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Coupe du monde 2023/XV de France - 511 jours plus tard, Gabin Villière voit enfin la lumière au bout du tunnel

Par Mathias Merlo
  • Gabin Villière fera son retour face à l'Ecosse ce samedi.
    Gabin Villière fera son retour face à l'Ecosse ce samedi. Icon Sport - Icon Sport
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Titulaire face à l’Écosse, Gabin Villière s’apprête à vivre un moment fort en émotion pour son retour avec les Bleus. Ses proches racontent de manière intime comment l’ailier a vécu ces longs mois de galères et de doutes.

« Gabin, c’est Gabin. Gabin, il n’y en a qu’un. » En novembre dernier, Franck Azéma allait droit au but en évoquant le premier retour de Gabin Villière. Mais il faut rembobiner un peu plus la cassette, à l’essence même où la France de l’ovalie s’est éprise d’affection pour ce gamin de Vire, aux mensurations détonantes (1,80 m, 93 kg) dans ce rugby entouré de golgoths, pour comprendre la maxime de l’ex-manager du RCT.

C’était un 19 mars 2022, un soir frisquet où le Stade de France s’était transformé en boîte de nuit en plein air. Sous les feux d’artifice, Villière s’enlaçait avec ses compagnons au terme d’un succès face à l’Angleterre, qui permettait de valider un dixième grand chelem tant attendu et désiré. L’Ovni de l’aile en a été un des grands artisans, dévorant tout sur son passage les minutes de jeu - il n’a manqué aucune seconde des quatre rencontres -, les rucks, et les espaces à l’image de son triplé contre à l’Italie. À son firmament, le Normand a sécurisé sa place chez les « Bleus premiums ». Sa treizième sélection lui est promise pour la tournée d’été, ou au plus tard pour celle d’automne, avant un chemin royal vers la Coupe du monde.

Dans les tribunes, Jade, sa compagne depuis quatre ans, ne se doutait pas encore des épreuves qui attendaient son guerrier durant les 511jours qui suivront ce premier titre avec le XV de France. « Tout allait vraiment super bien, puis il y a la première blessure face à Lyon, à Marseille (en finale de Challenge Cup, le 27 mai 2022, NDLR). Il a mis longtemps à revenir mais sur toutes ses blessures, la plus rude a été la deuxième. »

Le mois de novembre s’achevait, Azéma en profitait pour décrire l’importance de « Gab », avant que sa cheville et sa main ne craquent tour à tour à Jean-Bouin, face au Stade français Paris. « Celle-là… Ça a été celle de trop, poursuit Jade. Il a essayé de me faire croire que ça allait, mais il avait perdu un truc en lui. Ça a été dur psychologiquement. Je l’ai poussé à se faire aider avec quelqu’un d’extérieur. Mais, ce n’est pas dans son tempérament, ni dans sa personnalité. On a beaucoup parlé durant cette période, et il m’a toujours dit que ma présence et nos discussions lui suffisaient. »

Malgré l’inquiétude légitime des proches, l’ex-Rouennais a serré les dents, et fini par rendre un hommage à celle qui a partagé ses angoisses, dans nos colonnes, en juin dernier. « Ce n’est jamais facile pour nos compagnes, car on ne peut rien faire après les opérations. Je n’étais pas mobile, et il y a eu des périodes compliquées dans la vie de tous les jours lorsque j’étais plâtré. J’avais le sentiment de ne pas servir à grand-chose. Mais, elle était là, je pouvais compter sur elle et sa force. Je sais que je n’étais pas facile. Elle a été d’un énorme soutien pour traverser cette longue épreuve. »

Comme un lion en cage

Sans aucune possibilité de se dépenser, le guerrier a parfois peiné à contenir en son sein la boule de feu qui le consumait. Il errait sur le canapé, sortait moins, tout en se raccrochant à une lueur d’espoir. Au fond, cet incroyable destin à haut niveau n’a été qu’une petite parenthèse irréelle. Sur son chemin vers Toulon et les Bleus, rien n’a été facile, ni donné, notamment au moment où les centres de formation ont fermé les portes à ce joueur à part. Il le savait, au bout de ces blessures, il y a le rêve d’une vie. « Cette Coupe du monde l’a fait tenir, heureusement qu’elle était là, avoue Jade. Sinon je ne sais pas vraiment comment il aurait pu tout surmonter. »

Début février 2023, après un seul match de championnat, il est appelé sous la bannière bleu blanc rouge. Fabien Galthié met alors en avant un de ses mantras : le devoir de mémoire. Son soldat du 6 Nations et de la Coupe d’automne des nations a mérité de revenir, quand bien même il ne cumule que deux rencontres sur les huit derniers mois. Cartésien de nature, Villière a cru à la fin du cauchemar. Manqué. Il s’est même étiré à Capbreton, devenu depuis le lieu du bonheur, sur un plaquage anodin. La sanction est connue, tant cette douleur lui est devenue familière : énième fracture du péroné. « Il y avait une inquiétude générale immédiate car on sait tous ce qu’il a traversé pour être là, se remémore Teddy Baubigny, un ami proche depuis leur première cape. Quand il m’expliquait sa sensation, j’ai le sentiment avec le recul qu’il dédramatisait la douleur. Il était un peu paniqué, mais il ne voulait pas nous inquiéter. C’était un sentiment étrange. On le rassurait, mais on était conscient de la réalité. Ça a été un coup dur pour le groupe. »

