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Top 14 - Rémi Talès sur sa vie de coach : "Laurent Travers et Laurent Labit m’ont dit de saisir l’opportunité"

Par Vincent Bissonnet
  • Rémi Talès a rejoint le staff de La Rochelle cet été.
    Rémi Talès a rejoint le staff de La Rochelle cet été. Icon Sport
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Revenu cet été à La Rochelle après une première expérience concluante sur le banc de Mont-de-Marsan, Rémi Talès nous parle de sa construction comme coach, de sa philosophie, de ses ambitions ou encore de son rapport à Ronan O’Gara.

À quel moment vous êtes-vous dit : "Maintenant, je veux entraîner" ?

Je dois avouer que devenir entraîneur professionnel n’était pas un objectif que j’avais en tête quand j’étais joueur. J’avais passé les DE car j’adorais bosser avec les jeunes, que j’avais cette envie de les faire progresser. Ce rôle de transmission m’intéressait beaucoup. Je me prédestinais plutôt à ça. Puis il y a eu le Covid, ma fin de carrière à "Mont-de" et le président m’a proposé le poste de coach. J’avais une semaine pour réfléchir. C’était une opportunité. Je n’étais pas prêt. Mais est-ce que l’opportunité se serait représentée un jour ? J’en avais longuement parlé avec "Toto" et "Lolo" (Laurent Travers et Laurent Labit, N.D.L.R.) et ils m’avaient dit qu’il fallait saisir les occasions car il n’y en aurait peut-être pas deux. Je me suis lancé là-dedans.

Et du coup ?

Avec Julien Tastet, on est parti à l’aveugle, sans expérience de l’entraînement au niveau professionnel. La première année a été très compliquée : il y avait le Covid, des moyens financiers qui avaient chuté, très peu de joueurs pros… Et il y avait tout un projet à repenser. On s’est forgé à travers tout ça, en sauvant le club. Puis il y a eu deux années où l’on a terminé premiers et troisièmes du championnat. Ça m’a fait découvrir le bon côté de ce métier. J’ai accroché. Même si je ne suis pas manager, j’aime le relationnel humain.

Comment avez-vous procédé ? C’était comme si vous vous retrouviez face à une page blanche…

J’avais l’avantage de bien connaître Julien Tastet mais pour le reste, le contexte était très particulier. Au début du Covid, on s’entraînait comme tout joueur et, au milieu de la pandémie, on s’est d’un seul coup retrouvé entraîneur. Il n’y avait pas le droit de se déplacer à ce moment-là. On signait les autorisations et on se retrouvait pour tenter de bâtir notre projet. La feuille était blanche, on a amené ce qu’on avait vécu. Moi, il y avait la défense de Ronan, les enseignements que j’avais tirés de mes autres coachs, Serge (Milhas) et Darri (David Darricarrère), Toto et Lolo. J’ai mélangé tout ça, lui aussi. Petit à petit, on a mis tout ça en place. Au début, on s’est trompé, moi le premier, car nous avions voulu aller trop vite. Je pensais que ce serait plus facile. J’arrivais du Racing, j’avais connu l’équipe de France… Pour repartir de zéro, il fallait commencer par les bases, c’est ce que j’ai retenu. À partir des fondations, on a pu faire évoluer les choses.

Ce devait être aussi stimulant que stressant…

En partant d’une feuille blanche, il était surtout possible de tenter des choses. On s’est trompé, on a réussi. On peut remercier les joueurs car ils ont été indulgents quand nous avons commis des erreurs et ils ont toujours été derrière nous. C’était top. Après, Prosper, Mareuil et Millet sont arrivés. C’était un socle de Montois qui avaient la même vision du rugby et le même langage.

Votre éducation landaise a-t-elle survécu à toutes ces années de professionnalisme ?

Oui, elle me porte encore. C’est ce que j’avais véhiculé à Mont-de-Marsan et c’est ce que j’espère apporter à La Rochelle. Ce n’est rien d’autre que le respect du jeu. Ce qui veut dire que si tu as un trois contre deux dans les 5 mètres, joue-le. Mais déjà, ici, le jeu n’était pas fermé. Il reposait beaucoup sur l’intelligence et l’initiative.

