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200 ans d'histoire (38/52) : Lomu, l’homme qui a changé le jeu

  • Lomu, l'homme qui a changé le jeu, 38ème épisode de notre série.
    Lomu, l'homme qui a changé le jeu, 38ème épisode de notre série. Midi Olympique.
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Jamais on n’avait vu un ailier aussi puissant et rapide à la fois. En 1995, Jonah Lomu fit une entrée triomphale dans le paysage du rugby mondial, et changea le jeu à jamais.

Il a mis ses 115 kg sur la balance et fit basculer la planète ovale. L’année 1995 représenta vraiment une étape capitale dans l’histoire du rugby. Non seulement ce sport devint officiellement professionnel, mais, surtout, le jeu changea de dimension, presque d’identité. Cette dernière métamorphose avait un visage : Jonah Lomu. Un Néo-Zélandais d’origine tonguienne, élevé dans la banlieue d’Auckland, formé au Wesley College puis repéré par la province de Manukau Counties, où, un technicien (Ross Cooper) comprit qu’il aurait tout à gagner à faire jouer ce colosse parmi les trois-quarts, à rebours de toutes les conventions. Les Français l’avaient découvert un an plus tôt en juin 1994, lors des deux victoires historiques des Bleus de Philippe Saint-André chez les All Blacks. Mais cette entrée en matière fut un fiasco. Pour le jeune phénomène, c’était trop tôt.

Il fallut attendre un an avant de le revoir sous le maillot des All Blacks quand, au moment d’officialiser son groupe pour le Mondial, le sélectionneur Laurie Mains fut pris d’un doute. Il ne pouvait décidément pas se passer de ce joueur hors-norme qui venait encore de tout dévaster avec l’équipe nationale à VII à Hong-Kong, À la fin du dernier rassemblement, il franchit le pas. Entre le 27 mai et le 25 juin 1995, Jonah Lomu fit exploser son sport : sept essais en cinq matchs, dont évidemment ce quadruplé surhumain contre les Anglais en demi-finale au Cap. Mais ironie du sort, il ne fut pas champion du monde, les Springboks survoltés réussirent à l’arrêter en finale. Ça n’empêcha pas la naissance du mythe.

Jamais on avait vu un homme d’1,95 m pour 112 ou 115 kg courir aussi vite (moins de onze secondes), comme si Colin Meads avait pris de la potion magique. Colin Meads… le deuxième ligne que l’on faisait passer pour un Hercule trente ans auparavant, ne faisait qu’1, 92 m pour 102 ou 105 kg et il ne lui serait jamais venu à l’idée de sprinter. Le lendemain, la presse fleurissait d’articles croustillants sur ce prodige presque effrayant. Un journal néo-zélandais se mit à l’estimer… financièrement. Il aurait pesé 8 millions de dollars néo-zélandais, une première pour un rugbyman (sans que l’on comprenne bien à quoi ça correspondait). Un second asséna que les treizistes anglais de Wigan auraient proposé 14 millions de dollars néo-zélandais pour l’engager, un troisième révélait que le joueur avait déjà un agent, un Gallois nommé Phil Kinsgley-Jones qui lui avait fait signer un contrat d’un million de dollars avec les chaussures Mizuno et les voitures Mazda. Un quatrième agita le spectre des clubs treizistes australiens sans citer de chiffres. On apprit aussi que les Anglais de Leeds avaient failli rafler la mise. Jamais on avait parlé aussi ouvertement de fric pour un joueur de rugby. Lomu fut le premier (gros) coup de canif à ébrécher le rideau séculaire de l’amateurisme. Même si les deux dossiers étaient en marche, son avènement ne put qu’accélérer le passage au professionnalisme décidé par l’IRB. et que finir de convaincre Ruppert Murdoch, le Tycoon des médias, à lancer le Super 12, le championnat transnational des franchises sudistes.

Premier rugbyman à conquérir la planète

La Fédération néo-zélandaise ne voulait surtout pas le voir partir. Elle lui fit signer le plus vite possible un contrat supérieurs à ses coéquipiers.

