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Coupe du monde de rugby 2023 - France - Nouvelle-Zélande - L'euphorie bleue face au mythe maori

Par Marc DUZAN
  • Cameron Woki s'élève dans le ciel du Stade de France, sous le regard attentif des supporters français.
    Cameron Woki s'élève dans le ciel du Stade de France, sous le regard attentif des supporters français. Icon Sport - Hugo Pfeiffer
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La formidable exaltation qui s’est emparée du pays depuis quelques jours aurait presque de quoi nous faire oublier qu’en amuse-gueule, ces All Blacks n’ont pourtant rien d’un aimable sparring-partner…

Nous sommes quelques-uns à croire que le France - All Blacks du 20 novembre 2021 fut le match le plus spectaculaire, le plus rythmé, le plus abouti de l’ère Galthié. Parce que les Bleus avaient ce soir-là passé quarante grains à la Nouvelle-Zélande, écorché jusqu’au sang la mythologie "black" et laissé au Stade de France quelques-unes de ces images inaltérables, au gré d’une vie : le doublé de Peato Mauvaka, la relance de Romain Ntamack et quelques autres ont ainsi fait leur nid, depuis, dans notre mémoire collective et de ce match enlevé, beau comme le diable, naquit surtout le prime espoir d’un titre mondial. Passée la bouffée d’émotion originelle, nous sommes aujourd’hui tout autant à nous heurter à la problématique suivante, au sujet dudit chef-d’œuvre : que valaient les All Blacks s’étant alors présentés à Saint-Denis ? Dans quel état de forme déplorable, en quel endroit d’extrême lassitude étaient donc rendus ces Tout Noir, ce soir où ils tombèrent sur bien plus forts qu’eux ? Et eux qui sortaient alors d’une tournée de trois mois où ils avaient tour à tour visité une dizaine d’hôtels et traversé plusieurs fuseaux horaires étaient-ils vraiment en capacité de survivre à l’intensité d’un test-match, qui plus est face à une équipe ayant fait de cette rencontre le point culminant de sa saison internationale ? D’évidence, non…

Et l’on a beau aborder l’actualité néo-zélandaise par tous ces aspects, on en revient toujours à l’issue suivante : ces All Blacks certes étrillés par les Springboks il y a quinze jours n’auront vendredi soir rien de comparable avec les spectres qui avaient, deux ans plus tôt, servi de faire-valoir à la sélection tricolore. Antoine Dupont, le capitaine des Bleus, en convient d’ailleurs volontiers : "Le France - Nouvelle-Zélande de novembre 2021 fut un moment incroyable : entre nous et le public, cela avait été ce soir-là du donnant-donnant, tant le Stade de France nous avait poussés ; ce match, les gens nous en parlent encore avec des étoiles dans les yeux." Mais ces Blacks, alors ? "Avant de perdre le dernier match de préparation face aux Springboks, les Néo-Zélandais en avaient gagné onze d’affilée et restent, face à nous, sur neuf victoires en dix matchs. Je ne me fais pas de soucis pour eux : ils seront prêts comme ils l’ont toujours été dans les grands rendez-vous."

La confrontation face aux All Blacks, qui plus est dans le cadre de la Coupe du monde, a tous les atouts d'une faffiche du rêve.
La confrontation face aux All Blacks, qui plus est dans le cadre de la Coupe du monde, a tous les atouts d'une faffiche du rêve. Icon Sport - Hugo Pfeiffer

Au plus vite, tâchons donc de biffer de nos mémoires le souvenir doucereux de l’automne 2021. Écartons d’autorité l’impression fallacieuse qu’a récemment laissée cette Nouvelle-Zélande trop longtemps réduite à quatorze, face aux Springboks (35-7). Et gardons seulement à l’esprit que les All Blacks ont remporté la Coupe du monde à trois reprises (1987, 2011 et 2015), n’ont toujours pas avalé leur dernier voyage en France et ont dominé le dernier Rugby Championship de la tête et des épaules, surclassant même, en juillet à l’Eden Park, les titans sud-africains dans le combat d’avants. Car la vraie nature néo-zélandaise se trouve là et pas ailleurs. Et considérer les coéquipiers d’Ardie Savea comme déclassés est au mieux une blague, au pire un blasphème. Au sujet de ce match d’ouverture, on choisit donc plus volontiers de retenir ce que nous contait récemment le sélectionneur australien Eddie Jones : "Ces deux équipes sont celles qui tapent le plus au pied, au niveau international : le Bleus usent en moyenne du pied long trente fois dans une rencontre et les All Blacks, quand Richie Mo’unga (l’ouvreur des Crusaders, N.D.L.R.) est titulaire, frappent tout autant. Celui qui négociera le mieux cette partie de tennis en soixante coups remportera donc la rencontre." Ça donne envie, Eddie… " Ce match se jouera sur un fait de jeu et ressemblera, en fait, à une partie de tennis à Roland-Garros où les deux adversaires se répondront d’abord depuis le fond du court avant de surprendre l’autre par un amorti près du filet. Mais qui de la France ou de la Nouvelle-Zélande réussira-t-elle le plus d’amortis ?"

