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Coupe du monde de rugby 2023 - Guy Accocebery a connu la même blessure qu'Antoine Dupont : "Ce mec, à quelques centimètres près, aurait pu me tuer"

Par Arnaud Beurdeley
  • Guy Accoceberry avec le XV de France. Guy Accoceberry avec le XV de France.
    Guy Accoceberry avec le XV de France. - Allstar / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L’ancien demi de mêlée international Guy Accoceberry a connu une blessure similaire à celle d’Antoine Dupont. C’était en 1991. Celui qui a porté le maillot de l’équipe de France à 19 reprises, vainqueur des Blacks à Christchurch en 1994, raconte ici, avec une verve mêlant gravité et drôlerie, la frayeur vécue et apporte un éclairage intéressant sur la situation de la star des Bleus.

Le rugby d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui, la médecine non plus. Vous allez comprendre. C’était en 1991. Demi-finale du championnat de France de groupe B entre Tyrosse et Rumilly. Jusque-là, Guy Accoceberry marche sur l’eau et porte son équipe à grands coups d’essai. "En première mi-temps, le troisième ligne centre de Rumilly essaie donc de me mettre une poire dans un regroupement, explique-t-il mêlant à son récit un geste d’étonnement. Même si ça faisait partie du rugby à l’époque, j’avais été un peu surpris. Habituellement, les "gros" se débrouillaient entre-eux pour ce genre de choses. Heureusement, sur le coup, il me rate. Seulement en fin de première mi-temps, sur une pénalité tentée, mais un peu courte, j’amorce une relance. Je me revois courir jusqu’à la sortie des 22 mètres, avant de faire une passe à mon arrière qui arrive à hauteur. Une fois la passe envoyée, je me relâche un peu sans voir ce même numéro 8 de Rumilly – Monsieur "C" dont je préfère taire le nom – arriver lancé pleine balle, la tête la première, pour me fracasser. Plus tard, j’ai revu les images, il n’avait aucune intention de me plaquer. Juste l’envie de me casser la tête. Ce garçon devait faire pas loin de 110 kilos, moi je n’étais même pas à 80 sur la balance. Résultat : il me met un coup de tronche au niveau du visage. Comme Antoine, je ne perds pas connaissance, mais je sens vite qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Et quand j’ai vu Antoine, contre la Namibie, prendre le coup de tête et sortir en se tenant le visage, je me suis revu ce jour-là. La position de ses mains m’a rappelé cette sensation de vouloir retenir quelque chose qui va tomber."

Pour beaucoup, la blessure d’Antoine Dupont relève de l’accident. Pas pour "Acco". "C’est presque une agression commise par le Namibien, assène celui qui fut un des instigateurs de l’essai du bout du monde. Je ne dis pas qu’il veut lui casser la mâchoire, mais il veut se le payer. Certes, il s’est excusé mais c’est un peu facile. Moi, je n’avais pas accepté les excuses de ce « Monsieur C ». A l’époque, un de mes oncles avait trouvé son numéro de téléphone et l’avait un peu secoué car il n’avait, à aucun moment, cherché à prendre de mes nouvelles. Il a fini par m’appeler mais je lui ai dit ma façon de penser. Ce mec, à quelques centimètres, aurait pu me tuer. Il m’avait avoué qu’il y avait un contrat sur ma tête. Le mot d’ordre avait été passé d’éliminer le demi de mêlée pour pouvoir gagner » Autre temps, autre mœurs.

La suite ne manque pas de piquant. Dans la voix de celui qui est alors étudiant, devenu docteur en pharmacie, se mêle la gravité et la drôlerie. "Forcément, direction les urgences d’Ussel, lieu de cette rencontre, reprend-t-il. L’interne de garde m’annonce peut-être une fracture, mais rien de plus. Je me tape donc le retour en bus jusqu’à Tyrosse. A l’époque, il n’y avait pas encore l’autoroute. Six à sept heures de bus où à chaque virage ou chaque nid de poule, mon visage gonfle et me fait souffrir. Arrivée à Tyrosse vers quatre ou cinq heures du matin. A huit heures, alors que je n’ai pas fermé l'œil de la nuit, le médecin du club passe me récupérer chez moi pour aller voir un spécialiste à Bayonne. Et là, à peine entré dans le cabinet, il me dit : "Oh la la, il y a moins quatre fractures", sans rayon X, juste avec son œil d’expert. Bref, je pars au scanner. Moins d’une heure après, il m’annonce finalement sept fractures autour de l’œil gauche."