Jonah Lomu devint la première star du rugby célèbre hors des frontières classiques de son sport. Aucun autre joueur n’a pu prétendre depuis, à ce statut. Quel autre rugbyman pourrait ainsi être immédiatement reconnu dans les rues de Paris ? Et quel autre joueur pourrait se targuer d’être suivi, sur Twitter par Mike Tyson en personne ? L’apparition de Jonah Lomu n’a sûrement pas eu que des bons côtés. Avec lui, le rugby est passé dans l’ère de la puissance et de la force par opposition à celle de la technique, de l’inspiration et de la roublardise. Et il n’en est toujours pas sorti. Dès les jours qui suivirent ce 18 juin 1995, un "puriste" nous glissa : "Il vous plaît ce Lomu ? Il ne sait que courir tout droit devant…" D’autres censeurs tatillons mirent en avant ses défauts : "Il ne sait pas défendre, il met du temps à se retourner. Il doit reprendre son souffle entre deux courses." Arguments recevables mais qui ne pesaient rien face à son pouvoir de destruction massive.

Une idole morte à 40 ans

La carrière extraordinaire de Jonah Lomu fut finalement très courte, comme sa vie. Le trois-quarts aile n’a disputé que deux Coupes du monde en 1995 et 1999.Il a joué huit ans avec les All Blacks pour « seulement » 63 sélections entre 1994 et 2002 (et 37 essais). L’année 2002 sonna le glas de ses années fastes, le colosse se retrouva soudain avec des pieds d’argile comme s’il était écrit qu’un joueur aussi mémorable devait connaître un destin tragique. Comme si sa puissance extraordinaire s’était retournée contre lui et contre son organisme. À partir de 2002, le grand public découvrit qu’il souffrait d’une pathologie rénale, le syndrome néphrotique qui l’obligea à interrompre sa carrière et à subir une transplantation. Lui se savait atteint depuis 1995. Il tentera de reprendre sa carrière en 2004, à Cardiff au pays de Galles, avec la province de North Harbour puis à Marseille (lire ci-contre), mais sans retrouver son meilleur niveau.

Il fera une grave rechute en 2011 avec un rejet de son greffon. Il vivra plusieurs années affaibli et vulnérable, contraint de subir des dialyses, dans l’attente d’une nouvelle transplantation. Il est décédé brutalement à Auckland en novembre 2015, après un séjour en Europe, d’une embollie pulmonaire. Un caillot de sang s’était formé dans ses poumons, favorisé par sa faiblesse générale et par le vol long courrier qu’il venait d’endurer. Un an après sa mort, un autre All Black atteint du même mal ; Joel Vidiri expliqua que Jonah Lomu, comme lui-même, avait pris de la créatine, produit autorisé dans les années 90 ; mais pas vraiment indiqué pour ceux qui souffrent de ce genre de pathologie. Le médecin des All Blacks a démenti.

Une fin de carrière en France

La fin de la carrière de Jonah Lomu fut assez chaotique. Elle se termina par un séjour en France qui n’apporta rien à sa gloire. En 2009-2010, il s’engagea pour le club de Marseille-Vitrolles qui évoluait alors en Fédérale 1 sous l’autorité d’un entraîneur nommé Alain Hyardet et d’un président qui s’appelait Claude Atcher. Il y joua au poste de trois-quarts centre et de numéro 8 mais il était affaibli par les traitements qu’il subissait depuis cinq ans. Il avait très souvent un cathéter dans le bras. Il jouera à six reprises avec les Provençaux Comme il était partenaire d’Adidas, il commanda un jeu de maillots flambant neufs pour ce qui sera son dernier club. Mais on ne peut pas dire qu’il apporta grand-chose sportivement à Marseille-Vitrolles qui avait l’ambition de se rapprocher de l’Élite. À l’été 2010, le club fut rétrogradé en Fédérale 2 pour raisons financières et le club changea de nom pour redevenir le Stade phocéen.

Un jeu vidéo à son effigie

Signe de la puissance de l’image de Jonah Lomu : la création dès 1997 d’un jeu vidéo à son nom. Premier jeu de rugby disponible sur Playstation. Tous les spécialistes l’assurent, ce fut une réussite incontestable. Il compte encore des nostalgiques. Même si son graphisme est aujourd’hui clairement dépassé. « Ce jeu est devenu la référence absolue parce que son gameplay (« la manière dont le jeu se joue » en français, N.D.L.R.) était révolutionnaire : c’était l’un des premiers jeux de rugby en 3D et cela a marqué les joueurs », nous avait expliqué Frédéric Goyon rédacteur en chef de jeuxvideo.com en 2020. « L’autre raison, c’est que le jeu avait la meilleure figure de proue possible : il est sorti moins de deux ans après la Coupe du monde 1995 où Lomu était devenu une star planétaire. Enfin, le jeu possédait toutes les licences : il y avait toutes les équipes, sélections, joueurs, championnats… Cette exhaustivité était très rare à l’époque, et elle l’est encore aujourd’hui.

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