Coupe du monde de rugby 2023 - La chronique de "Garba" : tous Fidjiens

Je revois encore ce dernier ballon – une passe avec rebond – en direction de Semi Radradra. Quelle dramaturgie. Je me revois encore prêt à bondir de mon canapé. Une atmosphère irrespirable. Je me revois enfin souffler et pester contre cette faute de main d’un des meilleurs joueurs du monde. Un scénario fou. Ce match du week-end dernier entre les Fidji et le pays de Galles était peut-être le plus beau de ce début de compétition. Il y avait un petit côté David contre Goliath, Astérix contre le peuple romain. Nous étions tous Fidjien. Le plus incroyable, c’est que si l’on refait le film de cette action dix fois, Radradra va marquer au moins à neuf reprises. Et c’est la belle histoire.

Cette équipe fidjienne a quelque chose que les autres n’ont pas. Depuis la nuit des temps, elle possède un pouvoir offensif exceptionnel. Peut-être l’une des meilleures nations au monde lorsque sa ligne de trois-quarts a le ballon. Cette équipe joue un rugby que l’on aime, que l’on fantasme. Des joueurs dotés d’une dextérité incroyable. Regardez cette ligne de trois-quarts… Il y a du talent, de la puissance, de la technique. Un coup dans le zig, un autre dans le zag. C’est la piste aux étoiles. Malheureusement, la patience n’est pas la vertu première des Îliens. Ils ont gâché des occasions. Beaucoup d’occasions. À trop faire le jeu, ils se sont mis en danger et ont laissé à Dan Biggar l’opportunité de scorer.

Les Fidjiens vont se goinfrer. Et si la leçon disciplinaire a été retenue, les Fidji vont frapper un grand coup. On parie ?

Les deux équipes se sont rendues coup pour coup, mais la maîtrise était galloise. Sur les temps faibles, Biggar et ses partenaires ont su mieux gérer, mieux sortir de leur camp. Le pragmatisme à son apogée. Et puis, que dire de l’indiscipline fidjienne ? J’ai lu et entendu beaucoup de choses sur l’arbitrage de Matthew Carley. Sur l’instant, cela ne m’a pas frappé. Certes, il y a eu quelques incompréhensions. Mais pas plus que sur n’importe quel autre match de rugby. Les Fidji auraient dû gagner ce match, j’en suis convaincu. Qu’importe les décisions de l’arbitre… Avez-vous entendu Simon Raiwalui, le sélectionneur, hurler parmi les loups ? L’avez-vous vu se répandre dans les journaux pour cracher son venin sur un homme aux responsabilités multiples au milieu de trente bonhommes prêts à en découdre ? Rien. Pas un mot. Il aurait pu se retrancher derrière cette excuse des faibles, il ne l’a pas fait. Une élégance rare, teintée sans aucun doute d’une lucidité absolue. Et pour cause. Qui mieux que Simon Raiwalui sait que son équipe est la principale responsable de sa défaite ? Personne.

L’indiscipline coûte cher. Il y a l’indiscipline réglementaire, mais aussi l’indiscipline dans le jeu. Je m’explique : de par leur qualité technique, leur habileté, leur gestuelle, les Fidjiens aiment faire vivre le ballon, tenter des "off-loads", des passes parfois impossibles. Quand ça passe, c’est splendide. Parfois même exceptionnel. Mais quand ça ne passe pas, c’est du déchet préjudiciable. Contre le pays de Galles, cette indiscipline les a privés d’une victoire. Ils ont payé pour apprendre.

Dimanche, ce sera au tour de l’Australie de se frotter à cette équipe qui a tout de même engrangé un double bonus (défensif et offensif) pouvant s’avérer précieux. Des Wallabies que j’ai vu taper entre 50 et 100 fois dans le ballon face à la Géorgie. Je caricature peut-être mais ce jeu de "dépossession" va nourrir la bête. Les Fidjiens vont se goinfrer. Et si la leçon disciplinaire a été retenue, les Fidji vont frapper un grand coup. On parie ?

"Les Fidjiens vont se goinfrer. Et si la leçon disciplinaire a été retenue, les Fidji vont frapper un grand coup. On parie ?"