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200 ans de rugby - France - Angleterre, un banquet mal arrosé

Par Jérôme Prévot
  • France - Angleterre, un banquet mal arrosé
    France - Angleterre, un banquet mal arrosé Midi Olympique
Publié le
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Bourré à l’après-rasage, le pilier anglais Colin Smart fait un malaise lors du banquet et finit à l’hôpital pour un lavage d’estomac. Une farce qui aurait pu très mal tourner.

La victoire des Anglais à Paris en 1982, 27 à 15, fut suivie d’un banquet appelé à rester dans les mémoires. Au beau milieu des agapes, entre les discours et leur traduction qui, c’est vrai, prenait du temps, l’assistance médusée vit le pilier anglais Colin Smart s’effondrer brusquement sur la moquette. Affolement, on s’en doute. Le docteur de la RFU, Leo Walkden, braqua une torche sur ses pupilles et comprit que le cas était sérieux. Il demanda un transport à l’hôpital le plus proche. Aujourd’hui, on penserait à un problème cardiaque ou à un malaise vagal. Mais à l’époque, on comprit tout de suite de quoi il s’agissait. Colin Smart, 32 ans, avait clairement forcé sur la boisson. Il venait de lever le coude en s’enquillant cul sec un flacon d’après-rasage.

Le voir tomber au champ d’honneur des troisièmes mi-temps si tôt dans la soirée conforta tout le monde dans l’idée que le rugby, même pratiqué à haut niveau, n’était pas un sport comme les autres. De plus, ce pilier anglais du club gallois de Newport avait quelque chose d’emblématique du rugby à l’ancienne, faisant bien quinze ans de plus que son âge officiel. Son crâne dénudé et sa silhouette généreuse le faisaient davantage ressembler à un épicier ou à un tenancier de pub qu’à un athlète de haut niveau.

En attendant, il fallut transporter le pauvre Smart aux urgences pour un lavage d’estomac express, dont il se remit finalement assez vite, sa robuste constitution venant à son secours. Le demi de mêlée anglais Steve Smith déclara à son sujet : "On voyait qu’il vivait un mauvais moment mais son haleine était vraiment très fraîche et très agréable."

Inénarrable Colclough

On se demande ce qu’il se passerait de nos jours après un tel incident ? La moralisation hypocrite battrait son plein, sans doute. À l’époque, l’affaire ne fit pas vraiment scandale, elle fut traitée sur le mode drolatique. Smart put même finir le Tournoi et jouer l’édition suivante.

Mais on découvrit ensuite la genèse de ce collapsus magistral. Le pauvre Smart avait été berné par son voisin de table, le colossal deuxième ligne Maurice Colclough, qui jouait en France, à Angoulême. Ce titan blond et frisé était une vraie figure, un aventurier toujours prompt à toutes les facéties, ce que son allure générale ne montrait pas forcément. Il fut un extraordinaire avant de devoir, un pousseur hors pair en mêlée, chelemard en 1980, huit fois Lion britannique et vainqueur des All Blacks en 1983, qui n’avaient plus perdu à Twickenham depuis quarante-sept ans. La légende disait qu’il était arrivé à Angoulême en auto-stop. Il y tint des cafés, parfois installés sur des péniches. Il représentait lui aussi ce rugby d’autrefois où les grands joueurs ne se prenaient pas au sérieux. C’est sûr, il savait s’amuser.

Avant le banquet, Colclough avait pris la fiole d’après-rasage que la FFR offrait aux convives. Il en avait vidé le contenu pour le remplacer par du vin blanc. Puis alors que les discours s’éternisaient, il avait entrepris de défier Smart dans un concours de boisson : une pinte de bière, une bouteille de vin rouge. Le pilier, chaque fois, releva le gant jusqu’à ce que Maurice Colclough saisisse le flacon, dévisse la bouteille et s’enquille la fameuse rasade de faux after-shave sans en souffrir le moins du monde. Le pauvre Smart tomba dans le piège : "S’il peut le faire ; moi aussi !" Ce fut sa perte. Il y gagna un séjour prolongé à Paris et un retour seul à Heathrow. Penaud, il avait téléphoné à son épouse, en omettant de relater l’incident. Peine perdue : elle l’apprit tout de suite après à la télévision. On n’a jamais su ce que Maurice Colclough avait pensé de l’incident. On suppose qu’il avait quand même dû se sentir dans ses petits souliers.

De retour à son domicile gallois après avoir expliqué la situation à sa compagne, Colin Smart écrit ensuite une lettre au docteur Walkden pour le remercier de lui avoir… sauvé la vie.

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