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Coupe du monde de rugby 2023 - Un point c’est tout pour l'Afrique du Sud qui défendra son titre face à la Nouvelle-Zélande

Par Simon VALZER
  • Snyman s’élève au dessus du pack anglais et c’est toute l’Afrique du Sud qui se retrouve en finale, à la grâce d’une fin de match mieux maîtrisée et d’un banc de remplaçants toujours aussi chirurgical et destructeur.
    Snyman s’élève au dessus du pack anglais et c’est toute l’Afrique du Sud qui se retrouve en finale, à la grâce d’une fin de match mieux maîtrisée et d’un banc de remplaçants toujours aussi chirurgical et destructeur. Patrick Derewiany
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Menés au score jusqu’à deux minutes du coup de sifflet final, les champions du monde sud-africains se sont sortis d’une situation inextricable pour s’imposer d’un souffle. Décryptage d’un improbable retournement de situation.

Cette fois, au moins, Rassie Erasmus et Jacques Nienaber ne pourront pas se targuer d’avoir "vu" le match avant que celui-ci ait eu lieu. On doute qu’ils avaient prédit que leurs Springboks seraient aussi malmenés sur leurs mauls, aussi bousculés sous les ballons hauts, aussi dominés en mêlée fermée par les piliers Joe Marler et Dan Cole, qu’ils avaient pourtant châtié quatre ans plus tôt en finale du Mondial japonais. Rendez-vous compte une seule petite seconde : ces Springboks ont été menés au score pendant… soixante-quinze minutes. De la troisième, où Owen Farrell ouvrit le score par une première pénalité, à la soixante-dix huitième minute où Handré Pollard donna, pour la première fois de la partie, l’avantage au score à ses Springboks. Soit soixante-dix huit minutes durant lesquelles les Boks ont été poussés dans leurs derniers retranchements par une incroyable Angleterre qui, non contente d’avoir le plan presque parfait pour les faire tomber (lire ci-contre) fut menée de concert par ses meilleurs vieux (Marler, Cole, Lawes, Farrell) et se jeunes talents comme le deuxième ligne George Martin ou l’arrière Freddie Stewart, tous deux auteurs de pretations cinq étoiles.

À onze minutes de la fin, les Springboks étaient encore menés de neuf points. Et même si l’entrée du pilier gauche Ox Nché avait redonné de l’assise à la mêlée arc-en-ciel, on était encore loin d’imaginer que ces Springboks allaient décrocher le précieux sésame pour affronter leurs éternels rivaux, les All Blacks une semaine plus tard au même endroit. C’est indéniable, les Springboks ont souffert : "L’Angleterre est une équipe de classe mondiale, reconnaissait le capitaine Siya Kolisi, qui s’est présentée aujourd’hui avec un plan de jeu très bien construit auquel nous avons mis beaucoup, beaucoup de temps à nous adapter."

Et pour cause. Pour une fois, le staff sud-africain n’avait pas choisi les bons hommes pour constituer son XV de départ, à l’image de la charnière Reinach-Libbok taillée pour le jeu à la main, ou encore celle de l’arrière Damian Willemse moins doué pour occuper le terrain que son alter ego Willie Le Roux. Piégés dans le vent et la pluie battante de Saint-Denis, privés de ballons par des Anglais chirurgicaux et dominateurs devant, les Springboks n’ont jamais été en mesure de déployer leur jeu offensif qui leur avait permis d’infliger aux All Blacks la plus lourde défaite de leur histoire à Londres, quelques semaines avant le Mondial (35-7).

