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Top 14 - Camille Lopez (Bayonne) : "Je suis un défenseur des profils atypiques"

Par Pablo Ordas
  • Camille Lopez marche sur l'eau depuis son arrivée à Bayonne à l'été 2022.
    Camille Lopez marche sur l'eau depuis son arrivée à Bayonne à l'été 2022. Icon Sport
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Tout juste rentré de Paris, où il a assisté à la Nuit du Rugby, Camille Lopez s’est posé pour évoquer l’actualité qui l’entoure. l’ouvreur est revenu sur son épanouissement à l’Aviron, a raconté le rapport qu’il avait à son corps, s’est projeté sur son après-carrière et a parlé du poste de 10 en équipe de France.

Vous semblez être dans la forme de votre vie depuis un an et demi. Y a-t-il une raison à cela ?

La forme de ma vie, je ne sais pas. Depuis que nous sommes retournés au Pays basque, près des nôtres, ma femme et mes enfants se sentent bien, j’ai l’esprit libéré aussi. Tout s’est bien passé dans les clubs où j’étais avant, mais aujourd’hui, ça se passe super bien parce que l’équipe tourne bien. Les joueurs autour de moi me mettent dans de très bonnes conditions. C’est le résultat de la performance collective de l’Aviron.

Aviez-vous déjà connu une telle régularité et sérénité dans votre carrière ?

J’ai eu des moments où ça se passait super bien, comme en 2017 où nous sommes champions avec Clermont mais sur une aussi longue période, peut-être pas. J’arrive en fin de carrière et peut-être qu’avec cette expérience emmagasinée, je trouve plus de sérénité et de régularité. Après, je ne fais pas que des bons matchs ! À Castres, je n’ai pas été bon.

Vous n’avez plus vingt ans, mais vous jouez presque tous les matchs. Quel est votre secret ?

Je n’ai pas le meilleur des physiques, tout le monde le sait et le voit. Pour autant, je m’entraîne comme tous les autres. Il ne faut pas croire que je ne fais rien. Maintenant, je me connais, je sais ce dont j’ai besoin et ce dont je n’ai pas besoin. Je suis aussi épargné par les blessures et dans le monde professionnel, quand c’est le cas, tu as déjà fait 80 % du taf. Ça a fait ma force dans ma carrière.

Vous évoquez votre physique. Les remarques et critiques qui ont été faites là-dessus vous ont-elles vexé, plus jeune ?

Vexé, non, parce que je suis comme ça et j’en ai fait ma force. Je sortais du milieu amateur, de Mauléon. Ça a été très dur au début. Quand je suis arrivé à Bordeaux, je n’avais jamais touché une barre de musculation. Le delta a été énorme, j’ai mis du temps à l’encaisser. J’ai eu la chance d’être bien entouré. Aujourd’hui, j’en rigole, même si ça ne te fait pas plaisir quand on touche à ta personne. Désormais, ça me fait sourire et je préfère répondre par des actes, sur le terrain. Je fais ma carrière, je fais ma vie. Les autres peuvent critiquer, je ne sais pas ce qu’ils ont fait de leur vie. Ça ne m’interpelle pas plus que ça.

Était-ce dur physiquement, à cause du fossé entre le monde amateur et professionnel, ou aussi mentalement ?

Mentalement, ça n’a pas été dur parce qu’il était logique que je sois à la rue par rapport aux autres. Je n’étais pas formaté comme les gars qui sortent d’un centre de formation. Je suis un fervent défenseur de ces carrières et des profils atypiques, comme le mien. Je suis persuadé qu’il est possible, encore, de réussir au plus haut niveau en évitant ces cursus-là. J’en suis la preuve. Le rugby, ce n’est pas que de la performance physique, même si c’est primordial d’en faire un minimum. Tu as beau pousser je ne sais combien de kilos à la musculation, si tu n’es pas capable de faire une passe en courant, tu ne pourras jamais jouer au haut niveau. Aujourd’hui, je suis persuadé que certains jeunes, notamment dans le Sud-Ouest, sont capables de sortir de ces petits clubs pour passer le cap du monde professionnel.

Vincent Etcheto nous disait, à votre sujet : "Un très bon ouvreur, c’est un dix qui ne se fait pas prendre avec le ballon et c’est le cas de Camille". Avec l’âge, avez-vous fait évoluer votre jeu pour être moins exposé ?

Oui et non. Ce n’est pas un truc que je calcule. Je me fais moins prendre avec le ballon parce que j’ai plus tendance à faire jouer, mais j’ai toujours été comme ça. Chacun joue avec ses qualités, je n’ai pas celles d’un Matthieu Jalibert, qui est capable d’aller très vite, qui crée des choses tout seul. Lui aura tendance à se faire attraper plus souvent, parce qu’il le cherche aussi.

Comment avez-vous fait évoluer votre jeu, alors ?

