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Carnet noir - "Hors normes", "le sang jaune et bleu"... Jacques Rougerie, "Le Cube" de Montferrand, une histoire de légende

Par Clément Labonne
  • Jacques Rougerie est l’homme d’une sélection en 1973 face au Japon. Le pilier a passé la majeure partie de sa carrière à Clermont dans les années 70.
    Jacques Rougerie est l’homme d’une sélection en 1973 face au Japon. Le pilier a passé la majeure partie de sa carrière à Clermont dans les années 70. Photos ASM Rugby
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Jacques Rougerie s’est éteint ce samedi 12 août des suites d’une longue maladie. L’ancien pilier de l’AS Montferrand a marqué l’histoire du sport auvergnat et la ville de Clermont-Ferrand.

Une légende de l’ASM est montée au ciel. Jacques Rougerie s’est envolé le 12 août à l’âge de 78 ans, des suites d’une longue maladie. Surnommé "le Cube" en raison de ses mensurations impressionnantes pour un pilier, l’Ariégeois de naissance a porté le maillot jaune et bleu de 1968 à 1977. Mais Jacques Rougerie a d’abord débuté à Tulle, où son ancien coéquipier et ami, Jean-Pierre Romeu, en garde un souvenir "rugueux". "Le souvenir que j’ai de Jacques est ma première rencontre face à lui, lors de la saison 1967-1968. À l’époque, je jouais à Carmaux et je me rappelle qu’il m’avait plaqué à retardement… Ce n’est pas un très bon souvenir n’est-ce pas ?" plaisante l’ancien canonnier clermontois. "Mais ensuite, on a passé une dizaine d’années ensemble à l’ASM, il a arrêté bien plus tôt que moi en raison de ses études de dentiste, mais on était très proches. On l’appelait "le Cube" parce que c’était un pilier unique à l’époque. Il mesurait 1,80 m pour 110 kg et il avait une force de pénétration incroyable, il courait en boule. Jacques était un excellent joueur de rugby, il était physiquement hors normes, il allait très vite et c’était notre meneur, surtout pour les troisièmes mi-temps !"

Coéquipiers de 1968 à 1977, Rougerie et Romeu ont fait les quatre cents coups ensemble dans un rugby d’antan avec son charme et ses dérives. "C’était le numéro 1 pour faire la fête ! On suivait Jacques partout, et je me souviens d’une fois où nous étions à Besse (NDLR : village montagneux du Puy-de-Dôme) en plein hiver à manger des cuisses de grenouilles et à boire quelques coups… C’était rude comme on dit. On a fini au lac Pavin alors qu’il faisait un froid abominable !" poursuit Jean-Pierre Romeu, qui regrette de ne pas avoir vu son ancien coéquipier avec plus de sélections sous le maillot Bleu.

Une cape et Montferrand en étendard

Fer de lance du grand Montferrand des années 1970, marqué par un jeu d’avants destructeur, Jacques Rougerie n’a chanté la Marseillaise qu’à une reprise, le 27 octobre 1973, face au Japon. Ce soir-là, seuls deux représentants auvergnats portaient le maillot frappé du coq. Jacques Rougerie le Montferrandais et Victor Boffelli l’Aurillacois. Légende du club cantalien, l’ancien troisième ligne a passé quatorze saisons sous le maillot rouge et bleu (1968-1982). Cinquante ans après ce test-match face aux Nippons, l’ancien entraîneur de l’ASM (1992-2000) se souvient de ce moment unique partagé avec le Cube. "J’ai disputé avec lui sa seule et unique sélection contre le Japon à Bordeaux en 1973. On était les deux seuls auvergnats et je me souviens que nous avions passé beaucoup de temps ensemble avant et après cette rencontre. Il y avait de bons première ligne et il aurait très certainement mérité d’être titulaire plus de fois mais c’est le hasard des sélections. Il faisait partie de ce paquet d’avants de l’ASM qui a régné en maître pendant de nombreuses années sur le rugby français. Moi qui jouais à Aurillac, cela ne me faisait jamais rire de les affronter, et encore plus Rougerie qui en plus d’être puissant, était très technique et habile ballon en main. C’était un pilier moderne avec des décennies d’avance", se souvient Boffelli.

