Abonnés

Top 14 - Brock James : "Si ça se présente, je reviendrai à Clermont"

Par Clément Labonne
  • Brock James n'exclut pas un possible retour à Clermont.
    Brock James n'exclut pas un possible retour à Clermont. - Jean Paul Thomas / Icon Sport
Publié le
Partager :

Aujourd’hui entraîneur de la province néo-zélandaise d’Hawke’s Bay, Brock James s’est longuement confié sur son approche de manager tout en revenant sur les grands moments de sa carrière. Il espère revenir à Clermont, avec la casquette d’entraîneur.

Brock, vous avez pris votre retraite de joueur en 2020. Que s’est-il passé depuis ?

J’étais au pays de Galles pendant deux ans en tant qu’entraîneur de l’attaque et des trois-quarts avec les Ospreys. Puis à cause du Covid-19, ma famille est rentrée en Nouvelle-Zélande et ils auraient dû revenir au pays de Galles. Mais les écoles étaient fermées alors qu’en Nouvelle-Zélande mes enfants avaient repris les cours et le sport. Ils étaient bien installés ici et avec ma femme on a pris la décision que je trouve du boulot là-bas pour les rejoindre. J’ai eu l’opportunité avec les Magpies d’Hawke’s Bay. Leur entraîneur en chef était parti entre-temps à la Western Force, on avait un ami en commun, Paul Tito, et juste en discutant il m’a dit qu’il y avait un poste ici donc j’ai saisi cette opportunité. J’ai basculé en tant qu’entraîneur en chef cette saison.

Comment avez-vous appréhendé le passage d’un poste spécifique vers celui d’entraîneur en chef, avec plus de contraintes ?

Il y a beaucoup plus de boulot que vous ne pouvez l’imaginer, c’était une transition assez rapide, même si quoiqu’il arrive je voulais être entraîneur. À 41 ans je me suis dit que c’était maintenant ou jamais, le groupe était ensemble depuis un moment, vingt-huit joueurs sont restés et pour moi ce n’était pas très difficile. Il fallait juste imprégner le groupe de ma façon de voir le rugby. Je ne me suis pas trop occupé des avants (rires) car on a la chance d’avoir deux entraîneurs à la mêlée et à la touche. Il y a beaucoup plus de management, et de gestion des hommes, chose qui n’existe pas tellement quand on est entraîneur de l’attaque.

Quelle est votre philosophie de jeu ?

L’ADN de notre jeu est de beaucoup jouer avec le ballon, un peu dans le désordre, créer de nulle part… Mais cette année on a pris le pari d’être plus pragmatique et de contrôler un peu plus le jeu. Ce n’est pas trop mon style mais il le fallait pour gagner (rires) ! L’idée pour l’avenir est de trouver l’équilibre entre les deux styles de jeu, tout en s’adaptant avec les profils de nos joueurs.

Votre équipe a atteint la finale du NPC (championnat des provinces néo-zélandaises). Racontez-nous cette épopée…

Dans le NPC il y a la Storm Week (littéralement, la semaine de tempête, N.D.L.R.) où chaque équipe joue trois matchs en une semaine. Nous avons débuté la saison comme cela et on a gagné nos quatre premiers matchs puis on a perdu nos trois rencontres suivantes. C’étaient un peu les montagnes russes mais on a fini avec cinq victoires à l’extérieur, notamment à Bay of Plenty où nous n’avions jamais gagné. Et nous sommes allés en finale, une première dans l’histoire de notre club. On a beaucoup progressé cette année même si on a finalement perdu de quatre points. C’est un peu compliqué de perdre si proche du but… Mais bon (il sourit). Les gens vont peut-être dire que j’ai l’habitude de perdre en finale. Mes enfants me demandaient encore combien de finales de Top 14 j’avais perdues… Bon, j’en ai plus jouées que gagnées ! Au sein du club, on se disait qu’il était peut-être mieux de perdre en demi-finale cette saison, cela fait moins mal.

Vous inspirez-vous des entraîneurs que vous avez eus en tant que joueur ?

