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L'édito : les arbres montent parfois au ciel

  • Antoine Dupont et les Français sont à l'aube d'une Coupe du monde qui s'annonce électrique.
    Antoine Dupont et les Français sont à l'aube d'une Coupe du monde qui s'annonce électrique. Abaca / Icon Sport - Abaca / Icon Sport
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Vous connaissez la chanson : tout ce qui est rare est cher. C’est donc un moment de grâce que nous nous apprêtons à vivre, précieux comme un trésor. Et c’est une de ces parenthèses au cœur desquelles l’espace-temps paraît suspendu, où le sport, plus justement ici le rugby, devient pour quelques semaines au moins le cœur battant de notre société, diffusant de la liesse et convoquant la foule des sentiments.

La dixième Coupe du monde de rugby est là, dressée devant nous ! Et la France est prête à accueillir la planète entière dans ses stades et ses restos. Cela va durer huit semaines, profitons-en gaiement. Le meilleur s’annonce, puisse-t-il tenir parole.

Vous l’aurez certainement capté : comme pour mieux célébrer le présent, c’est un parfum de jadis qui s’est mis à flotter depuis quelques jours, manière de se rassurer. On s’est souvenu de tout des Coupes du monde, et plus encore des belles choses : l’essai de Serge Blanco en 1987, ceux d’Émile Ntamack en 1995, de "Domi" (Christophe Dominici) en 1999, de Yannick Jauzion en 2007 et de Thierry Dusautoir en 2011… Autant d’images, belles, polies et confortables, qui nourrissent notre pouvoir de résilience et forgent l’espoir d’un à venir encore plus grandiose.

Alors oui, en dansant sur les braises encore incandescentes de la Coupe du monde de football 1998 et celles, plus refroidies, du Mondial de rugby 2007 (notre symphonie inachevée), France 2023 a pris date comme jamais aucun autre événement rugby n’avait su le faire auparavant. La promesse est là, merveilleuse : remplir tous les stades et tous les troquets, avoir à vivre tant de moments et à partager tant d’émotions sur l’air de la fête et du vivre ensemble qui subliment notre discipline.

Impossible, à cet instant, de ne pas avoir une pensée pour Bernard Laporte et Claude Atcher. Ce sont eux qui, un jour de 2017, ont offert ce Mondial imprévu au destin du rugby français. En décrochant la lune, ils nous avaient aussi fait comprendre que les arbres peuvent parfois grimper au ciel.

Mais ne vous y trompez pas : si l’événement véhicule une telle ferveur, cela ne doit pas seulement au folklore ou à l’image enfin redevenue positive d’un sport qui a longtemps bouffé son pain noir… C’est qu’il se pose ici sur une génération tricolore quasi unique en son genre, déboulant autour du phénomène Antoine Dupont, avec des joueurs majeurs capables de figurer dans n’importe quelle autre sélection mondiale. Le sportif l’emporte toujours.

C’est enfin que le rugby français a su, ces dernières années, se mettre en ordre de marche dans le sillage de Fabien Galthié. Là encore, c’est une première. Jamais un sélectionneur n’avait bénéficié d’autant de moyens pour préparer ses hommes et façonner son projet. Galthié a fait taire les sceptiques, rassemblé les chapelles et rallié aux Bleus toutes les forces vives du rugby français au gré des succès accumulés depuis le Tournoi 2020.

Le blason est redoré, mais le plus dur est encore à venir. Il reste désormais à "se payer" en décrochant le premier titre de champion du monde chez les grands, cette ligne majuscule qui nous fait défaut et qui fait encore toute la différence avec les Anglais, Australiens, Sud-Africains et Néo-Zélandais. Eux sont champions, pas nous.

Clairement, ce Mondial 2023 est la chance du rugby français qui, s’il ne supplantera jamais le football sur le terrain de l’universalité, peut enfin changer de catégorie et regarder plus haut qu’il ne l’a jamais fait. C’est ainsi l’occasion directe de remplir les écoles de rugby et les effectifs, d’élargir l’audience et remplir les caisses, de faire tomber ses barrières et de donner de l’air aux clubs amateurs. Et finir par légitimer un modèle anachronique, caillou sportif dans la chaussure de World Rugby qui n’en reste pas moins le principal poumon économique du rugby mondial…

Allez, ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Avant de penser à laisser une trace indélébile pour l’histoire, le XV de France ouvre le bal ce vendredi soir face à la Nouvelle-Zélande pour ce qui ressemble à l’affiche ultime. Sublime. La plus prestigieuse, tout simplement. Celle qui nous fait saliver et parfois même trembler ; celle dont nous rêvons tous depuis deux ans. Bref, ce France - All Blacks est tout à la fois : le match de tous les dangers et de tous les rêves ; le match "bascule", qui peut tout changer ; le match de gala par excellence, dont le jugement n’aura pourtant rien de définitif.

Messieurs, les Bleus, profitez-en, c’est cadeau ! Voici le premier rendez-vous du reste de votre vie posée au bout de la flèche du temps décochée par Galthié. Avec de quoi dédramatiser : ce doux rêve n’est finalement qu’une étape, fusse-t-elle royale.

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