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Top 14 - Technique. Travail préparatoire, vitesse du geste et posture : Xavier Garbajosa décrypte la passe au pied de Camille Lopez

Par la rédaction
  • Camille Lopez a encore une fois fait mouche face à l'UBB avec une passe au pied pour Baget.
    Camille Lopez a encore une fois fait mouche face à l'UBB avec une passe au pied pour Baget. Icon Sport
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Présent dans les tribunes de Chaban-Delmas ce samedi, Xavier Garbajosa en a profité pour poser un œil attentif sur l’ouvreur bayonnais et sa routine de passe au pied, son arme fatale depuis dix ans sur les pelouses du Top 14.

"J’ai eu la chance d’assister au stade Chaban-Delmas à la rencontre entre Bordeaux-Bègles et Bayonne, ce samedi. Un match haletant, dont on aurait presque pu deviner le dénouement dès la première action : l’UBB est en pleine confiance, elle impose une première séquence de jeu longue, elle balaye le terrain… bim, bam, boum, essai !

Ils ont marqué très rapidement et presque trop rapidement, ce qui explique ensuite une forme de relâchement et un score finalement plus serré que ce que l’entame laissait croire. C’est un scénario assez classique, il servira de bonne piqûre de rappel aux Bordelais.

Et au milieu, il y a Lopez et ses passes au pied...

Je voudrais toutefois m’attarder sur les Bayonnais. Ils ont pris un point, ils auraient pu espérer un peu mieux... Pourtant, sur le papier, rien de simple : en ce moment, jouer à Bordeaux qui marche sur l’eau, qui enchaîne les passes dans un rugby dynamique qui mêle avants et trois-quarts, ce n’est pas cadeau ! Mais je suis assez fasciné par l’état d’esprit de cette équipe basque.

Bayonne, c’est au-delà d’un club. C’est un territoire, un mode de vie. Ils cultivent cette idée de force dure, de "bourrougnes" un peu obtuses mais qui ne lâchent jamais rien. On retrouve tout cela dans l’Aviron bayonnais, depuis plusieurs saisons.

Ces attitudes donnent des certitudes et des ambitions, traduites par la composition d’équipe alignée au coup d’envoi par Greg Patat, avec peu de changements par rapport à l’équipe qui a battu le Racing 92 la semaine précédente. Et au milieu, il y a Camille Lopez…

Lui, il m’impressionne. Dans la conduite du jeu, il a une seconde d’avance sur tout le monde. L’âge n’a pas d’emprise sur cela et c’est un avantage immense pour son équipe. Et puis, il a cette arme fatale, les passes au pied pour son ailier. Ces deux dernières semaines, il a touché deux fois Rémy Baget, pour deux essais à la clé. Quand il y a répétition d’une occurrence, il n’y a pas de hasard. C’est le fruit d’un gros travail.

Le travail préparatoire : un gros effort autour des rucks

Ces passes au pied n’ont lieu que si l’espace est libre, sur l’aile, ce qui impose de l’avoir préalablement libéré. Sinon, ce serait duel un simple duel aérien à 1 contre 1 et alors, autant taper une grande chandelle pour laisser le temps à maximum de joueur de se rendre au point de chute.

Là, nous sommes à l’exact opposé. Ces passes sont la conséquence d’un gros travail préparatoire : les avants ramassent le ballon à plusieurs reprises et travaillent autour des rucks. Ils insistent dans l’axe, font le temps de jeu supplémentaire et, surtout, ils travaillent à huit. Dans une répartition « classique » des avants sur le terrain, on trouve des troisième ligne ou le talonneur dans les couloirs des 5m, à l’extérieur. Là, les avants bayonnais viennent travailler dans l’axe, ce qui leur donne de la puissance et oblige les défenseurs adverses à en faire de même, pour libérer les couloirs.

Camille Lopez et les Bayonnais ont ramené un point de leur déplacement sur le terrain de l'UBB.
Camille Lopez et les Bayonnais ont ramené un point de leur déplacement sur le terrain de l'UBB. Icon Sport

En insistant de la sorte, en usant de passes-contacts, les avants basques génèrent de l’avancée, ce qui oblige encore les défenseurs à converger, pour colmater les brèches autour des rucks. Tout le monde se rapproche, les épaules et les regards se tournent vers l’action dynamique, plein axe, là où la défense se fait pénétrer. Les centres se serrent vers leur ouvreur, l’ailier se rapproche de ses centres, et voilà comment l’espace se libère petit à petit sur l’aile, dans le couloir. Une fois ce travail effectué, Lopez n’a plus qu’une chose à faire : sa passe au pied devient la conséquence du travail effectué en amont.

Le geste : une frappe sèche, tendue mais surtout anticipée

Comme je le disais, c’est un garçon qui prend un temps d’avance sur les autres. Ces jeux au pied, on voit qu’il les anticipe. Pendant que ses avants travaillent, il observe et prend du recul. Il surveille l’aile et dès qu’elle se libère, il sait exactement où il va taper. Son cerveau l’enregistre et conditionne son corps : ses épaules prennent la bonne orientation, ses appuis se mettent en place. C’est hyper-préparé, sa capacité pour anticiper et voir les espaces fait une énorme différence. Quand Lopez reçoit le ballon, il n’y a "plus qu’à". Encore faut-il bien le réaliser.

Pour être efficaces, ces passes au pied doivent être claquées et tendues. C’est presque une passe « classique » de 40 mètres, en fait, mais effectuée avec le pied afin que le ballon ne perde pas de vitesse pendant son vol, qu’il ne monte pas, qu’il ne flotte pas et qu’il ne laisse pas le temps au défenseur de venir combler son retard.
Dans cet exercice, Lopez est très fort. Sa passe au pied semble sortir d’un élastique tendu, c’est un coup de fusil. Son geste est rapide, le coup part vite. Il lâche son ballon verticalement et le tape fortement sur la pointe, d’une frappe sèche. Son pied ne monte pas, il ne traverse pas le ballon puisqu’il ne veut pas lui donner de hauteur. C’est précis et très efficace.

Le réceptionneur : Baget, cible de qualité

Lors des deux dernières rencontres, ses passes au pied ont trouvé Rémy Baget. Pour deux essais. Ce n’est pas anodin. Déjà, le fait d’avoir resserré ses avants permet à Bayonne de démarquer un joueur rapide sur l’aile. Quand il reçoit le ballon, l’essai est loin d’être fait mais il va pouvoir jouer son un contre un. Et Baget le fait superbement ! Contre le Racing il y a dix jours, il touche le ballon intérieur du pied pour le laisser sur le terrain, il accélère, déborde son vis-à-vis à la course avant de battre un dernier défenseur pour terminer le boulot. C’est superbement exécuté.

À Bordeaux ce week-end, il récidive malgré un contrôle plus acrobatique du ballon. C’est un vrai travail d’ailier, venant d’un joueur que j’aime bien. Baget, c’est un joueur « club » au sens positif du terme. Il se propose partout, il colle au cul de Rouet ou Machenaud pour demander des ballons autour des rucks ou à l’intérieur de Lopez. Il plaque, gratte et se bat sur tous les ballons. Il a cette grinta qui fait que tu as envie de le suivre. Baget, finalement, ressemble bien à ce club, à son identité et son terroir."

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Les commentaires (1)
Chabalou Il y a 3 mois Le 09/01/2024 à 19:39

Merci Garba de cette très belle analyse détaillée et intéressante