Ma mâchoire ne fonctionnait plus

Le diagnostic est lourd pour "Acco". "Comme Antoine, il y avait fracture de la maxillaire et de la zygomatique. Ma mâchoire ne fonctionnait plus, je voyais double avec l’œil gauche car le plancher orbital était aussi fracturé. J’ai passé la semaine à manger liquide. Je me souviens avoir regardé la finale de la Coupe d’Europe de l’OM contre l’Etoile rouge de Belgrade le mercredi suivant en buvant un verre d’eau à la paille pendant que mes potes étaient à la bière. Et tout ça pour voir perdre Marseille. Moi qui supportait l’OM, ce fut vraiment une semaine pourrie."

Deux jours plus tard, une fois l’hématome résorbé, Accoceberry est opéré. Une opération très longue. Deux heures et demie au lieu d’une heure planifiée. "Mais, au réveil, tout va bien, précise-il. Je reparle normalement, ma vue est redevenue complètement nette. On m’a posé deux plaques : une au niveau du plancher orbital, l’autre au niveau de l’arcade. La magie de la chirurgie."

Avec sa verve, celui qui deviendra le stratège du CABBG deux ans plus tard, ne peut s’empêcher de raconter les raisons pour lesquelles cette blessure l’a aussi fortement marqué. "Le jour de cette agression, cela ne faisait que huit jours que j’avais conclu avec celle qui est encore aujourd’hui mon épouse. Le travail de préparation, d’approche, avec beaucoup de roucoulades avait été long, fastidieux. Or, elle avait lu le journal Sud-Ouest l'article relatant ma blessure et était très inquiète." Logique, forcément logique. Il poursuit : "Je ne l’ai revu qu’après l’opération mais j’étais encore bien tuméfié, avec des points de suture. Elle connaissait le rugby mais ça n’était pas un sport qu’elle suivait assidûment. Bref, je tente de la rassurer un peu, tout en lui expliquant que je repars pour trois semaines en Amérique du Sud pour une tournée, sans jouer, avec le comité côtes-basque - Landes. Gaston Lesbats, le président, m’a quand même invité. J'ai été remplacé au titre de demi de mêlée, mais je suis parti en tant que dirigeant." Il insiste, clin d'œil en sus : "Une vraie tournée de dirigeants avec tous les repas et apéros possibles et imaginables. Comme pendant trois semaines, j’avais une totale interdiction de courir, pour la première fois j’ai passé le cap des 80 kilos. Un joli petit voyage. Je vous laisse imaginer la tête de ma future femme quand je suis revenu avec quelques kilos en plus, les joues bien rondes. Je ressemblais à un petit hamster, mais avec des stigmates et des cicatrices, et blanc comme un cachet d’aspirine car je venais de passer trois semaines dans l’hémisphère sud où c’était l’hiver." À l'été 2024, ils fêteront leur trente ans de mariage.

Je n’ai d’ailleurs jamais retiré ces deux plaques

Et le rugby dans tout ça, nous direz-vous ? Accoceberry ne rejoue en compétition que deux mois plus tard, à la reprise du championnat en septembre. Il reprend toutefois l'entraînement durant l’été au milieu de ses potes qui, évidemment, l'épargne du moindre plaquage trop sec. Surtout, pour rien au monde, il ne veut rater le match de reprise. Et pour cause. "Ironie de l’histoire, le calendrier de la saison suivante programme la venue de Rumilly à Tyrosse, sourit-il. Bizarrement, le numéro 8 n’est pas venu. Avant le match, je n’avais pas beaucoup parlé. J’avais juste montré mon œil à mes avants. Rumilly a pris 50 points et tout ce qu’il faut avec..."

Ce qu’il faut retenir, c’est que Guy Accoceberry assure n’avoir ressenti aucune appréhension ce jour-là pour sa santé. "Le chirurgien m’avait dit que je pouvais y aller sans problème, que c’était aussi solide qu’avant. Je n’ai d’ailleurs jamais retiré ces deux plaques." Antoine Dupont, lui, pourrait être sur la pelouse du Stade de France dimanche soir pour le quart de finale des Bleus, seulement trois semaines après son opération. "Il a un côté un peu surhomme, dit celui qui est consultant pour Radio France aujourd’hui. On a l’impression qu’il n’est pas fait comme tout le monde. Le fait de le revoir courir quelques jours après l’opération rend presque la blessure banale." Mais l’ancien cornac prévient tout de même : "Attention, s’il joue, ce ne sera pas un match de kermesse. Les Sud-Africains ne lui feront pas de cadeaux."

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