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Reportage - Rencontre avec Jean-Baptiste Dubié, expatrié en Australie pour l'amour du slip

Par Pablo Ordas
  • Jean-Baptiste Dubié a retrouvé ses amis de Budgy Smuggler. Jean-Baptiste Dubié a retrouvé ses amis de Budgy Smuggler.
    Jean-Baptiste Dubié a retrouvé ses amis de Budgy Smuggler. JBD
Publié le Mis à jour
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Après neuf saisons passées à défendre les couleurs de l’Union Bordeaux-Bègles, Jean-Baptiste Dubié (34 ans) s’est envolé vers l’Australie début novembre, où il s’est installé avec sa femme Alexia, pour un an. Il raconte…

Il était un peu plus de 16 heures, le 1er novembre dernier, lorsque la gare de Bordeaux s’est figée pour un moment magique. Assis autour d’un café, les yeux rougis par l’émotion, Jean-Baptiste et Alexia Dubié étaient en train de partager un dernier moment avec leurs parents, avant le départ pour l’aventure d’une vie, en Australie, quand soudain, un joyeux vacarme est venu ajouter une touche de gaieté aux adieux.

Tout juste sortis de l’entraînement, Nans Ducuing et la grosse caisse des supporters, Louis Bielle-Biarrey déguisé en Léo (la mascotte de l’UBB), Lucu, Lamothe, Vili et d’autres joueurs de l’UBB, avaient réussi à débarquer à temps dans le hall de la gare, pour saluer leur désormais ex-coéquipier.

Les coéquipiers de l’Union Bordeaux-Bègles de Jean-Baptiste Dubié avaient tenu à marquer son départ de la gare de Bordeaux d’une façon un peu particulière. Rendant les au revoir avec la famille un peu plus joyeux que prévu.
Les coéquipiers de l’Union Bordeaux-Bègles de Jean-Baptiste Dubié avaient tenu à marquer son départ de la gare de Bordeaux d’une façon un peu particulière. Rendant les au revoir avec la famille un peu plus joyeux que prévu. Photo JBD

« Nans est parti en scooter chercher la grosse caisse et l’habit de notre mascotte, raconte Dubié. Je ne sais pas si vous imaginez le bordel, en scooter. Je m’attendais à plein de choses de sa part, mais ça… Lorsque j’ai entendu la fanfare, pendant une seconde, je me suis demandé ce qu’il se passait, puis j’ai de suite compris. Ils étaient une dizaine à chanter : « Dubié, Dubié, bon voyage en Australie ! » Les gars nous ont accompagnés jusqu’à la porte du train. C’était génial. Ça a rendu ce moment, qui était triste pour nos familles, vraiment magnifique. Tout le monde rigolait avec des larmes. »

150 $ aux courses hippiques

Deux jours et 17 000 kilomètres plus tard, c’est sur la côte Est de l’Australie, que le couple débarque, pour un accueil, là aussi, en fanfare. « Nous arrivons le vendredi et d’entrée, je suis impliqué en tant que membre du jury pour l’élection du « World Ordinary Rig », rigole le centre. Il s’agit d’une journée, organisée par Budgy Smuggler, pour mettre en avant les corps les plus ordinaires possibles. Il n’y a que des mecs qui boivent des bières et qui viennent des États-Unis, Fidji, Canada, France, Angleterre ou Australie. C’est vraiment à la rigolade. Nous avons donc attaqué de manière très intense au niveau de l’intégration. »

Une fois le week-end passé, le lundi est synonyme de retour à la réalité. Dubié et sa femme (qui fut par ailleurs basketteuse professionnelle) se retrouvent seuls dans leur appartement presque vide, à manger à même le sol. « Nos copains, qui vivent là-bas, nous avaient mis quelques trucs dans le frigo, souligne-t-il. Ils nous avaient monté un lit et nous avions une machine à laver. C’est tout. Du coup, il nous a fallu un peu de temps pour s’installer, d’autant que nous n’avions pas de voiture ou de permis. C’est à l’arrache, mais c’est cool, on n’est pas à plaindre. »

Jean-Baptiste et sa compagne Alexia devant l’opéra de Sydney.
Jean-Baptiste et sa compagne Alexia devant l’opéra de Sydney. JBD