Oui je m’inspire de plusieurs influences. Vern Cotter bien sûr, notamment sur l’aspect humain. Je m’inspire de sa façon d’emmener les joueurs avec lui, il nous montrait l’exemple à Clermont. Sur l’aspect technique, qui d’autre que Joe Schmidt ? Il est l’un des meilleurs techniciens du monde, j’ai beaucoup appris à ses côtés. Et quand j’étais aux Ospreys, Toby Booth m’a vraiment marqué. Il a passé vingt-cinq ans à entraîner en faisant la mêlée, la touche, l’attaque, la défense… Tout ! Quand j’étais là-bas il me donnait beaucoup d’autonomie, c’était un très bon mentor et j’ai vraiment progressé sur ces deux ans au pays de Galles à ses côtés.

Eddie Jones a quitté son poste de sélectionneur de l’Australie. Allez-vous candidater pour prendre en main les Wallabies ?

Non, non je ne suis pas encore prêt pour cela (rires) ! Je veux prendre mon temps ici. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, j’ai toujours eu cette volonté de revenir dans le Sud pour prendre de l’expérience après vingt ans en Europe. Je voulais vraiment apprivoiser ce rugby avant, je l’espère, de revenir en France et trouver une opportunité là-bas.

À Clermont, par exemple ?

Oui bien sûr. C’est un club très proche de mon cœur, j’ai passé dix ans là-bas et c’est le club qui m’a donné une opportunité quand j’étais jeune. Si l’opportunité se présente, je reviendrai à l’ASM. Je vois déjà que cette saison à l’air de mieux se passer que les deux dernières années, même s’il n’y a eu que six journées.

Vous suivez donc encore le club de loin…

Oui j’essaie de regarder un maximum de résumés, de voir les résultats et le classement. Malheureusement la plupart des anciens sont à la retraite ou sont partis (rires), mais je suis resté en contact avec Aurélien Rougerie. À La Rochelle, je reste proche avec les étrangers qui sont là-bas.

Vous avez quitté l’ASM en 2016 après dix ans de phase finale. Qu’est-ce qui explique votre domination sur le rugby français à cette période ?

Clermont en 2006, c’était un peu comme Hawke’s Bay aujourd’hui. On avait une équipe où personne ne nous attendait en finale, et à l’arrivée on est à trois minutes de soulever le Bouclier de Brennus. Cette saison-là, on a trouvé la faim de gagner, et de revenir chaque année même si on perdait en finale. On voulait tout le temps remonter à Paris et connaître ce parfum de finale, jusqu’en 2010 où on a enfin gagné. Après, nous sommes passés très près de remporter la Coupe d’Europe. On n’a pas encore réussi à le faire, mais j’espère qu’on y arrivera un jour !

Justement, il y a dix ans Toulon s’imposait contre vous en finale. Est-ce encore une cicatrice ?

C’est dur encore aujourd’hui. Chaque année on montait d’un cran, et en 2013 on sentait qu’on était en contrôle (il s’arrête)… Bon en fait c’est une énorme cicatrice quand j’y repense. On perd le match sur un plaquage, un turnover et un essai transformé. Même des années après on n’oublie pas.

Certains anciens Toulonnais ont affirmé que vous les aviez chambrés et que Delon Armitage avait répondu à votre chambrage avec son geste iconique. Ont-ils raison ?

Moi ? ! Non, ce n’est pas possible. Sur un terrain de rugby ça parle beaucoup mais ce n’était pas mon genre, je ne parlais même pas Français, avec la barrière de la langue c’était compliqué pour moi. Je pense juste qu’il aurait fait ce geste même si c’était un autre joueur. Même dix ans après, je n’ai jamais vraiment parlé avec lui.

Pas de réconciliation avec Armitage, donc ?

Je n’ai jamais été vraiment proche de lui. On se croisait sur le terrain mais rien de plus, y compris en dehors du terrain.

Que retenez-vous de vos passages à l’ASM, Bordeaux-Bègles et la Rochelle ?

