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XV de France - Gaël Fickou : "Ce quart de finale contre l'Afrique du Sud, on m’en parlera toute ma vie"

Par Marc Duzan
  • Gael Fickou est revenu sur le quart de finale face à l'Afrique du Sud.
    Gael Fickou est revenu sur le quart de finale face à l'Afrique du Sud. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À presque 30 ans, Gaël Fickou (85 sélections) sera évidemment l’un des cadres de la prochaine aventure du XV de France. Dans le cadre d'un évènement crée par la GMF, le capitaine du Racing 92 revient sur le quart-de-finale face aux Springboks, débriefe une Coupe du monde "mitigée", lave l’honneur de Ben O’Keefe et se projette sur le Tournoi des 6 Nations.

Plusieurs Tricolores ont pris la parole depuis la fin de la Coupe du monde. Vous avez quant à vous préféré rester silencieux. Pour quelle raison ?

Mes coéquipiers avaient assez parlé comme ça et je ne voulais pas en rajouter. J’ai préféré me concentrer sur autre chose, et notamment sur mon club : sept jours après l’Afrique du Sud, j’étais donc de retour au Plessis-Robinson. […] Au Racing, Laurent Travers (le président) et Stuart Lancaster (le manager) m’ont dit qu’après une chute de cheval, la meilleure chose à faire était de remonter immédiatement en selle. C’est ce que j’ai fait.

Qu’avez-vous néanmoins ressenti, au soir de la défaite en quart-de-finale face à l’Afrique du Sud ?

(il soupire) Quand ça arrive, c’est comme une bombe... Pffff… Ce quart-de-finale, il a été tellement marquant que les gens nous en parlent encore aujourd’hui. (il marque une pause, reprend) Vous savez, on a passé quatre ans à s’entraîner tous les jours avec cet objectif en tête… La déception, elle fut à la mesure de tous ces sacrifices...

Comment évacuer ?

Quand j’ai commencé le rugby, on ne parlait jamais de nos échecs. Tout le monde avait honte. Il y avait un tabou, autour de ça. Aujourd’hui, je vois comme mes coéquipiers du Racing un psychologue au club tous les lundis : mettre des mots une défaite, ça libère. […] Nous, rugbymen, sommes des êtres sensibles. Bien plus sensibles que les gens ne le croient. On vit des émotions immenses et en Coupe du monde, on est monté très haut avant de redescendre très bas. Tout ça, il faut pouvoir l’absorber.

S’est-il depuis passé un jour sans qu’on ne vous parle de ce quart-de-finale ?

Ce match, on m’en parlera toute ma vie. Mais je le répète : il faut désormais passer à autre chose.

Vous avez quasiment fait le deuil, en somme.

Ça a pris quelque temps mais oui, je pense. Beaucoup grands joueurs ont connu des échecs comme celui-ci : avant de soulever le trophée Webb Ellis à deux reprises, Dan Carter et Richie McCaw ont eux aussi perdu en quart-de-finale de Coupe du monde (en 2007, face aux Français à Cardiff, N.DL.R.). Il ne faut pas se laisser abattre. Comme je dis souvent : « Demain, il fera jour ».

Êtes-vous d’accord avec Antoine Dupont, quand le capitaine tricolore déclare que l’arbitrage de Ben O’Keefe a été défavorable au XV de France, le jour du quart-de-finale ?

Antoine a dit ce qu’il ressentait. Il est légitime pour donner son opinion. À mes yeux, il n’y a pourtant pas eu de vol. Il y a eu des erreurs et tout le monde en est conscient : mais on aurait dû être capable de s’y adapter.

On vous sent plutôt serein, vis-à-vis de tout ça...

Oui. Je me refuse à parler d’injustice. L’arbitre, il est humain. Parfois, il fait des bons matchs, parfois non. […] L’adaptation doit désormais être notre maître mot sur le terrain : en quart-de-finale, on ne pensait pas que l’arbitre allait nous siffler autant et il l’a fait ; on pensait que l’Afrique du Sud jouerait peu au pied et c’est ce qu’elle a pourtant fait. C’est le sport, voilà tout…

Avez-vous revu le match ?

Oui, plusieurs fois. Je l’ai même analysé avec Stuart (Lancaster, le coach anglais du Racing 92). Je sais très bien pourquoi nous avons perdu : sur certains domaines, comme le jeu aérien par exemple, les Springboks ont été bien meilleurs que nous.

Avez-vous évoqué le quart-de-finale avec le capitaine des Springboks Siya Kolisi, qui est depuis devenu votre coéquipier au Racing 92 ?