À ce sujet, les anecdotes ne manquent pas. Quelques jours après son arrivée, le couple Dubié doit aller chercher une table et quatre chaises chez un particulier habitant à plus d’un kilomètre à pied. La transaction se fait en pleine « Melbourne Cup », une des courses hippiques les plus réputées d’Australie. « Au cours de cette journée, les gens s’habillent comme pour un mariage, décrit le Lourdais de naissance. Tout le monde est beau gosse. Avec Alexia, on était dans la rue, en train de porter notre table, qui pesait un âne mort. Les gens autour de nous regardaient. Ils étaient tous cramés, se demandaient ce qu’on était en train de faire. Au final, on a été voir la course avec nos potes dans un bar. Pendant une heure, la vie s’arrête, tout le monde va au pub et parie. Moi, je ne captais rien, j’ai lu un article où ils expliquaient quels étaient les favoris. J’ai parié sur un chiffre, en pensant que c’était le numéro de mon cheval, alors qu’en fait, il s’agissait de son ranking aux yeux des bookmakers. Mon pari n’avait ni queue ni tête, mais j’ai gagné 150 $, en misant sur un mec qui était à 60 contre 1. »

« Budgy Smuggler » connexion

En Australie, « JBD » a fait son retour dans un pays qu’il avait découvert une dizaine d’années plus tôt, alors qu’il était encore au Stade montois, tout comme il a retrouvé ses amis de Budgy Smuggler, la marque de slips de bain préférée des rugbymen, dont il était un des ambassadeurs en France avec Nans Ducuing. « Depuis qu’on fait des trucs avec eux, on a vraiment sympathisé, poursuit-il. Nous les avons aiguillés lorsqu’ils sont venus en France pour ouvrir des bureaux à Bordeaux. Notre rencontre a rendu les choses encore plus simples dans la prise de décision de venir en Australie. »

Il n'y a pas d'argent, zéro moyen. La salle de musculation, c'est un garage. Après, c'est ce que je cherchais, mais je ne m'attendais pas à si peu.

Ce sont d’ailleurs eux qui ont permis au couple d’avoir un logement à l’autre bout du monde, les quartiers de Sydney étant très prisés (entre 650 $ et 900 $ la semaine pour un T2 à Manly), et les premières visites virtuelles en FaceTime n’ayant pas vraiment convaincu les différents propriétaires, quand une quarantaine de personnes attendaient déjà au pied de la porte. « Ils y sont allés pour nous faire les visites. Sans eux, on n’aurait pas eu cet appartement, donc on leur doit beaucoup », reconnaît-il.
C’est ainsi que dès les premiers jours, le couple a commencé à travailler pour la célèbre marque de sous-vêtements. Elle, à la boutique, cinq jours sur sept. Lui, à l’entrepôt, pour faire face à la folie du Black Friday (plus de 1 000 commandes par jour), ou au téléphone pour développer le partenariat, notamment en France.

Ici, aux côtés des fondateurs de la marque Budgy Smuggler.
Ici, aux côtés des fondateurs de la marque Budgy Smuggler. JBD
 

« Ils nous impliquent aussi dans les réunions marketing ou commerciales, on apprend vachement, c’est hyper intéressant. Il faut savoir qu’ils ont créé un business rentable, leur chiffre d’affaires dépasse les 10 millions d’euros. C’est hyper solide, surtout qu’à la base, leur idée était de faire un simple slip de bain pour éradiquer les boardshorts, dans un pays où le surf est roi. Alors, ils ne sont pas encore cotés en bourse, mais ça pourrait le faire. Regardez, Birkenstock y est arrivé en faisant des claquettes orthopédiques, alors pourquoi pas des slips de bain ? », se marre le trois-quarts centre.

Dubié : « Nous étions 100 au premier entraînement »

Le rugby, dans tout ça ? Il l’a retrouvé avec les couleurs des Manly Marlins, un club situé dans la banlieue nord-est de Sydney, et qui joue en Shute Shield, un championnat qui a lieu d’avril à août, entre les douze meilleurs clubs de la ville. « Il n’y a pas d’argent, zéro moyen, glisse l’ex-Bordelais. La salle de musculation, c’est un garage. Après, c’est ce que je cherchais, mais je ne m’attendais pas à si peu. » Là-bas, Dubié est entraîné par Chris Delooze, un ancien demi de mêlée, qui a notamment joué au Munster au début des années 2000.

Pour autant, les premiers entraînements furent, pour Jean-Baptiste Dubié, habitué au circuit professionnel français depuis quinze ans, un brin dépaysant. « À la reprise, nous étions 100. Il y avait aussi les féminines. Nous nous sommes tous entraînés ensemble, à faire des skills ou du fitness. Sur le coup, je me suis demandé où j’étais. C’était le soir, après une journée de travail. Dans le lot, tu as des gars qui ont un niveau très moyen, qui sont là pour être avec les copains afin de profiter de l’ambiance, puis tu as des mecs entre 22 et 27 ans, qui ont joué en Super Rugby, mais qui ne gagnent pas un rond avec le rugby. Ils bossent à côté et pourraient largement être professionnels en France », indique-t-il.

