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France - Nouvelle-Zélande / Coupe du monde rugby 2023 - "Les Tontons Flingueurs"

  • Auteurs d'un match "moyen" face à la Nouvelle-Zélande, les Tricolores ont pourtant fessé les All Blacks...
    Auteurs d'un match "moyen" face à la Nouvelle-Zélande, les Tricolores ont pourtant fessé les All Blacks... Abaca - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Sans être géniaux, les Tricolores ont vendredi soir proprement renversé la Nouvelle-Zélande, donnant au pays les couleurs d’un incendie et offrant, à ceux qui les aiment, le fol espoir de bientôt succomber…

Jusqu’aux quarts de finale, le roi et le fou retournent toujours dans la même boîte, à la fin de la partie. Et l’on ne sera pas assez con pour assurer que ce XV de France fêté en son royaume comme un géant a d’ores et déjà une gueule de champion du monde. Malgré tout, les Bleus ont vendredi soir envoyé un avertissement à l’Irlande et l’Afrique du Sud, leurs rivaux déclarés dans cette compétition. Une menace à peine voilée qu’Antoine Dupont résuma ainsi : « On a été plutôt moyen mais on a mis quasiment trente points aux All Blacks ». C’est qu’il serait irrationnel de céder au chant des gogos ayant cru voir voler le cuir et contempler « des vagues bleues déferler sur la Nouvelle-Zélande ». À Saint-Denis, la sélection nationale a joué comme on se doit de le faire dans une Coupe du monde, tapé 44 fois dans la balle, soumis son rival en mêlée fermée et fait preuve, au tableau d’honneur, d’un sens de la discipline (4 pénalités) que seule l’Irlande de Joe Schmidt (3 pénalités face à l’Italie lors du Tournoi 2018) avait déjà pu surpasser, sur le plan international.

Qu’on le veuille ou non, le jeu se replie donc inexorablement sur les antiques fondements du rucking, du kicking ou du mauling, comme si ce vieil évangile était d’ailleurs le comble de la modernité. Car le rugby est un frondeur, un maquisard ; il ne se soumet guère aux diktats de la société du spectacle, des vendeurs de soupe et des poseurs qui, soucieux de lui faire toucher une universalité ne lui seyant guère, assurent que le terrain est trop petit, les défenses trop hégémoniques ou ses ébats globalement trop violents… Le rugby est un bidonnant schizophrène, en fait, un bougre rassemblant 1 milliard de personnes devant une cérémonie d’ouverture en mondovision avant de ponctuer celle-ci d’un Vino Griego attaché au Sud-Ouest de la France comme une moule à son rocher…

Galthié, le Souvorov du Lot

En un sens, on a chaviré de bonheur, rougi comme des jouvencelles et dansé comme des possédés, vendredi soir. En un autre, on s’est aussi demandé, bégueules, si ces All Blacks n’étaient finalement pas trop tendres ou trop fragiles, en comparaison aux trois ogres de la compétition et à bon nombre de leurs prédécesseurs, sous ce mythique maillot. Et l’on peut aborder la problématique kiwi de mille aspects différents, il est désormais avéré que le paquet d’avants néo-zélandais n’est guère armé pour survivre à l’âpre bataille d’une Coupe du monde. Il est évident que cette ligne de trois-quarts où Richie Mo’unga, Beauden Barrett et Rieko Ioane font des ornements avec de la poussière est heureusement desservie par un paquet d’avant où seule la face quadrangulaire de Scott Barrett pourrait trouver un job en Afrique du Sud, en France ou en Irlande. À ce titre, on espère enfin que la Section paloise n’a pas englouti l’intégralité de ses fonds propres dans le recrutement de Sam Whitelock (34 ans), lequel n’a jamais autant semblé faire son âge…

