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En 1983 à Toulouse, le stade des Sept-Deniers fut inauguré dans l’ambiguïté

  • Au tout début, le Stade des Sept-Deniers ne faisait que 12 000 places. Mais le Stade toulousain avait enfin un foyer après la destruction des Ponts-Jumeaux. Mais l’installation ne fut pas vécue comme une période de bonheur par Jean Fabre (en haut à droite) car les relations entre la section rugby et l’association des « Amis du Stade » dominée par la section tennis n’étaient pas idylliques. Photos archives Midi Olympique
    Au tout début, le Stade des Sept-Deniers ne faisait que 12 000 places. Mais le Stade toulousain avait enfin un foyer après la destruction des Ponts-Jumeaux. Mais l’installation ne fut pas vécue comme une période de bonheur par Jean Fabre (en haut à droite) car les relations entre la section rugby et l’association des « Amis du Stade » dominée par la section tennis n’étaient pas idylliques. Photos archives Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Le 4 décembre 1983, un France - Roumanie inaugurait le stade des Sept-Deniers, à Toulouse. Événement en trompe-l’œil, il n’était que le rattrapage d’une première inauguration boycottée par la section rugby en plein bisbille avec les « Amis du Stade ».

À l’époque, un France-Roumanie représentait quelque chose. Le 4 décembre 1983, cette affiche tint toutes ses promesses à tel point que l’arbitre anglais M. Quittenton laissa filer les arrêts de jeu pendant plus de dix minutes. Le XV de France de Jean-Pierre Rives s’imposa 26 à 15 pour fêter l’inauguration d’un nouveau stade de 12 000 places destiné au Stade… toulousain. Le club retrouvait un vrai foyer nommé « Sept-Deniers » du nom du quartier, propriété de l’association « Les Amis du Stade ». Il remplaçait le site historique des Ponts-Jumeaux, détruit pour laisser place à la rocade, un vrai traumatisme. La destruction des Ponts-Jumeaux était dans les tuyaux depuis quinze ans, mais tout le monde pensait que cela ne se ferait jamais. Un peu têtus, les dirigeants du Stade avaient repoussé le projet municipal d’un stade à Sesquières, trop loin du centre-ville. Quand la décision des Sept-Deniers fut prise, très tardivement vers 78, tout le petit univers stadiste avait été pris de court.

Devant 1 000 personnes au Stadium

Depuis mai 1980, la section rugby était « SDF ». « C’est moi qui ait baissé le drapeau du Stade toulousain aux Ponts-Jumeaux », se souvient Christian Gajan, figure du club. S’ensuivit une période « terrible » pour le prestigieux club, les mots sont de Jean Fabre, 88 ans, président légendaire à la mémoire de marbre. Élu en 1980, ce professeur agrégé de mathématiques commença son mandat par une sacrée expérience : "Nous jouions au Stadium et le public ne venait pas, il y avait mille ou 1 500 personnes. Les recettes étaient très faibles, les finances du club étaient en péril. Nous avions même tenté de programmer les affiches le vendredi soir, un désastre".

On imagine l’ambiance mortuaire. Christian Gajan poursuit : "Oui, ce fut une période très dure. Le club aurait pu éclater, les équipes jouaient sur des terrains différents, l’équipe première au Stadium, les équipes de jeunes à la Mounède ou la Ramée. Pour faire des réunions, c’était l’enfer. Si le club est resté uni, on le doit à un homme, Jean Fabre". Nous imaginions qu’en 1983 après trois ans de pénitence, cette installation avait été un soulagement. Et bien non ! Jean Fabre se souvient au contraire d’une expérience très douloureuse. Le déménagement et l’aménagement furent une suite de chausse-trapes. car à l’époque, le Stade toulousain était rongé par des querelles intestines, il était devenu un club singulier au carrefour de courants divers et contradictoires.

Des "amis" très ambigus

Avec notre mentalité de 2023, nous pensions que l’association « Les Amis du Stade » avait toujours marché main dans la main avec le club de rugby d’élite (ils sont toujours actionnaires à 25 pour cent de la Sasp). Mais en 1983, ce n’était pas du tout le cas. Jean Fabre ne le cache pas : "Oui, il y avait des tensions. Déjà, il faut comprendre qu’en 1978, quand l’expropriation des Ponts-Jumeaux fut prononcée, les « Amis du Stade » ont négocié de leur côté avec la municipalité au sujet du site des Sept-Deniers et c’est vrai qu’il nous apparaissait comme un moindre mal car il était proche géographiquement des Ponts-Jumeaux, et devait le reproduire à l’identique. Mais le gros problème, c’est qu’en 80 rien n’était prévu pour la section rugby et ses 500 licenciés durant les travaux. Il a fallu qu’avec mon ami Max Guibert nous allions voir un peu à l’arraché Pierre Baudis et son secrétaire général M. Lafon. Je reconnais qu’ils nous ont écoutés. C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés sur les sites éclatés pendant trois ans. Un moindre mal".