Jean-Baptiste Dubié joue avec le club des Manly Marlins avec le secret espoir de, pourquoi pas, tenter sa chance en Super rugby avec les Waratahs.
Jean-Baptiste Dubié joue avec le club des Manly Marlins avec le secret espoir de, pourquoi pas, tenter sa chance en Super rugby avec les Waratahs. Photo JBD

En fonctionnant de la sorte, Manly s’assure une certaine identité et une image forte de club, qui présente ensuite quatre ou cinq équipes, lesquelles évoluent dans une division adaptée. « C’est aussi pour ça que je voulais vivre ça, mais à mon arrivée, je ne savais pas quoi penser d’un tel système, avoue-t-il. En fait, ça permet de retourner dans la vie normale. Les mecs bossent et s’entraînent le soir. L’autre fois, un gars est arrivé avec ses crampons qui ont au moins dix ans et sa chemise en velours à l’entraînement. Il y a un mois, je m’entraînais avec Lucu, Jalibert et Bielle-Biarrey. J’ai pris des parpaings, des fois, j’ai honte de faire un en-avant. Sur le papier, c’est beau, mais je vous assure que ce n’est pas facile. Après, c’est une transition qui me permet de boucler la boucle de mon histoire avec le rugby. » Au second jour d’entraînement, peut-être pas encore remis de ses émotions (ou pas encore totalement adapté au système AM/PM), Dubié est arrivé à l’entraînement douze heures trop tôt. Ils sont loin, les plannings carrés de l’UBB.

Python, chauve-souris et Super Rugby ?

S’il a désormais fait un trait sur sa carrière professionnelle en France, Dubié a encore quelques rêves avec le rugby, et notamment celui d’effectuer une pige en Super Rugby. Il faut dire que les Waratahs ont des connexions avec son club des Marlins et que des passerelles existent. « Les gars observent, ils ont des antennes avec notre staff et celui qui fait une bonne pré-saison peut aller signer un mois au Waratahs. Je vais m’y filer pour être prêt et, pourquoi pas, avoir la chance d’être appelé. Ce serait la folie, mais je ne veux pas me mettre la pression par rapport à ça. Je n’ai pas envie de faire tous les sacrifices comme les années précédentes. Après, cela ne veut pas dire que je vais boire des bières tous les soirs, mais j’ai envie de profiter de la vie en Australie, voyager, bouger sur les jours off », explique « Boulou ».

Sur son temps libre, le couple Dubié, en bon touriste, découvre Manly et ses alentours, a déjà pu prendre le ferry pour rejoindre le centre de Sydney en vingt minutes, où il est passé devant son célèbre « Opéra House », et s’est aussi aventuré dans le « bush » australien. « On s’était dit, en rigolant, qu’on allait peut-être voir un serpent, se souvient-il. Nos potes locaux nous avaient dit que c’était très rare, que c’était le cliché. Vous savez sur quoi nous sommes tombés ? Sur un python de 2 mètres 30, qui essayait de chasser des dindes. Bienvenue en Australie ! Deux jours plus tard, en rentrant, on voit un chat avec des ailes dans l’arbre. C’était, en fait, une chauve-souris. Un truc de fou. Elle était immense. »

Chaque matin, Dubié essaye aussi d’apprivoiser les Cacatoès qui l’observent, sur l’immense arbre en face de son balcon. Sans réussite, pour l’instant. « Je vais peut-être essayer de faire une palombière », glisse-t-il. Ses amis landais, Julien Tastet ou Rémi Tales pourront l’aider à distance. À ce sujet, il sourit : « Pendant des années, à Mont-de-Marsan, j’envoyais des «Hey Buddy», «Yeah mate» ! Tout le monde me disait : «Mais Boulou, arrête…» Aujourd’hui, je peux balancer des «Mate» et «Buddy» à tout le monde. Ça, c’est la vie ! Je suis le plus heureux et quand je vais revenir en France, dans un an, je vais être infernal. » Les « Frenchies » sont prévenus…

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Les commentaires (2)
Mistralgagant Il y a 4 mois Le 13/12/2023 à 14:13

Un mec bien dans tous les sens du terme. Un besogneux, très bon joueur, l'ubb lui a donné sa chance et il a su la saisir.

Vivelachampionscup Il y a 4 mois Le 09/12/2023 à 21:08

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