Volte-face tactique

Mais une fois encore, les Springboks se sont imposés. D’un tout petit point. Comme contre nos Bleus. Un point, c’est tout. Mais il suffit à leur bonheur. Et à quoi ont-ils dû leur salut ? à plusieurs choses. D’abord, au courage, à la lucidité et à la diligence du staff de prendre les décisions qui s’imposent, même si ces dernières sont douloureuses. C’est ainsi que Manie Libbok fut remplacé dès la 31e minute. Malgré toutes ses qualités, l’ouvreur des Stormers n’avait pas la longueur au pied pour exister dans cet enfer. Et tant pis pour l’individu, car l’équipe passe avant : "Cette situation nous est arrivée très souvent, dédramatisait Nienaber. En 2018, on a sorti Bongi (Mbonambi, N.D.L.R.) après 30 minutes parce qu’il n’était pas dans un bon jour. Mais la semaine suivante, il était à nouveau titulaire. Pareil pour Willie le Roux, que l’on a sorti du terrain plusieurs fois prématurément. On ne peut pas se permettre de ménager les individus ou les ego. Nous ne sommes pas là pour tout ça. Nous sommes là pour l’équipe et pour l’Afrique du Sud. Tous les jours, on reçoit des messages du pays venant de gamins qui fondent tous leurs espoirs sur nous. On ne peut pas faire passer qui que ce soit devant cela. On doit prendre des décisions pour l’équipe, et le faire sur le champ. Aujourd’hui, on a eu le sentiment que l’on ne pouvait se permettre de laisser passer la moindre opportunité au pied, donc on a lancé Handré. Mais cela ne veut pas dire que Manie ne débutera pas la rencontre la semaine prochaine." L’impact de Pollard a été immédiat. Et, in fine, il fut le sauveur des Springboks (lire ci-dessous).

Libbok ne fut pas le seul à connaître ce sort : Reinach sortit tôt aussi (43e), directement après un coup de pied dévissé. Idem pour Damian Willemse, totalement à côté de ses pompes samedi soir. Déjà auteur d’une première mi-temps décevante, l’arrière fut remplacé par Willie le Roux dès la 44e minute après une faute stupide au sol. Même le capitaine Siya Kolisi fut coaché à la 51e, après s’être montré indiscipliné (six points offerts aux Anglais) et peu impactant dans le jeu.

Le "Bomb Squad" a encore fait boum

Mais Pollard n’a pas tout fait tout seul. Les Springboks doivent également une fière chandelle à leurs remplaçants. Leur fameux "Bomb Squad", sorte de groupe dans le groupe sud-africain. La semaine, celui-ci mène sa petite vie parallèle au XV majeur et tire de la fierté de sa mission de dynamiter la fin de rencontre. Au point de chambrer, tout la semaine durant, les titulaires en leur disant qu’ils n’ont pas le niveau pour être dans ce fameux club très fermé : "On est une sorte d’équipe dans l’équipe", nous confiait le deuxième ligne RG Snyman en début de compétition. "à mesure que le match approche, on met des pièces aux titulaires pour leur dire qu’on est l’élite de l’équipe, on se marre bien." Aussi, on imagine que le géant viking ne manquera pas de rappeler à ses coéquipiers toute cette semaine qu’il a marqué, en force et après avoir été bien aidé par un autre membre du Bomb Squad – Deon Fourie –, l’essai qui relança complètement le match.

Tout comme Ox Nché pourra bomber le torse par rapport à cette mêlée gagnée à cinq mètres de la ligne sud-africaine, quand les Anglais auraient pu tuer le match : "à mon sens, ce fut le tournant du match, analysait Jacques Nienaber. Cette pénalité remportée à donné beaucoup d’énergie à l’équipe, et nous a permis de sortir de notre camp." Une poignée de minutes plus tard, Nché, Mbonambi et Koch offraient à Pollard la pénalité de la gagne. Idem pour les troisième ligne Kwagga Smith et Deon Fourie, dont le déchaînement de fureur permit de créer quelques brèches dans la défense anglaise. Alors certes, ce fut une véritable guerre des tranchées. Certainement pas très télégénique, même si les vrais savent : il s’agissait bien d’un grand match de rugby. Et cette Afrique du Sud 2023, qui paraît insubmersible, l’a remporté. Les champions sortants sont plus que jamais candidats à leur propre succession. Un point c’est tout.

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