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Finale Coupe du monde de rugby 2023 - Daan Human (entraîneur de la mêlée sud-africaine) : "C’était terrible de voir la France quitter le Mondial"

  • Daan Human avec les Springboks
    Daan Human avec les Springboks
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Alors qu’il se destinait à devenir exclusivement fermier après avoir pris sa retraite de joueur, l’emblématique pilier droit du stade toulousain (201 matchs de 2004 à 2012) s’est embarqué, un peu malgré lui, dans une carrière d’entraîneur qui va lui faire vivre une finale de coupe du monde. En exclusivité pour midi olympique, il revient sur son parcours hors du commun.

Avec moins de dix ans de pratique vous êtes encore un jeune entraîneur mais vous vous apprêtez à disputer une finale de Coupe du monde. Vous réalisez ?

Je ne suis plus très jeune ! Mais il est vrai que cela ne fait pas très longtemps que j’entraîne. J’ai arrêté de jouer en 2012, je n’ai pas entraîné les trois années qui ont suivi, et pour tout vous dire je n’étais même jamais censé devenir entraîneur ! Je suis encore et toujours un fermier… Mais je suis extrêmement heureux de me retrouver ici aujourd’hui. Nous n’avons encore rien gagné, et cela va être très dur, même si beaucoup de gens nous voient en favoris. Mais il faut encore remporter la finale, et c’est le plus dur…

Comment sentez-vous vos Springboks avant cette finale ?

Je n’ai jamais vu des joueurs aussi concentrés que cette semaine. Ce sont des circonstances très spéciales. Pour le moment, ils sont détendus mais ils réalisent petit à petit ce qui arrive et qu’ils devront être au sommet de tout ce qu’ils feront samedi soir. Je ressens un bon feeling dans le groupe, de bonnes ondes. Les gars ont compris qu’ils n’ont pas fait un bon match contre la France, et qu’on a eu de la chance. Pareil pour l’Angleterre. Avec les Néo-Zélandais, on se connaît par cœur. On les a affrontés quatre fois cette année. C’est l’équipe la plus affamée qui gagnera.

La mêlée anglaise a donné l’impression de vous dominer en première mi-temps, que s’est-il passé ?

Je ne dirais pas qu’elle nous a pas dominé. On a bien démarré la partie, sur de bonnes bases. Mais je dois reconnaître que les Anglais ont fait leur meilleur match en mêlée depuis très longtemps. Ils nous ont mis sous pression, mais on s’en est sorti en deuxième mi-temps, notamment avec nos remplaçants.

Vous parlez d’Ox Nché et Vincent Koch…

Pas seulement. On a dû cela à l’effort de tout un pack. Quand ils sont entrés, on a aussi envoyé RG Snyman, Deon Fourie, Kwagga Smith qui ont tous eu un gros impact sur la mêlée. Ils ont fait une grosse différence.

Parlez-nous du "Bomb Squad", on dirait qu’il s’agit d’un groupe dans le groupe…

C’est un peu ça, oui. Ils tirent beaucoup de fierté de cette mission qu’on leur a donné. C’est pour cela qu’on les choisit. Ils fonctionnent comme cela toute la semaine.

 

Pourquoi ne pas les titulariser s’ils semblent meilleurs que les titulaires ?

Tout le monde cherche à avoir ses meilleurs joueurs sur le terrain. Mais le rugby ne se joue plus à quinze, mais à vingt-trois. L’important, c’est de porter le maillot. Peu importe si tu débutes ou pas. Il faut dépasser cela. Je sais qu’en France, on accorde beaucoup d’importance au fait d’être titulaire. Mais il faut aller plus loin. Les joueurs qui finissent le match doivent le faire basculer, ou finir le boulot. C’est une mission de première importance pour l’équipe, pour la nation. Pour nous, ça marche. Mais ça ne marcherait peut-être pas ailleurs. La seule chose que le joueur doit sentir, c’est que le staff a confiance en lui pour faire son job : peu importe si c’est de débuter ou de finir le match.

Quel regard portez-vous sur la mêlée des All Blacks ?

Elle est très puissante, et on l’a senti à plusieurs reprises. On s’attend à ce que les All Blacks nous ciblent dans ce secteur, mais on l’accepte. Elle est très bien entraînée par Jason Ryan, qui a fait ses preuves avec les Crusaders. On a beaucoup de respect pour leur mêlée et on espère qu’ils en ont autant pour nous.

Votre victoire à Londres (35-7) va t-elle compter ?

Difficile à dire… D’un côté non, parce que beaucoup de choses ont changé depuis. Il leur manquait quelques joueurs, il n’y avait pas d’enjeu… Et puis je trouve qu’ils ont beaucoup progressé depuis ce match, notamment en conquête. Après, je pense qu’ils auront ce match dans un coin de la tête. On oublie pas si facilement une telle défaite. Ils vont s’en servir, c’est sûr. Moi, j’ai déjà dit aux joueurs qu’il fallait oublier ce match. Complètement. En revanche, on peut se souvenir de ce qu’ils nous ont fait pendant le Rugby Championship (défaite 35-20 le 15 juillet dernier, NDLR) : il y avait 20 à 3 à la mi-temps, on ne savait pas ce qui nous arrivait.

Allons-nous avoir droit à une finale fermée ?

Je le pense, oui. À ce niveau de compétition, toutes les équipes sont performantes en défense, jusqu’au bout. Prenez le quart de finale Irlande-Nouvelle-Zélande, où les All Blacks ont défendu une séquence de 37 temps de jeu à la fin du match… Cela va être très serré. Je ne vois pas plus de deux ou trois points d’écart.

Daan Human entraîne la mêlée sud-africaine
Daan Human entraîne la mêlée sud-africaine

Revenons à vous. Comment êtes-vous devenu entraîneur ?

