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XV de France / Coupe du monde rugby 2023 - Paul Willemse : "À 16 ans, mon père m’a foutu dehors"

  • Paul Willemse : "À 16 ans, mon père m’a foutu dehors"
    Paul Willemse : "À 16 ans, mon père m’a foutu dehors" Icon Sport
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Ses blessures à répétition, ses doutes, ses performances en demi-teinte lors du dernier Tournoi, Paul Willemse n’a occulté aucun sujet au cours de cet entretien. Avec beaucoup de franchise et de lucidité, il s’est confié comme rarement, livrant au passage quelques épisodes méconnus de sa vie personnelle avec une émotion non feinte. Mais toujours avec le sourire.

Vous avez été ménagé la semaine dernière sur les débuts d’entraînements, comment se portent vos ischios ?

Tout va bien. Si j’ai été ménagé, c’est juste par précaution. Il n’y a rien de grave. Si l’on excepte les courbatures normales d’une préparation très intense, je me sens très bien.

Avant la préparation, vous aviez confié être un peu inquiet par rapport à la gestion de votre poids durant la préparation. Qu’en est-il ?

La santé, le poids, ce sont des choses que je peux contrôler. Je voulais donc mettre tout en œuvre pour ne pas avoir de souci. Je ne suis pas parti en vacances pour pouvoir bien me préparer avant le stage à Monaco. Je me suis entraîné quatre ou cinq jours par semaine, justement pour ne pas avoir de mauvaise surprise avec mes ischios et être à mon poids de forme. Et heureusement que j’ai fait ce choix.

Pourquoi ?

Parce que je voulais arriver au stage de Monaco à mon poids de forme, entre 126 et 127 kilos. J’étais un peu comme un boxeur durant cette période (rires).

Après une saison 2021-2022 exceptionnelle avec le XV de France, vous avez semblé marquer le pas, notamment dans le Tournoi 2023. Partagez-vous ce sentiment ?

Vous savez, les tâches effectuées sur un terrain par un deuxième ligne, ça ne se voit pas forcément. Un plaquage, un ruck ou un déblayage, ça se voit beaucoup moins qu’une percée de dix mètres. Moi, j’aime les ballons portés, les mêlées… C’est ma priorité. Et si je peux faire quelques extras, tant mieux. C’est ce qui s’est passé notamment dans le Tournoi des 6 Nations 2022. Malheureusement, cette année, j’ai été contrarié par mes ischios. J’ai quand même subi quatre déchirures en un an. À chaque nouvelle rechute, je perdais confiance. Sur le terrain, j’avais ça dans un coin de la tête. Je me disais : "Il faut que ça tienne, il faut que ça tienne." Et dans le Tournoi, ça n’a pas loupé : ça a craqué lors du quatrième match et je n’ai pas pu jouer le dernier contre le pays de Galles.

Avez-vous craint de rater cette préparation de la Coupe du monde à cause de ces blessures à répétition ?

Oui, j’y ai pensé. Je n’ai pas beaucoup joué la saison dernière. Ni avec le MHR, ni avec les Bleus puisque j’ai raté la tournée de novembre. Je voulais absolument revenir pendant le Tournoi. J’ai fait le maximum… Mais ça a été compliqué. Heureusement, aujourd’hui, je me sens vraiment bien. Jamais ma masse grasse n’a été si bonne (rires).

Avez-vous adapté votre alimentation pour atteindre ce résultat ?

J’ai surtout été plus strict ! J’ai sacrifié mes vacances. De toute façon, je n’avais pas besoin de souffler, je n’avais pas beaucoup joué (sourire). Je ne voulais pas arriver à Monaco en me disant : "Oh la la, je dois perdre du poids." Parce que mon poids a forcément une influence sur mes blessures, j’en suis persuadé. Quand je faisais 135 kilos, je me levais le matin, j’avais mal partout. Bref, aujourd’hui, j’ai vraiment l’esprit tranquille.

Le staff des Bleus vous avait-il sensibilisé sur cette question ?

Au tout début, oui. Aujourd’hui, ce n’est plus un sujet.

Vraiment ?