Oui. Il dit que c’est le match le plus dur que les Boks ont eu à disputer au fil du Mondial. À ses yeux, aussi, certaines décisions (arbitrales, N.D.L.R.) ont été chanceuses. […] Ce jour-là, les Sud-Africains savaient qu’ils jouaient moins bien au rugby que nous mais ils avaient un plan et s’y sont tenus.

Pensez-vous que le deuxième mandat de Fabien Galthié sera plus difficile que le premier ?

Fabien est le plus compétent pour continuer à mener la barque. Ce qu’il a fait, ces quatre dernières années, est exceptionnel : les résultats, le jeu de l’équipe et la ferveur autour du XV de France, c’est Fabien qui a construit tout ça.

Vous connaissez quelques difficultés depuis le début de saison. Où en êtes-vous, Gaël ?

Il ne faut pas se mentir. Je suis capable de savoir ce que j’ai fait de bien ou de très mauvais. Mais aucun joueur, tout sport confondu, n’a été excellent toute sa carrière. Je vais me relever : parce que j’ai de l’ego, parce que je sais être résilient.

En clair ?

Les problèmes, je les ai toujours affrontés. On m’a éduqué comme ça. […] Les gens s’attendent toujours à ce qu’un joueur de mon calibre fasse des choses flamboyantes. En équipe de France, j’ai pourtant moins ce rôle-là ; je suis passeur, régulateur, leader de défense… Pour autant, je suis conscient d’avoir fait deux ou trois matchs approximatifs depuis la fin de la Coupe du monde. Il y avait probablement une certaine usure mentale, chez moi. Mais depuis quelques matchs, ça va de mieux en mieux.

Fabien Galthié a dit avoir débriefé la Coupe du monde avec vous et que vous avez été, à ce sujet, très lucide sur vos performances.

Comme je vous le disais, il faut être honnête avec soi-même. Il y a eu de très bonnes choses et de moins bonnes. Je sais que j’aurais pu faire mieux. C’est mitigé et j’en suis le premier conscient.

Antoine Dupont semble en forme internationale depuis quelques matchs. N’est-il pas dommage qu’il ne participe pas au Tournoi des 6 Nations ?

Oui, forcément. Antoine, on connaît tous le joueur qu’il est. Il apporte beaucoup de choses à l’équipe. Maintenant, il a fait un choix et on se doit de le respecter. Nous avons aussi, en France, des joueurs très compétents pour le remplacer.

Une expérience à 7 vous aurait-elle plu ?

Non. Ce n’est pas ma spécialité. Je me ferais humilier par des mecs que je ne connais même pas ! (rires)

Comment imaginez-vous le France-Irlande du 2 février, à Marseille ?

Les Irlandais ont perdu depuis la Coupe du monde des joueurs très importants, dont le phare du rugby irlandais depuis quinze ans : Johnny Sexton. Ça va leur faire bizarre mais cette équipe sera néanmoins très compétitive. Il n’y a qu’à regarder les performances du Leinster et du Munster en Champions Cup pour s’en rendre compte…

L’équipe de France sera-t-elle plus attendue, sur ce Tournoi des 6 Nations ?

Il y a quatre ans que l’on est attendu… Aujourd’hui, les adversaires de l’équipe de France se subliment parce qu’ils la savent redoutable.

Au fil de la Coupe du monde, le XV de France a atteint des sommets de popularité à l’intérieur de ses frontières. Au quotidien, qu’est-ce qui a changé dans votre vie ?

Aujourd’hui, tout le monde connaît l’équipe de France de rugby et ce n’était pas du tout le cas, il y a cinq ou six ans : le grand public connaît les joueurs, leurs clubs... Avant cette Coupe du monde, le rugby était avant tout un sport de connaisseurs et ce n’est plus le cas. C’est bien pour le futur.

Vous avez à peine 30 ans mais êtes plus près de la fin que du début de votre carrière de rugbyman professionnel. Avez-vous pensé à une quelconque reconversion ?

On n’est pas des footballeurs ou des joueurs de NBA. L’après, il faut l’anticiper. Quand j’ai démarré ma carrière pro à 18 ans, on m’a dit : « Gaël, il faut investir ». Alors, c’est ce que j’ai fait. […] Plus jeune, j’ai joué avec des immenses champions qui sont aujourd’hui en difficulté parce qu’ils n’ont pas été prévenus. Les conseils, moi, je les ai eus et j’espère les avoir mis à profit.

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Les commentaires (1)
Joubert Il y a 3 mois Le 19/01/2024 à 13:16

Qui va laver l'honneur des français d'être systematiquement floués par l'arbitrage?