Quid de la dépossession ?

C’est bien s’il pleut et que les conditions le demandent. Et ça marche. À Mont-de-Marsan, par moments, on ne faisait que ça. Mais si tu veux évoluer et prendre du plaisir, il faut trouver le juste milieu. C’est ce qui est le plus dur. Car il ne faut pas tenir le ballon pour le tenir. Il faut voir ce que tu en fais : si c’est une passe, un ruck, une passe, un ruck… Le but, c’est arriver à développer son jeu dans l’avancée. Le rugby est d’ailleurs en train de "rechanger" : les Blacks et les Irlandais gardent très bien le ballon et performent. Mais il n’y a pas de vérité si l’on regarde ce qui s’est pratiqué lors de la Coupe du monde.

Qu’est-ce qui vous a plu, d’ailleurs, lors de la compétition ?

Les Blacks, encore et toujours. On peut dire ce qu’on veut, ils ont cette capacité unique à jouer juste, à faire la passe quand il faut… Les Irlandais, aussi, sont très bons dans la possession : ils arrivent à répéter leur rugby pendant vingt temps de jeu. Mais la différence, entre les deux, est que l’Irlande n’a qu’un plan A. Ils en sont sûrs, après. Les Blacks, eux, sont davantage dans l’adaptation. Ils ont encore prouvé qu’ils maîtrisent la science du rugby à la perfection.

En quoi ce qui se fait ailleurs vous inspire-t-il ?

J’ai mes idées mais je suis très curieux. Y compris de ce qui touche aux autres sports. Avec les réseaux sociaux, on peut voir tout ce qui se fait ailleurs et envisager de le transposer. Ça permet de casser des routines, d’éveiller les cerveaux en changeant les habitudes des joueurs. À "Mont-de", j’avais testé pas mal de choses : jongler puis faire des passes, proposer des activités différentes sans ballon… Pour les gars, ça peut paraître aberrant mais je sais pourquoi je le fais. Je veux les mettre en éveil. Une des clés est de pouvoir basculer d’une action sur l’autre, sans avoir le temps de douter : parfois, tu rates ta passe et tu t’arrêtes alors que, ce qu’il faut, c’est arriver à enchaîner quoi qu’il se passe. Avec le foot, le basket, le hand, il y a des choses à prendre.

Quelles sont les personnes qui vous ont inspiré en tant que technicien ?

J’ai eu la chance d’avoir deux binômes pendant ma carrière : Serge et Darri pendant sept ans, Toto et Lolo pendant cinq ans. Ils m’ont forcément forgé, notamment en ce qui concerne le jeu de trois-quarts. Disons que j’ai pris du Labit et du Darricarrère. Ils m’ont inspiré et, aujourd’hui encore, je suis très proche d’eux et quand j’ai une question, je me tourne vers eux.

Comment s’était noué le contact avec La Rochelle ?

J’ai été approché par Robert (Mohr). À l’origine, c’était pour la saison d’après. Et ça s’est accéléré… Quand ils m’ont appelé, la question ne se posait même pas. J’adore la ville, le club, je connaissais les membres du staff pour les avoir eus au Racing ou ici… J’avais commencé à en parler avec mes enfants avant la demi-finale de Coupe d’Europe. Quand on est arrivé au Matmut, avec un stade en feu et 40 000 personnes, même les petits m’ont dit : "On comprend pourquoi tu veux y aller." C’était une évidence.

Vous devez composer avec un nouveau mode de fonctionnement, étant donné que Sébastien Boboul intervient aussi au niveau des lignes arrière…

On se partage le travail en deux, voire plus, comme il y a "ROG". Je chapeaute tout ce qui est trois-quarts, vidéo et séparé ; Seb, c’est la partie attaque collective et le lien avants-trois-quarts. C’est lui, avec Ronan, qui détermine les circuits d’attaque. Je suis en complément et je fais travailler les gars sur les courses et les attitudes pour que le jeu soit huilé.

Le contexte, les attentes, aussi, sont différents. Qu’est-ce que cela change ?