L’évolution, c’est surtout s’adapter à ce que tu vois en face et ce que tu as autour de toi. Il faut apprendre à connaître parfaitement ses coéquipiers et faire les bons choix, au bon moment.

Dès juin 2023, Philippe Tayeb annonçait dans nos colonnes : "Camille a une année en option, mais vu ses performances, il me semble qu’elle sera levée". Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

J’ai vu des articles passer et mon beau-frère m’a écrit pour me féliciter de ma prolongation, mais je n’ai rien signé encore ! (sourire) Ces derniers temps, on n’a pas évoqué le sujet mais on l’avait un peu évoqué l’année dernière, oralement. Aujourd’hui, peut-être que je vais faire un an de plus, tout comme je peux m’arrêter. Tout dépendra de comment je me sens physiquement et mentalement. On enchaîne une série de quinze matchs, on verra comment ça se passe. Si tout va bien, pourquoi pas, mais plein de facteurs peuvent entrer en compte.

Néanmoins, vous semblez encore avoir du carburant pour faire un an de plus…

Aujourd’hui, ça se passe bien. Tant que je suis épargné par les blessures et que mon envie mentale est positive, oui, pourquoi pas.

À l’automne 2021, vous aviez fait part de votre envie de rejoindre l’Aviron. Ça n’avait pas abouti. Vous aviez alors signé un précontrat avec le BO, avant de finalement vous engager avec Bayonne, où vous êtes aujourd’hui le patron. Est-ce un peu fou, tout ça ?

Au regard de ce qui s’était passé il y a deux ans, au moment de ces échanges entre le BO et moi, puis l’Aviron, c’est un peu fou… En même temps, je suis le plus heureux.

Camille Lopez est le meneur de jeu d'un Aviron conquérant.
Camille Lopez est le meneur de jeu d'un Aviron conquérant. Icon Sport

Avez-vous été déçu, lundi, de ne pas recevoir le titre de meilleur joueur du Top 14 ?

Non ! C’était une fierté de pouvoir me retrouver à côté d’Antoine Dupont et Grégory Alldritt, deux grandes figures du rugby français, à bientôt 35 ans.

Pourtant, dans les faits, vous êtes peut-être le joueur qui a le plus pesé sur les rencontres de son équipe en Top 14…

Tout le monde me le répète. Ce prix, il aurait récompensé la saison de l’Aviron. Mais j’avais deux monstres face à moi ! On ne peut pas comparer et juger en disant que j’ai joué plus de matchs en Top 14 qu’eux. C’est forcément le cas : pour Bayonne, le Top 14 est important. "Greg" et "Toto" avaient des objectifs multiples avec leur club, ainsi que des matchs internationaux.

Êtes-vous détaché des nombreuses sollicitations qui vous entourent, depuis que vous avez rejoint Bayonne ?

Je n’ai aucun problème à discuter avec qui que ce soit de n’importe quoi. Je suis en fin de carrière, j’ai tout connu au niveau de l’exposition médiatique. Il y a eu des moments où c’était bien, d’autres très, très durs à encaisser. J’ai eu des relations avec certaines personnes, dans les médias, qui ont été très compliquées, mais une carrière se passe comme ça. Il faut tout vivre et on apprend de tous les passages.

Ça fait du bien de faire l’unanimité ?

Je ne sais pas si je la fais.

On imagine que depuis votre retour au Pays basque, vous n’avez que des bons retours, au quotidien…

J’ai la chance, lorsque je me promène, de croiser des gens qui sont très gentils et agréables. Aujourd’hui, ça se passe bien, donc c’est forcément plus facile, mais le jour où ça se passera moins bien, je serai toujours le même et si on doit me dire des choses un peu plus compliquées, je serai prêt à les entendre. Ici, le public est très dur, très exigeant. J’ai eu des discussions avec certaines personnes et je leur avais dit qu’on aurait besoin de tout le monde. L’Aviron n’est pas encore un grand club, une grande machine. J’espère qu’un jour, on le deviendra. L’année dernière, j’avais dit qu’il fallait y aller étape par étape. La première, c’est de pérenniser ce club en Top 14. On en est au début.

Votre succès à l’Aviron est lié à votre jeu au pied. Avez-vous changé des choses qui permettraient d’expliquer votre réussite, au but ?

Je n’ai pas changé ma manière de m’entraîner, je n’en fais pas plus. J’en fais même de moins en moins avec l’âge. Au début de ma carrière, des fois, sur les jours off, je venais m’entraîner. Aujourd’hui, j’ai trouvé un geste, une routine. Je les travaille quand j’en ressens le besoin. Si à la fin de l’entraînement, je n’ai pas envie de taper, ça ne sert à rien que j’y reste. Le rôle du buteur, je le connais, il y a des jours avec, des jours sans. Ma tête va bien et peut-être que ça se répercute aussi sur mes performances au pied.

Vous avez aussi remis au goût du jour le drop. Le tentez-vous de manière instinctive, ou est-ce prévu dans la stratégie ?

