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200 ans de légende (52/52) - France - Galles 2017 : le match qui n’en finissait plus

  • En 2017, le XV de France s'était imposé face au pays de Galles après 100 minutes de jeu.
    En 2017, le XV de France s'était imposé face au pays de Galles après 100 minutes de jeu. Anthony Dibon / Icon Sport - Anthony Dibon / Icon Sport
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En 2017, le match France-Galles dura cent minutes car l’arbitre anglais se refusa obstinément à siffler un essai de pénalité en faveur des Bleus. Vingt minutes uniques, très tendues et très confuses qui méritent autre chose qu’un jugement à l’emporte-pièce.

Ce fut la conclusion la plus confuse de l’histoire du Tournoi des quatre, cinq ou six nations. Ce match France-Galles de 2017 a duré… cent minutes. Le temps pour l’arbitre anglais Wayne Barnes de faire rejouer douze fois la même mêlée, ou plutôt de siffler douze pénalités que les Français ont chaque fois décidé de transformer en mêlée. On a touché du doigt, cet après-midi-là, les limites de l’absurde auquel peuvent conduire le règlement du rugby et son application. Dans aucun autre sport, il n’est à ce point subjectif, par sa nature même qui lui fait mêler les corps dans un magma inextricable et par conséquent, la latitude qu’il laisse à l’appréciation de l’arbitre. Le pauvre M. Barnes s’est retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Le pays de Galles menait 18 à 13 quand les Bleus parvinrent à camper sur la ligne adverse, à la 79e. Tenter cette ultime pénalité n’aurait fait que réduire le score, aller en pénaltouche aurait mis fin à la partie (selon les règles de l’époque). La France commandée par Guilhem Guirado n’avait qu’un espoir : marquer l’essai en profitant de sa supériorité en mêlée pour pousser le pack gallois à la faute.

C’est ici qu’on entre dans la zone grise de l’arbitrage. L’usage veut qu’après plusieurs fautes grossières d’une mêlée emportée à cinq mètres de sa ligne, un essai de pénalité soit accordé. Mais aucune règle ne prévoit le nombre de fautes nécessaire à une telle sanction. Et M. Barnes, malgré une pression de dingue, s’est ce jour-là refusé pendant vingt minutes à lever le bras pour filer entre les poteaux. Douze fois, il a estimé en son âme et conscience que la domination française n’était pas assez évidente pour valoir une récompense à cinq ou sept points. La scène fut éprouvante, elle souligna la solitude d’un homme qui s’enferrait dans ses certitudes et qui refusait de céder à la facilité, à la lâcheté devait-il se dire par fierté, alors qu’il sentait le souffle de 80 000 personnes dans sa nuque. Ces vingt minutes de temps additionnels furent un univers en soi, car il s’y déroula au moins deux événements connexes.

La mêlée, la part iconique du jeu

Tout d’abord, l’ailier gallois George North alerta M. Barnes qu’on lui avait mordu l’avant-bras. Il fallut donc recourir à la vidéo, histoire d’épaissir la purée de pois. Sans succès. Ensuite, les Français changèrent de pilier droit. Ils firent sortir Uini Atonio (sur commotion) pour faire entrer Rabah Slimani, hyper spécialiste de la mêlée fermée. Les Gallois hurlèrent à l’embrouille. Est-ce que cette possible filouterie a poussé M. Barnes à rester si inflexible à l’endroit des Français ? Beau débat de café du commerce… On allait l’oublier, il infligea aussi un carton jaune au pilier Sanson Lee avec le remplacement qui en découle. Qui aurait aimé gérer ça dans une telle fournaise ?

Douze fois, les Français ont remis leur ouvrage sur le métier, sacralisant par là même la mêlée comme part iconique du jeu. On dit que les modernistes veulent la faire disparaître, les Tricolores lui ont rendu un bel hommage en misant tous leurs jetons sur elle, jusqu’à créer ce terrible bras de fer à trois, les Bleus, les Rouges et l’homme en blanc, pourtant vieux routier de l’arbitrage. Nous l’avions rencontré deux ans plus tard dans les coursives de Twickenham. Avec une correction exemplaire, il nous avait livré ses sentiments : "Je savais que je ferais les gros titres. Mais en 2017, j’avais dix ans d’expérience et je savais vivre avec ça. J’ai dit aux Français que je devais être certain que l’essai soit marqué. Je suis heureux de ne pas avoir accordé un essai sous la pression, contre mon jugement. J’étais préparé à vivre ça mais je le reconnais, je ne pensais pas que je vivrais toutes ces choses en un seul match." Mais la conclusion de la conclusion tourna en faveur des Bleus, le troisième ligne Damien Chouly finit par marquer, un vrai essai, après trois pick and go derrière la douzième mêlée, propulsé par Louis Picamoles et François Trinh-Duc. Dans les minutes suivantes, le deuxième ligne Yoann Maestri se lâcha sur M. Barnes et reçut une grosse amende pour ça.

Pourquoi finalement dramatiser ou ridiculiser cet épilogue sulfureux ? Les techniciens rappelèrent après le match qu’au niveau international, les arbitres répugnaient à transformer directement les mêlées en essai. À l’inverse de son deuxième ligne, Yannick Bru, adjoint du sélectionneur Guy Novès, renvoya la balle avec élégance à Wayne Barnes : "On voit qu’on parle d’un grand arbitre, il ne voulait pas décider d’un match sur une mêlée. Sur cette fin de match, je lui ai vu un professionnalisme et une rigueur immense. Il était serein, cohérent. Tout ce qu’il y avait autour des mêlées, il l’a très bien géré malgré l’ambiance tendue." De cette fin si tendue nous est restée paradoxalement cette sensation de classe.

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Les commentaires (1)
Celte29 Il y a 4 mois Le 24/12/2023 à 15:34

Il y a toujours eut des problèmes d'arbitrages.
Le rugby est soit disant un sport qui véhicule des valeurs .
Je ne sais pas lesquelles, s'est de pire en pire .