À Clermont, les supporters ont toujours été derrière moi même dans les moments difficiles. On a partagé dix ans ensemble donc je les remercie encore aujourd’hui, ils m’ont apporté un soutien énorme. Je n’oublie pas non plus mon passage à La Rochelle. Beaucoup de journalistes nous voyaient en Pro D2 lors de la saison 2016-2017 et on a terminé premier de la phase régulière avec une qualification en Champions Cup. L’atmosphère des stades français est incomparable au monde. Je peux d’autant plus le dire maintenant que je suis en Nouvelle-Zélande. Le fait de vivre cette expérience, chaque semaine pendant dix ans, était vraiment spécial. Et je le dis aux jeunes néo-zélandais : "si vous avez l’opportunité d’aller jouer en France, allez-y".

Quelle est votre plus grande fierté ?

Il y en a deux. Le titre de 2010 après avoir perdu trois fois d’affilée. C’était un soulagement énorme, vraiment. Et cette année, on a gagné le Ranfurly Shield, l’un des trophées les plus prestigieux de Nouvelle-Zélande. Hawke’s Bay l’a remporté pendant trois ans, l’année dernière on a perdu et cette saison on a pu récupérer notre titre. Comme entraîneur, c’était vraiment un moment fort pour moi.

À l’inverse, si vous pouviez changer un moment dans votre carrière, quel serait-il ?

Le quart de finale de coupe d’Europe 2010, au Leinster. On perd d’un point et j’ai raté tellement de points au pied que je n’ai pas voulu compter (26 points). Mais heureusement, la saison ne s’est pas arrêtée là, cela aurait été très dur, et on a gagné le Top 14 ensuite. On avait une force mentale assez impressionnante, et, personnellement, j’étais obligé de traverser ce moment difficile.

Avez-vous le regret de ne pas avoir joué au niveau international, et notamment avec le XV de France ?

J’ai eu des contacts avec le staff du XV de France en 2014. Mais c’était vraiment vite fait. Puis on a fait un mauvais début de saison cette année-là, Camille Lopez venait d’arriver et commençait à prendre ma place. J’avais joué les trois premières journées, je n’avais pas été très bon et Camille a ensuite pris les rênes et a très bien joué. J’ai joué au rugby à 7 avec la sélection australienne, mais je ne regrette pas mon parcours. Je suis parti en France parce que je n’étais pas assez bon en Australie. Quand je suis parti, je savais que je n’allais pas être sélectionnable avec les Wallabies.

Les performances de Wallabies lors de la Coupe du monde n’ont pas dû vous réjouir…

C’est vraiment bizarre parce que je trouvais que l’équipe progressait avec Dave Rennie, même s’il y avait des défaites. Je pensais sincèrement qu’ils étaient bien placés pour attaquer ce Mondial, après trois ans de travail. Puis ils ont changé le sélectionneur et les joueurs… Quand j’ai su qu’Eddie Jones prenait les Wallabies, je croyais qu’il allait prendre les mêmes joueurs que Rennie, surtout qu’il avait eu des grands succès en Coupe du monde. Mais ce n’est pas arrivé…

Et le XV de France ?

Dégoûté ! Ils montaient vraiment en puissance… Je repense beaucoup à cette dernière action où Reda Wardi se fait arracher le ballon. J’ai joué avec lui et j’étais dégoûté pour lui. Je pensais vraiment que la France allait gagner ce Mondial.

Selon vous, Quelle est la plus grande évolution du poste d’ouvreur ?

L’aspect physique, comme tous les postes aujourd’hui. Tout le monde est plus grand, plus costaud. À l’époque j’étais un numéro 10 gestionnaire alors qu’aujourd’hui il faut être plus acteur et porter le ballon davantage. Romain Ntamack et Matthieu Jalibert en sont les meilleurs exemples. Ce que j’adore avec Matthieu c’est qu’il a toujours la confiance pour tenter des choses qui avant n’existaient pas.

Si vous étiez joueur en 2023, seriez-vous le même que dans les années 2000 ?

Je ne pense pas. Je ne crois pas que mon profil aurait été aussi efficace aujourd’hui… Mais j’aurais pu être bon pour trouver des 50-22 (rires) ! Si cette règle avait existé à mon époque, cela aurait été parfait pour moi !

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (2)
envoituresimone Il y a 5 mois Le 17/11/2023 à 07:25

Il aurait une belle revanche et je crois bien que ça serait une belle opportunité pour l'ASM.

elborak Il y a 5 mois Le 16/11/2023 à 22:15

Une légende ! Merci Brock !