Entre le rugby et le grand public, une collision toujours brutale…

En fait-on trop pour exorciser la peur d’un excès de confiance tricolore ? Peut-être… Toujours est-il que les derniers signaux entourant la sélection nationale n’augurent à nos yeux rien de bon et franchement, on se demande même dans quel traquenard sordide souhaite par exemple nous entraîner Olivier Magne, lorsque le grand "Charly" assure que "le match d’ouverture pourrait tourner à la boucherie" si les Bleus le décident. On se méfie aussi du genre de rodomontade qui fut récemment lancée à la bande à Galthié par Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports ("Vous êtes la plus belle équipe au monde !") ou le patron de celle-ci Emmanuel Macron ("Vous êtes l’équipe la mieux préparée !"). On se demande, in fine, si le XV de France absorbera mieux que son aînée de 2007 la pression populaire inhérente à l’évènement, folie douce dont on ne prit vraiment conscience qu’au jour où les Bleus investirent leur camp de base de Rueil-Malmaison en ayant au préalable été fêtés comme des champions du monde par 8 000 personnes… avant d’être aussitôt renvoyés à la relative confidentialité de leur sport par un col blanc qui, au micro, confondit Danty avec Bastareaud avant de souhaiter bonne chance à Sekou "Macoulou"

C’est que la collision entre rugby et grand public est parfois violente, mes seigneurs. C’est que dès lors que le pays se pique dans sa quasi-entièreté pour le rejeton de la soule, le XV de France se retrouve à gérer des problématiques auxquelles il n’est que peu souvent confronté. Le dernier clip de Greenpeace, qui montre un Stade de France submergé par une marée noire et tend à contester la légitimité d’un sponsor majeur de la compétition, est une problématique nouvelle, pour le XV de France et son entourage. Le préavis de grève lancé par les agents de la RATP pour l’ouverture du Mondial est un autre de ces phénomènes satellitaires qui sont traditionnellement étrangers à notre petit univers. Mais puisque depuis quelques jours, plus rien n’est vraiment normal, puisque tout, autour de ce XV de France, est même devenu totalement irrationnel, un député de La France Insoumise (Thomas Portes) a même demandé au ministère des Sports -et non sans un certain talent dans l’exercice de l’opportunisme politique- l’exclusion du groupe France de Bastien Chalureau, condamné en première instance pour des faits de violence à caractère raciste. Est-ce donc ça, le "chaos" dont parle à l’envi Galthié depuis trois ans ? Est-ce ça, la "contagion" que craignit tant le staff des Bleus au fil de son mandat ?

Toujours est-il que cette équipe de France -onze essais encaissés en quatre matchs, amputée de quelques cadors après un été meurtrier mais jurant sur ce qu’elle a de plus cher avoir jusqu’ici délibérément "caché son jeu "- s’apprête à vivre vendredi soir un moment que peu d’êtres humains connaîtront dans leur existence. Et l’on a beau nous seriner qu’une défaite tricolore n’aurait dans les faits rien d’irrémédiable, on a beau nous répéter que le match le plus important de la compétition sera bel et bien le quart de finale se dessinant face à l’Irlande ou l’Afrique du Sud, on reste certain, pour l’avoir vécu en 2007, qu’une défaite inaugurale au Stade de France plomberait largement le vent d’euphorie flottant pour l’instant autour de cette Coupe du monde…

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Les commentaires (2)
CasimirLeYeti Il y a 7 mois Le 08/09/2023 à 19:30

Attention, ne nous trompons pas d'objectif, la grande forme c'est à partir du quart de finale

Claude40 Il y a 7 mois Le 08/09/2023 à 16:41

Ce match ne peut échapper à l'EDF