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200 ans d'histoire (11/52) : 1907, la RFU achète un champ de choux

  • 200 ans de rugby par Jérôme Prévot.
    200 ans de rugby par Jérôme Prévot. Midi Olympique.
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C’est peut-être le plus bel investissement de l’histoire du rugby. En 1907, la RFU achète un terrain dans la périphérie de Londres. Il deviendra la plus belle poule aux œufs d’or du rugby mondial.

Au début, c’était un champ où l’on plantait des choux. En 1907, la Fédération anglaise (RFU) fit l’acquisition de ce terrain de dix acres et quart, soit un peu plus de quatre hectares. Un dénommé William Williams, membre du comité directeur, avait choisi Twickenham, une banlieue maraîchère du sud-ouest de Londres, assez loin quand même de ce qu’on peut appeler le centre de la capitale. Tous les membres du comité directeur n’étaient pas d’accord pour cet exil quasi campagnard, jusqu’à ce que William Cail, le trésorier et cheville ouvrière du projet, marque un point décisif. Il persuada une compagnie de chemin de fer, la South Western Railway, de bâtir une gare à Twickenham. Soit une halte très pratique pour les spectateurs potentiels. Avec cette perspective, les derniers récalcitrants levèrent le pouce. Banco pour cette acquisition, pour une bouchée de pain en plus.

20 000 pour le premier test

La RFU pouvait enfin construire son propre stade. Elle ne fut est pas la seule à avoir eu cette ambition mais disons qu’elle est celle qui a maîtrisé le processus avec le plus de maestria et le plus d’efficacité. Cent quinze ans après, le stade de Twickenham est toujours décrit comme l’atout majeur du rugby anglais, son porte-avions amiral, sa "machine à fric" si l’on veut rester dans un registre mercantile. Le RFU fit d’abord édifier deux tribunes en bois avec toits inclinés, un "virage debout" derrière les poteaux d’un côté et une sorte de colline de l’autre.

En octobre 1909, la nouvelle enceinte accueillit son premier match, un derby de l’Ouest londonien entre les Harlequins et Richmond devant 2 000 spectateurs. Puis le 15 janvier 1910, le XV de la Rose joua sa première rencontre internationale face au pays de Galles dans le Tournoi. Environ 20 000 personnes se serraient comme des sardines dans les gradins. La mentalité des dirigeants de l’époque n’était pas si différente de celle d’aujourd’hui. Il fallait engranger un maximum de recette à chaque match, avec la différence qu’à l’époque, la vente des billets représentait la seule source de revenus. L’argent des télévisions n’est arrivé que bien plus tard, les divers droits commerciaux aussi. Mais en contrepartie, les dirigeants du début du siècle pouvaient remplir leurs stades comme des œufs, sans se soucier des consignes de sécurité. La tournée des All Blacks de 1905 leur avait mis la puce à l’oreille. Jusque-là, ils louaient pour chaque test divers stades déjà construits à Crystal Palace, Richmond ou à Blackheath par exemple. Il fallait s’entendre avec les clubs et les revenus n’étaient pas fabuleux. L’inauguration de Twickenham changea évidemment la donne.

Zéro loyer à régler

Au fil des années, le site se transforma en corne d’abondance et la RFU veilla à transformer le stade champêtre en cathédrale alors que tout autour, les champs laissaient la place à des lotissements. En 1921, une tribune fut édifiée au-dessus du virage nord ; en 1927, la tribune Est fut repensée, pour accueillir à elle seule 12 000 spectateurs, tandis que le virage sud voyait sa capacité portée à 20 000 personnes. En 1932, nouveaux travaux sur la tribune ouest afin d’y intégrer les bureaux de la Fédération, événement décisif car Twickenham devint vraiment le cœur du rugby anglais. On ne détaillera pas ici tous les aménagements qu’a connus le stade jusqu’à devenir au vingt-et-unième siècle un vrai monstre commercial. Il y a perdu quelques éléments de charme au passage mais a récupéré des atouts auxquels les caciques de 1907 n’auraient jamais pensé : des loges, un hôtel et une salle de sports ouverte au public. Sans compter les machines à bière, alors qu’auparavant, on buvait dans les pubs alentours. Ainsi, chaque geste effectué dans l’enceinte enrichit directement le RFU, délivrée de tout loyer.

La puissance du vaisseau a éclaté à la face du monde lors du Mondial 2015 avec, pour unité de mesure, ce chiffre d’affaires de 120 millions d’euros par saison, une façon pour la RFU d’avoir une emprise sur ses clubs d’élite. À se demander si le trésorier William Cail, si clairvoyant, n’a pas été l’homme le plus important de l’histoire du rugby anglais. L’année de l’inauguration, il fut récompensé par la fonction d’entraîneur des Lions britanniques en tournée en Nouvelle-Zélande.

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