tôt et là où Poitrenaud est parti terminer son parcours de joueur. Midi Olympique les avait alors rencontrés sur place. "C’est énorme de boucler la boucle ici, se réjouissait le premier. Pour moi, c’était fini, on ne rejouerait plus ensemble…" Et le deuxième de lui répondre : "Nous nous étions un peu quittés puisque moi, je n’avais connu qu’un seul club de toute ma carrière avant cette expérience sud-africaine. C’est juste génial de se retrouver". 

Un entretien dans lequel Poitrenaud expliquait également ce que son aventure d’une saison dans la franchise de Durban lui apportait pour son avenir qu’il imaginait dans le coaching et le management. Une manière, déjà, de se projeter sur ce qu’il vit dorénavant, lui qui est considéré comme l’un des techniciens les plus doués de sa génération. "Dans leur jeunesse, Clément et Fred n’étaient pas dans l’esprit d’entraîner plus tard, juste d’être performants, d’être les meilleurs dans leurs domaines, avoue Novès. Mais, comme beaucoup d’autres, ils ont dû prendre du plaisir avec leurs coachs. Notre contact leur a donné l’envie de perdurer, de continuer leur trajectoire dans le rugby. C’est très personnel mais j’en suis heureux, je suis très fier d’eux. Au début, ils sont passés un peu comme des étoiles filantes, mais vous avez vu leurs carrières… Et ils continuent à briller. Quand je l’entends parler, intellectuellement, je retrouve le Clément Poitrenaud que je connais. Même si je n’avais pas senti qu’il serait un jour entraîneur, je savais qu’il pourrait l’être. Fred a bourlingué dans plusieurs clubs. Mais le Racing est un magnifique tremplin pour lui aujourd’hui. Dimanche, ils seront adversaires mais l’amitié est supérieure à tout. L’un et l’autre seront concentrés sur leurs rôles, mais je sais qu’à la fin du match, ils n’auront qu’une envie : se retrouver". Et partager, encore une fois…

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