Car jamais, avant ce match, une équipe de France n’avait à ce point dominé la Nouvelle-Zélande d’un strict point de vue physique. Jamais les All Blacks n’avaient, avant ce 8 octobre, été emportés par la frénésie que déploya la bande à Dupont après l’heure de jeu, au Stade de France. Ici, il convient donc de saluer l’option d’une préparation estivale certes meurtrière, mais aujourd’hui fort lucrative. Il convient de reconnaître que Thibault Giroud a probablement eu raison en choisissant de torturer les Bleus comme il le fit ces dernières semaines, assurant d’ailleurs à diverses reprises qu’on ne façonnait pas une équipe de rugby comme on prépare une troupe de « twirling bâton », cocasse discipline se piquant aujourd’hui d’olympisme. Accordez-nous, ici, une digression : car on se marra comme des bossus en imaginant le président Florian Grill, le dos courbé sur un îlot de feuilles A4, se demandant quelle drôle d’époque était-on en train de vivre et ce que la FFR pouvait bien répondre à cette fédération s’étant sentie largement humiliée par les propos dudit Giroud. Tout ça pour quoi, déjà ? Oui, pour in fine saluer le grand credo de la méthode Galthié qui, le premier sous nos latitudes, estima que la préparation d’une sélection nationale n’était efficiente qu’à la seule condition où elle soit réalisée à balles réelles, à pleine puissance et en se rentrant dignement dans la courge. Belle idée arrachée, en fait, à ce que conceptualisa au 18 ème siècle le général russe Alexandre Souvorov, connu pour n’avoir jamais perdu une bataille et qui, en pleine taïga ou sur une plaine, avait pour habitude de faire charger mille de ses hommes en direction de mille autres, quitte à ce que ce doucereux préliminaire à la guerre fasse quelques victimes.

Vite, des gardes du corps à Jalibert !

Au bout du bout, on se dit finalement que si cette victoire inaugurale reste diablement emballante et a de quoi entretenir une flamme qu’auraient pu bientôt menacer la pâleur des prochains rounds face à l’Uruguay, la Namibie ou l’Italie, elle nous renvoie aussi à la marge de progression considérable de cette équipe de France, quelque peu empruntée balle en mains et foutrement passive, lorsqu’il fut question de clouer au sol les attaquants néo-zélandais. Et il semble urgent, au vu des antécédents médicaux de Jonathan Danty, que Yoram Moefana retrouve la toute-puissance qui avait fait de lui le meilleur joueur de la dernière tournée des Bleus, au Japon. Tout comme il semble indispensable à cette équipe de France de trouver une parade à la globale aversion de Matthieu Jalibert pour l’exercice du plaquage, quitte à entourer le golden-boy de Gironde d’une garde prétorienne spécifiquement dédiée à sa protection comme le sont, ailleurs, les flankers celtes Peter O’Mahony et Josh van der Flier, les jours où les rivaux de l’Irlande s’en prennent à l’intégrité physique de Johnny Sexton, semble-t-il sujet aux migraines. « Pour moi, nous confiait récemment le sélectionneur australien Eddie Jones, l’avenir de cette équipe de France est néanmoins radieux. Les Springboks sont très forts mais comme les Anglais, les Irlandais ou les Argentins, ils jouent ensemble depuis très longtemps… À quel point peuvent-ils encore s’améliorer jusqu’au Mondial ? Je m’interroge... La France est a contrario une très jeune équipe, à la fois redoutable et largement perfectible ». Alors, on danse…

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Les commentaires (5)
JiHache Il y a 7 mois Le 09/09/2023 à 19:40

Superbe exercice journalistique, digne des plus grands : du lyrisme, de la poésie, mais à partir d'un socle d'analyse lucide et précis. Chapeau l'artiste, du grand art !

CasimirLeYeti Il y a 7 mois Le 09/09/2023 à 15:16

J'ai jamais autant aimé Eddie Jones, je lui claquerais même une bise sur son front de Gollum, si je le croisais... Pour ce qui est de la défense de Jalibert, mettre Vincent en 12 pourrait fortifier notre barricade !

Tatane86 Il y a 7 mois Le 09/09/2023 à 14:08

Sachons raison garder, Félicitations soutenues, à ce qui n'est plus un exploit ! aux vues des blessés notre équipe type sera prête en 1/4 voire en 1/2 ... et là, tout encore en raison gardée, je ne suis pas sûr qu'une autre nation soit dans nos mêmes dispositions athlétiques ... seul le terrain parlera ! encore Bravo !