Les fameux « Amis du Stade » naturellement propriétaires des nouveaux Sept-Deniers n’étaient pas vraiment des amis de la section rugby du Stade toulousain. Ca paraît fou, mais c’est l’opinion de Jean Fabre. Pourquoi ? "Il faut savoir que dans les années 1900, les amis du Stade étaient un groupe de cinq ou six membres du club qui voulaient protéger le site des Pont-Jumeaux. Ils avaient acquis le terrain et fondé une SA en 1907. Au début, il n’était question que de rugby, mais ensuite d’autres sports sont arrivés (tennis, water-polo, athlétisme, handball, montagne…, N.D.L.R.). Et avec le temps, les fondateurs étaient morts, leurs héritiers ont récupéré leurs actions et ils n’étaient plus forcément attachés au rugby. D’autres n’étaient carrément plus du tout stadistes". Pour la petite histoire, Jean Fabre aime à rappeler que la société des amis du Stade avait frôlé la disparition au début des années 70. Une loi imposait la transformation de la SA en association sous peine d’être dissoute et certains descendants d’« Amis » avaient joué la carte de cette dissolution par cupidité. Ainsi ils auraient récupéré des actions d’un terrain en plein centre-ville qu’ils auraient pu vendre très cher. Bonjour le panier de crabes. Mais Jacques Chaban-Delmas et Jean Foyer avaient fait passer in extremis un amendement pour éviter le risque de dissolution.

Une première inauguration, sans le rugby

Des oppositions politiques s’étaient greffées là-dessus. Jean Fabre ne cachait pas son engagement socialiste. Les gens des « Amis » penchaient plutôt à droite. Jean Fabre se retrouva en face d’un cénacle de notables, juristes, professeurs d’université, architectes et commerçants qui n’étaient pas des soutiens forcenés du ballon ovale. La section tennis avait pris beaucoup d’importance, elle dominait « Les Amis » et même l’omnisports. C’est elle qui avait piloté la construction du nouveau site en se servant en priorité. Elle avait même organisé une première inauguration en octobre 1982, mais elle avait tourné au fiasco diplomatique. Le tennis triomphant avait négligé le rugby au point que Albert Ferrasse, président de la FFR et la ministre des Sports Edwige Avice avaient été relégués à des rangs subalternes, leur nom ne figurait même pas sur les cartons officiels. Ils s’étaient vexés, évidemment. "Albert Ferrasse nous avait promis un match entre le XV de France et le Stade toulousain, Nous l’avons annulé, Ferrasse et la ministre ne sont même pas venus et nous avons laissé cette inauguration se faire sans la section rugby".

On plaida la maladresse, mais personne n’était dupe. Les règlements de compte politique avaient pris le dessus pour déboucher sur une cérémonie confidentielle et sans éclat. On aurait voulu déconsidérer Fabre qu’on ne s’en serait pas pris autrement. Mais Ferrasse compensa ce couac par le fameux France-Roumanie qui se joua quatorze mois plus tard. Avec une certaine élégance, le patron de la FFR avait tenu sa promesse d’amener le XV de France aux Sept-Deniers pour donner du lustre à une inauguration qui aurait de la gueule. Entre-temps, Toulouse avait joué une quinzaine de matchs sur sa nouvelle pelouse. On l’a dit, le match fut une réussite, sauf qu’une panne d’électricité vint le perturber. Mais le bras de fer avec les "Amis" n’était pas terminé. "Nos relations étaient toujours compliquées, pour agrandir une tribune, ou pour arroser la pelouse avec l’eau du canal, il fallait négocier, signer des documents, des baux et c’était la section rugby qui payait. On me faisait sentir que je n’étais qu’un utilisateur". 

Fabre avait des adversaires qui présenteraient ou soutiendraient une liste contre lui. Les spécialistes se souviennent des Bimes, Bachelot, Alet, Lacassagne, Laborie, (propriétaire un temps du journal que vous tenez entre vos mains, N.D.L.R.) et même un autre Fabre nommé Jacques. Mais la ténacité de Jean Fabre triompherait de tous les conservatismes, il demanderait à son lieutenant Max Guibert de modifier les statuts pour que le rugby obtienne une prééminence dans l’omnisports et par ricochet à l’Association des Amis, qui le deviendraient vraiment. La force de son projet construit autour d’un centre de formation, de Robert Bru et de Pierre Villepreux ferait le reste. En 1985, le Stade redevint un grand club et Jean Fabre un contre-pouvoir à la FFR d’Albert Ferrasse, ironie du sort.

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