Cette cheville à nouveau en lambeau a généré de la crispation chez les Bleus, et à Toulon par le biais d’Azéma : « Je ne vais pas vous cacher qu’on aurait préféré qu’il fasse une semaine de plus ici. C’est le jeu de la sélection, c’est comme ça… C’est toujours facile de dire, on aurait pu faire comme ceci, mais on aurait aimé garder Gabin un peu plus longtemps. »

Mais au-delà du physique, ce sont les plaies mentales qui ont continué à inquiéter ses plus proches. « On a eu mal parce qu’on a senti qu’il était habitué à vivre ça, que c’était devenu presque la normalité pour lui d’être blessé, se désole Jade. C’est ça qui était le plus triste. Mais il a tellement mûri sur cette dernière blessure notamment sur sa manière de voir le rugby. » C’est-à-dire ? « C’était devenu stressant, car il ne prenait pas conscience des choses. Il a toujours voulu revenir plus vite que la normale sur les premières blessures, car il ne sait pas faire autrement qu’être à 100 %. C’était devenu dur à vivre pour tout le monde. D’un coup, il a décidé de prendre soin de son corps aussi bien pour lui, mais avant tout pour ses proches. Il est entré dans ce processus en se servant des derniers, et en évitant les choses qu’il ne fallait pas faire. »

« Ce match face à l’Écosse, c’est un peu comme un enfant avant d’aller à Disney »

À l’approche de la Coupe du monde, la sagesse gagne l’esprit du casse-cou. Lancé dans le grand bain fin avril lors de la demi-finale de Challenge Cup face à Trévise, sous la pluie varoise, Villière est ressorti indemne à première vue du rude affrontement. Il ne réapparaît pas sur les deux journées de Top 14 qui ont suivi. Toulon a feint une maladie, mais les murs du RCT Campus ont susurré à plusieurs acteurs des douleurs toujours présentes aux chevilles. « On n’a pas hésité à le remettre sur les feuilles, c’était une évidence à partir du moment où il pouvait jouer dans la pleine capacité de ses moyens, confie Mignoni. Ce n’était pas le cas après Trévise pour plusieurs raisons que je garde, mais depuis, il a retrouvé ses aptitudes. Il transmet une telle énergie naturelle. Il fait partie des joueurs qui peuvent être un jour capitaine d’une équipe, même en étant au poste d’ailier, ce qui est plutôt rare. Il a du charisme. Un peu comme mon « Domi », il montre l’exemple sur le terrain. »

Couronné en Challenge Cup, dans une finale terminée à l’heure de jeu sur une commotion, Villière s’est senti redevenu légitime dans le groupe dès l’avant-match. « Je conserve cette image de lui dans le vestiaire, il était déterminé comme rarement, raconte le talonneur du RCT. Il prend la parole lors d’un discours pour motiver tout le monde. On se regarde en sachant d’où il revient et ça impose un respect immédiat. Il a la parole rare, mais elle est juste. Ça a fait un effet domino sur le groupe. Deux jours après, on s’est refait la finale ensemble à la maison. Au bout d’un quart d’heure, je lui dis : « Tu te rends compte du nombre de rucks où tu fous ta tête. Ce n’est pas ton boulot. » Il était mort de rire. »

Si elle aimerait parfois qu’il « dose » cette hyperactivité pour lui éviter des frayeurs, Jade savoure la renaissance de son compagnon. « Je pense qu’il s’est posé la question de savoir s’il arriverait à rejouer à 100 %, et aujourd’hui, je le sens bien plus prêt que sur la fin de saison avec Toulon. C’est un autre Gabin que je retrouve sur le terrain, mais surtout en dehors. Le changement est impressionnant. Ça fait longtemps que je ne l’avais pas vu si heureux. Il est plus souriant, comme s’il était apaisé. Gabin est quelqu’un de calme et serein, hormis quand il est sur le terrain. Il redevient celui qu’il était. Il a chassé ses angoisses et son stress du passé. »

À l’orée de porter le maillot frappé du coq, l’anxiété revient-elle ? « Il est surexcité, se marre-t-elle. Il a l’air de prendre ça avant tout comme du bonheur. Il a trop hâte d’y être. Ce match face à l’Écosse, c’est un peu comme un enfant avant d’aller à Disney. Il est heureux, même si je pense qu’il n’est pas pleinement serein. Mais entre nous deux, c’est moi la plus stressée ! Je ne sais même pas si je vais pouvoir regarder le match. J’ai encore peur qui lui arrive quelque chose… »

L’anecdote arrache un sourire à Baubigny. « Je n’ai pas encore eu Gabin, mais je suis certain qu’il est pleinement enjoué et déterminé. Il est prêt à savourer le moment. Pour Jade, vous pouvez écrire qu’on le regardera pour elle. On lui racontera ! Perso, j’ai très hâte de le voir sur ce match avec le maillot du XV de France (rires). » Avec lui, il ne fait aucun doute qu’il y aura d’autres millions de téléspectateurs prêts à savourer le retour de l’homme au casque rouge.

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Les commentaires (4)
Vieux15 Il y a 8 mois Le 11/08/2023 à 13:26

Bravo à Jade pour sa patience, sa compréhension, en bref son amour!
Et bravo à Gabin pour sa persévérance face à l'adversité: tu vas nous faire une COupe du Monde d'Enfer!!!

Lynette Il y a 8 mois Le 10/08/2023 à 17:53

C'est vrai qu'il est partout sur le terrain; cela lui vient sûrement du jeu à 7; je lui souhaite une belle rentrée et que la scoumoune prenne un autre chemin loin de nos Bleus!

DanylAuvergnat Il y a 8 mois Le 10/08/2023 à 15:47

il va encore jouer dans les ruck et finir blessé