L’Audois de naissance explique également que Jacques Rougerie avait Clermont-Ferrand chevillé au corps. Après sa carrière de joueur, le père de "Roro" est devenu élu de la ville en compagnie de son épouse, Christine Rougerie-Dulac. Natif de Pamiers, le Cube est tombé amoureux de la métropole des Arvernes et du club jaune et bleu. "C’était un homme intelligent et capable de partager les grands moments de l’ASM avec les supporters. Il était constamment tourné vers les autres. Jacques était très impliqué dans la vie de Clermont-Ferrand et était exceptionnellement attaché au club. Les couleurs jaune et bleu coulaient dans son sang. C’était vraiment dur d’affronter Montferrand à l’époque, quand il était titulaire", raconte Victor Boffelli.

Jacques, père d’Aurélien

Mais Jacques Rougerie a surtout passé son après-carrière à s’occuper de ses fils Baptiste, Victor et Aurélien. Après avoir raccroché les crampons au Stade clermontois en 1980, le Cube est devenu chirurgien-dentiste, tout en observant "Roro" marcher dans ses pas rugbystiques. "Aurélien ? Son père lui a donné ses qualités physiques à la naissance !" s’amuse Jean-Pierre Romeu. "Hormis cela, Jacques n’a pas été un père qui a étouffé son fils. Au contraire, il l’a accompagné doucement, il était très très fier de lui." Victor Boffelli garde le même souvenir de Jacques, père d’Aurélien, lorsqu’il entraînait les Jaune et Bleu à la fin des années 1990. "Avec Jean-Pierre Laparra (NDLR : entraîneur aux côtés de Boffelli), on a été les premiers à mettre le pied à l’étrier à "Roro". Il a fait ses grands débuts avec nous et Jacques venait tout le temps à l’entraînement. Il venait souvent me voir pour savoir comment il allait, si j’étais content de lui etc. Il le couvait avec la distance, la classe et l’intelligence qui le caractérisait." Comme son père, Aurélien Rougerie est vite devenu le visage de Montferrand, puis Clermont, mais avec plus de réussite en équipe de France (76 sélections). Jamais bien loin de son fils et du rugby, Jacques Rougerie a lancé avec Jean-Pierre Romeu l’amicale des anciens joueurs montferrandais, pour rendre hommage à tous les joueurs qui ont porté le maillot jaune et bleu, des cadets aux professionnels.

"Le Cube" a également été le président d’honneur du Bouclier Arverne, un club de supporters de Clermont, fondé en 2000. Alain Néron, président actuel, s’est vite lié d’amitié avec l’ancien pilier montferrandais. C’est avec beaucoup d’émotion qu’il se confie sur l’importance de Jacques Rougerie. "Je suis très affecté. On rendra un hommage à Jacques dans les semaines qui viennent puisqu’il nous a fait la mauvaise surprise de partir pendant les vacances. On organisera quelque chose pour lui c’est certain. À l’époque de la création du Bouclier Arverne en 2000, on cherchait un président d’honneur qui pourrait représenter les historiques de l’ASM et quelqu’un qui avait suffisamment de personnalité. Il a accepté très vite et depuis on a toujours été amis. On a fait des déplacements qui ne manquaient pas de saveurs, notamment à Toulouse, Brive ou à Castres. J’ai des moments plus personnels qui étaient très forts, comme les mariages d’Aurélien et de Baptiste. C’est un monument qui est parti." En guise de dernier souvenir, Jean-Pierre Romeu était venu voir "le Cube" en juillet dernier. Ensemble, les deux hommes ont "surtout parlé de l’ancien temps. Il adorait qu’on se remémore les soirées qu’on avait passées ensemble." Un symbole, pour l’un des grands piliers de Montferrand.

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