L'édito : Parts d’ombre
Blacks – Boks. Ce sera donc Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud en finale de la dixième Coupe du monde dans l’histoire du rugby, ce sommet que l’on imaginait pourtant taillé sur mesure pour enfin couronner la France. Raté, les Bleus ont tout perdu d’un point.
Il nous reste les yeux pour pleurer, en attendant que passe la vague d’émotions braquant tous les regards vers le coupable idéal : Ben O’Keeffe. C’est lui la cible, le punching-ball parfait qui ne parle pas et ne renvoie pas les coups. Mais, c’est aussi un leurre nous faisant oublier l’essentiel : l’arbitre qui fut tant sifflé par le Stade de France n’est pas le seul responsable de la défaite.
Ce qu’il nous a manqué ? Sur le terrain, factuellement : maîtrise, expérience et lucidité malgré le grand match livré par les Bleus. Autour, la part de l’ombre qui fait la différence en renvoyant au contexte, à la stratégie d’influence et plus précisément à la rugby real politique. Aux coulisses, donc, où historiquement la France a tant de mal à rayonner dans ce monde d’Anglo-Saxons si hermétiques aux langues étrangères.
Seul Bernard Lapasset, stratège ultime parmi les fines lames, avait su s’installer à la tête du rugby mondial. Son héritage a été dilapidé et ce n’est pas un hasard si Florian Grill, prémonitoire en diable dans les colonnes de Midol à la veille d’affronter les Springboks, déplorait : "la France ne pèse pas assez au cœur des instances internationales."
Évident. Depuis des mois, il n’y avait plus un seul français au Board de World Rugby et un seul dans les 20 commissions qui gère le rugby mondial ! "Cela va changer, croyez-moi", nous confiait encore plus déterminé le président de la FFR, vendredi soir. Accordons-lui confiance, même si on a déjà entendu tant de fois un tel discours sans que rien ne change au pilotage d’un sport engoncé dans le conservatisme.
Surtout, méfiance. Il y eut toujours un retour du bâton après les "ruades" tricolores. Dernières en date, celles de Bernard Laporte : d’abord en 2017 pour décrocher l’organisation du Mondial 2023 et en priver les Sud-Africains qui étaient recommandés par l’instance ; puis l’an dernier, quand "Bernie" visait la présidence de World Rugby en lieu et place de l’Anglais Bill Beaumont qu’il poussait à la retraite. Résultat ? Les Bleus et Laporte ne sont plus là ; les Sud-Africains restent en course pour une quatrième étoile ; Beaumont termine en majesté ; et cette Coupe du monde, aussi belle soit-elle à partager, ne tiendra pas toutes ses promesses en termes d’héritage pour le rugby français.
Impossible de ne pas ressentir un immense sentiment de gâchis. Car la part de l’ombre, c’est aussi cette propension française à tout casser quand les choses vont trop bien. Chez nous, l’idyllique ne dure jamais très longtemps.
Souvenez-vous donc : au mois d’août 2022, cette France qui souffre à présent d’un manque de poids comptait cinq représentants parmi les dix personnalités les plus influentes du rugby mondial (classement Rugby World, magazine anglais de référence). Dont Bernard Laporte (1er) et Claude Atcher (5e) qui accompagnaient Antoine Dupont (4e), Fabien Galthié (9e) et Benjamin Morel (3e).
Le tableau était presque parfait. Jusqu’à ce que le rugby français pique sa crise, "oubliant" que le Mondial restait à gagner. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra imposa la mise à l’écart d’Atcher, avant de pousser Laporte vers la démission. Pour préserver sa morale, la France perdait toutefois son influence et ses digues. Depuis, son soleil à l’international brille moins haut…
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