Ce n’est pas le même public, pas les mêmes attentes, pas les mêmes objectifs… À "Mont-de", on avait très peu de pression de la part du public et des instances. Ici, il y a tout un peuple qui espère et la barre a été placée tellement haute depuis quatre, cinq ans. Au quotidien, aussi, il n’y a que des internationaux face à toi. Forcément, il faut que je sois encore plus précis. Je ne peux rien me permettre de laisser au hasard. Mais c’est plus une stimulation que de la pression. À l’arrivée, ça reste le même travail.

En termes de jeu, les lignes arrière rochelaises ne donnent pas l’impression d’avoir donné leur plénitude…

Je le pense aussi au vu de la qualité des joueurs qu’il y a. Sur le papier, c’est dur de faire beaucoup mieux. Le fait que l’on ait un pack aussi dominateur fait que les ballons passent un peu plus par les avants. C’est justement ce que le staff veut faire évoluer : si tu veux perdurer, il faut se renouveler. Quand je vois les qualités que l’on a, il est crucial d’arriver à davantage servir nos ailiers. On a envie que les gars se lâchent et qu’ils appellent plus le ballon, qu’ils passent un peu plus devant les "gros". C’est ce qui permettra d’arriver à un jeu un peu plus total. Pour l’heure, on n’a pas pris énormément de plaisir ni développé de jeu complet mais on fait tout pour y parvenir.

Quel regard portez-vous sur la première année d’Antoine Hastoy sous les couleurs maritimes ?

À son arrivée, il avait une grosse pression sur les épaules, notamment par rapport au but. De l’extérieur, je dirais qu’il s’est installé petit à petit et qu’il a pris de l’ampleur au fil des mois. Il était un peu timide au début, se reposant sur "T" (Kerr-Barlow, N.D.L.R.). Puis il a pris confiance, est devenu légitime et il a pris la place qui était la sienne. Notamment sur les phases finales de Coupe d’Europe où il a enchaîné les grosses performances et a été décisif.

En Bleu, on l’a senti plus en dedans, notamment en amical, face au Fidji…

Son match avait été correct. Après, oui, il était resté dans le cadre. Il savait qu’il jouait gros. Il avait peu de vécu en Bleu. C’est un joueur qui a besoin de temps pour se lâcher. Maintenant qu’il est plus installé, il va pouvoir se libérer. Il faut déjà qu’il confirme en club cette saison, qu’il soit encore déterminant et il pourra espérer grimper dans la hiérarchie.

Vous aviez côtoyé Ronan O’Gara au Racing (de 2015 à 2017). Avez-vous retrouvé le même homme à Deflandre ?

Même si c’est le chef ici, je l’ai retrouvé comme je le connaissais. Dans ses discours, qu’il parle de défense ou d’autre chose, il est resté le même. Il arrive à t’embarquer, à trouver les mots justes, quelle que soit la situation. Ronan, c’est avant tout une exigence, un esprit de compétiteur. Il t’amène avec lui. Parfois, on peut avoir tendance, en tant que Français, à se laisser aller après une grosse prestation ; lui, il est tout le temps là à te dire : "Il faut gagner, gagner, gagner…" C’est ce qu’il a inculqué au club. Depuis qu’il est là, La Rochelle a gagné deux titres…

Comment était-ce, à l’époque du Racing, d’être entraîné par lui ?

Il avait amené son système défensif de "rush". Au début, je me rappelle qu’avec "Dudule" (Brice Dulin), on lui avait dit : "Mais on ne peut pas tout le temps rusher, Ronan." Il nous avait répondu : "F***…, écoutez-moi, faites-moi confiance." Et au bout de trois mois, tout le monde voyait comme lui. Il avait réussi à nous convaincre, à nous faire adhérer.

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Les commentaires (1)
LoupVert Il y a 3 mois Le 29/12/2023 à 10:12

"Ce qui veut dire que si tu as un trois contre deux dans les 5 mètres, joue-le...". Beaucoup de joueurs devraient intégrer ta pensée Rémi et plus particulièrement un certain centre qui nous a montré tout son savoir-faire en la matière à l'occasion d'un certaine quart de finale, suivez mon regard...