Dans ma dernière année à Toulouse, il me restait encore un an de contrat. Je suis allé voir Guy Novès pour lui dire que je ne le ferais pas, parce que mon père avait des problèmes de santé et qu’il avait plus besoin de moi à la ferme que le Stade toulousain avait besoin de moi en tant que joueur. Les larmes lui sont montées, et on a discuté. Il a compris ma décision, d’autant que j’avais mal aux cervicales. Guy a joué un grand rôle dans ma carrière d’entraîneur. Je dirais que c’est lui qui a semé la première graine dans ma tête. Quand je suis rentré en Afrique du Sud, une équipe universitaire m’a demandé de donner un coup de main. Une fois, deux fois… Puis quelqu’un d’autre est venu, j’ai hérité de la mêlée des Cheetahs, cela s’est bien passé, puis en 2017 j’ai été nommé entraîneur du Free State, avant d’aller aux Bulls de Pretoria. Et ensuite Rassie Erasmus, avec qui j’ai joué aux Cheetahs, m’a appelé pour rejoindre le staff des Springboks. L’histoire est folle, c’est vrai, mais encore une fois je ne m’y attendais pas.

De quelle graine parlez-vous ?

C’était lors de ma dernière année à Toulouse, Yannick Bru était mobilisé avec l’équipe de France et nous n’avions personne à Toulouse pour entraîner les avants. Guy m’a demandé de m’occuper de la mêlée et Jean (Bouilhou) de prendre la touche. On a fonctionné comme ça pendant un mois, en novembre. Je me suis régalé et je crois que nous avons gagné deux de nos trois matchs. Guy m’a dit après ça que je ferais un bon entraîneur, ça m’a touché. La suite, vous la connaissez…

Comment faites-vous en ce moment pour mener de front l’exploitation de la ferme et les Springboks ?

Ce n’est pas facile ! Mais mon père et mon frère s’en occupent. La personne que j’avais recrutée pour le faire a quitté notre ferme en pleine Coupe du monde pour prendre un autre poste, donc ce fut un peu difficile pendant quelques jours. Mais tout va bien maintenant…

Vivez-vous votre meilleure expérience d’entraîneur ?

Oui car j’ai la chance de travailler avec des gens qui sont devenus mes amis. Je connaissais Rassie et Jacques (Nienaber) depuis très longtemps. Jacques était mon kiné quand je jouais au Free State et j’avais joué aux Cheetahs avec Rassie. Et avec les autres membres du staff comme Felix Jones, Andy Edwards et Deon Davids, on est devenus très proches. Vous savez comment ça marche : dès samedi soir, un page se tournera. Ce groupe n’existera plus. Il changera. Certains vont prendre leur retraite, comme ce grand joueur qu’est Duane Vermeulen. Ce groupe fonctionne comme une famille. Et même s’il y a des problèmes en dehors du rugby, on se serre les coudes. Rappelez-vous : Eben (Etzebeth) a perdu son père une semaine avant le match contre les All Blacks à Londres. Tout le groupe était en deuil, parce que tout le monde le connaissait : il était là avec sa mère pour la centième cape d’Eben, et on savait qu’il était déjà malade. Au total, cette année, on aura passé 156 jours ensemble. C’est énorme. C’est normal que l’on devienne aussi proches…

Ce peut aussi être source de tensions…

Il y a toujours des tensions parce qu’il y a de la pression, que tout le monde travaille dur et bataille pour son territoire. Moi, je bataille avec le staff pour avoir plus de temps à travailler les mêlées. Les autres font pareil avec leurs secteurs. Et on ne peut pas s’entendre avec tout le monde. C’est comme ça dans tous les boulots du monde. Mais au moins, chacun peut s’exprimer et il n’y a jamais de malentendu parce qu’il y a beaucoup de respect entre nous.

Comment est Rassie Erasmus au quotidien ?

Il a toujours trois ou quatre trains d’avance sur tout le monde. Il pense à beaucoup, beaucoup de choses. Il nous fait des listes de questions, qu’il pose à chaque réunion. J’ai beaucoup appris avec lui. Il arrive gérer chaque joueur, même s’ils sont tous différents. Il sait comment faire. Sur l’aspect motivationnel, il me rappelle Guy Novès. Avec Rassie, tout le monde est dans le même bateau. On sent que les joueurs jouent pour Rassie, et pour Jacques. Lui aussi est un énorme bosseur. Il se lève tous les jours à quatre heures du matin et se met au boulot. Tout est en place, tout est planifié, on sait toujours où l’on va.

Avez-vous gardé des liens avec Toulouse ?

Bien sûr. Mes trois enfants sont nés là-bas, dans la même clinique et avec le même docteur et j’ai gardé notre maison près de Toulouse, à Seilh, pas très loin du golf. Si le bon Dieu veut, on reviendra ici. J’aurais aimé y retourner sur mes jours off mais c’était trop loin de notre camp de base à Toulon.

On sait que vous êtes très proches de William Servat, l’entraîneur des avants du XV de France, comment avez-vous vécu l’issue de ce quart de finale ?

Après le quart de finale, au fond de moi, j’étais très triste pour la France et pour mon ami William. J’étais soulagé par la qualification mais cette victoire m’a laissé un goût bizarre. C’était terrible de voir une équipe comme la France quitter le Mondial. Surtout quand on sait ce que le rugby représente ici.

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Les commentaires (1)
Stststst Il y a 5 mois Le 09/11/2023 à 23:09

Visiblement moins mal que d'appartenir a un squad qui influence (je n'ose utiliser un mot plus politiquement incorrect) l'arbitre.
Qu'il se taise au moins.