C’est stratégique, par rapport au temps, à la physionomie du match, mais ça reste instinctif. Certains le préparent. Moi, je n’aime pas quand il est trop préparé. Après, je ne l’ai pas remis au goût du jour. Je l’ai toujours utilisé, ça reste une arme.

Dimanche, nos confrères de L’Équipe ont annoncé qu’une place dans le staff ou la direction sportive de Bayonne vous attendait à partir de l’été 2025. Vous confirmez ?

Je ne peux pas confirmer, car il n’y a rien de tout ça aujourd’hui. De par mon expérience à Clermont et ma carrière, j’ai eu des discussions, notamment avec le président, sur divers sujets. Mais, aujourd’hui, comme je lui ai dit, je suis joueur. Le club et la stratégie me prennent énormément de temps, déjà. Les gens ne se rendent pas compte, ô combien c’est prenant.

Néanmoins, un rôle d’entraîneur pourrait-il vous plaire ?

Je suis passionné par ce sport. Après, la transmission, ce n’est pas évident. Ce n’est pas donné à tout le monde. Je ne vous cache pas que, le jour où je vais arrêter ma carrière, je passerai mes diplômes pour essayer. Mais je ne suis pas certain d’être fait pour ça.

Quid d’un rôle d’ambassadeur ou de recruteur auprès des clubs, notamment du Pays basque ?

Ce qui est sûr, c’est que j’essaierai de travailler dans le rugby. Dans quel rôle ? Je ne sais pas. Je dis que je ne suis pas sûr d’être fait pour être entraîneur, mais je veux essayer. Si je dois faire autre chose, j’ai peur que le terrain me manque, parce que j’aime ça. […] Je suis persuadé qu’il y a un boulot à faire dans le vivier basque, car on a la chance d’être une terre de rugby avec plein de joueurs autour, dans nos petits clubs, qui sont performants.

En parlant du Pays basque, vous avez pu regoûter à la culture locale, en posant vos valises ici…

Ma femme est issue d’une famille où ils parlent Basque, c’est encore plus fort que moi, car je ne le parle pas. Je pense que nous avons une forme de vie, une culture et une éducation particulières. J’espère qu’on arrivera à transmettre ça à nos enfants. Il y a le chant, la pelote, les moments festifs. Vivre ces moments-là, c’est top. J’ai eu la chance d’ouvrir les Fêtes de Bayonne, c’est quelque chose de magnifique et extraordinaire. Je m’en souviendrai toute ma vie. On va essayer de continuer dans cette culture et cette tradition.

Terminons avec les Bleus. Qu’avez-vous pensé du Mondial de l’équipe de France ?

J’ai été très déçu et affecté par l’élimination en quart. On ne peut pas dire qu’on a fait une belle Coupe du monde car le résultat est dur, mais il y a quand même du positif à en tirer. Ça reste une belle génération, les résultats des quatre dernières années sont incroyables. Il ne faut pas tout jeter. Je reste persuadé que cette équipe va continuer à faire du bruit et avoir des résultats positifs.

Quel regard portez-vous sur les performances de Matthieu Jalibert, qui a pris le relais de Romain Ntamack ?

Il y a eu beaucoup de discussions. Nous avons perdu Romain, qui était notre numéro un, mais Matthieu a très bien tenu son rôle. Il a fait une très bonne Coupe du monde. Avec Romain, ça aurait été différent, car ce sont deux profils différents. Ils ne sont pas comparables, tout simplement, mais ce n’est pas parce qu’on a perdu Romain qu’on a perdu la Coupe du monde.

Derrière le trio déjà installé, qui sera, selon vous, le prochain nouveau numéro 10 qui découvrira, tôt ou tard, l’équipe de France ?

Hugo Reus fera partie des prochains. Il fait preuve d’une maturité assez incroyable. Contre nous, en jouant trois minutes, il met une pénalité qui n’est pas donnée à tout le monde. J’ai bien aimé son entrée face à Bordeaux. La Rochelle était dans une situation compliquée et sans rien faire d’extraordinaire, il remet de l’élan à son équipe et change le cours du match. C’est la preuve qu’il fait plus qu’assumer, malgré son jeune âge. Mais Romain (Ntamack), Matthieu (Jalibert) et Antoine (Hastoy) seront là pour quelques années encore. Ce n’est pas comme s’ils étaient vieux.

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Les commentaires (3)
Chabalou Il y a 5 mois Le 24/11/2023 à 22:06

Une belle personne qui a beaucoup apporté à l'aviron
Bravo et merci

grimin777 Il y a 5 mois Le 24/11/2023 à 20:40

Camille est une belle personne et un extraordinaire joueur de rugby avec une mentalité top niveau !

Mycupj Il y a 5 mois Le 23/11/2023 à 20:23

Esprit positif, bienveillance, joueur enthousiasmant, dommage de ne pas le récompenser . . . Ainsi va le monde du rugby . . .