Quand je suis arrivé en équipe de France, je pesais 135 kilos. Là, c’était un vrai sujet. Fabien (Galthié) avait été très bon avec moi. Je lui avais posé la question : "Combien veux-tu que je pèse ?" Il m’avait alors regardé bizarrement et m’avait répondu : "Et toi, quel poids veux-tu faire ?" Il avait ajouté : "Tant que tu peux faire tout ce qu’on te demande en restant à 135 kilos, ne change pas. Mais si tu penses que ce sera plus facile pour toi en perdant du poids, alors fais-le." C’est la première fois qu’un entraîneur ne m’a pas donné un objectif bien précis à ce sujet. En fait, il m’a fait comprendre que c’était ma responsabilité, pas la sienne. Ça a été un vrai déclic. Et je regrette de ne pas avoir fait ces efforts plus tôt dans ma carrière.

Vous êtes identifié comme un joueur "premium" au sein du XV de France. Pourtant, vous allez disputer ce premier match contre l’Écosse, réservé aux joueurs qui doivent prouver qu’ils peuvent avoir leur place dans la liste des "33". Comment le vivez-vous ?

Aucun souci avec ça. Je n’ai quasiment pas joué la saison dernière, j’ai besoin de temps de jeu. Et puis, comme il y a beaucoup de jeunes dans cette équipe, je vais apporter mon expérience. Pour moi, c’est le scénario parfait.

Pendant plusieurs mois, il y a eu le feuilleton "Emmanuel Meafou en équipe de France". Comment l’avez-vous vécu ?

Ce qui m’a agacé, c’est qu’à mon arrivée en Bleu, il y avait eu beaucoup de critiques parce qu’on disait qu’il y avait un nouveau joueur étranger en équipe de France. Or, pour le cas d’Emmanuel Meafou, tout le monde semblait s’enthousiasmer. Ça, ça m’a énervé. Je l’ai mal vécu. Mais pour le reste, aucun souci. Les meilleurs joueurs doivent jouer en équipe de France. Après, attention, le Top 14, ce n’est pas le niveau international. Je sais de quoi je parle et je sais les efforts que j’ai faits pour adapter mon poids à ce niveau-là.

Romain Taofifenua est blessé pour trois semaines et ne pourra pas jouer avant l’annonce de la liste des 33 joueurs retenus pour le Mondial. La blessure est-elle quelque chose qui vous hante en ce moment ?

Tous les joueurs ont ça dans un coin de la tête. Si un mec fait une blague en disant : "J’espère que personne ne va se péter cette après-midi", tout le monde change de tête. On n’a pas envie de rigoler avec ça. C’est vrai toute l’année, mais c’est encore plus vrai juste avant une Coupe du monde. Si tu la rates, tu dois encore attendre quatre ans. Si ça devait m’arriver, je ne sais pas où je serais dans quatre ans. J’ai bientôt 31 ans…

Parlez-vous de vos bobos facilement ?

Je m’intéresse beaucoup aux sports de combat comme le MMA par exemple. J’y apprends beaucoup de choses. Je me souviens avoir lu un témoignage d’un combattant de MMA qui expliquait qu’il fallait mieux parler facilement de ses blessures pour s’ôter un poids de la tête. Avant cette lecture, je préférais cacher mes douleurs. Mais c’était toujours présent au fond de moi. Aujourd’hui, je préfère jouer l’esprit totalement libéré.

Aimez-vous chercher des solutions dans d’autres sports ?

Oui et je vais vous donner un exemple. Je crois que je suis un garçon gentil, plutôt calme. Sauf que dans le rugby, ça ne m’aidait pas. J’ai vite compris que sur un terrain il fallait être un peu con, un peu méchant. Au début, je n’y arrivais pas. Ce n’était pas moi. Et en lisant différents témoignages, j’ai commencé à voir le rugby comme un spectacle. Aujourd’hui, pour moi, un match c’est comme un film. Et je suis un acteur qui doit performer (sic). J’aime faire mal sur un terrain alors que ce n’est pas moi dans la vie de tous les jours.

Est-ce un travail mental que vous faites tous les jours ?

Oui, mais là encore, je m’inspire de ce qui se fait dans les sports de combat. J’ai lu notamment comment Tyson Fury a réussi à battre Wladimir Klitschko en 2015. Quelques années plus tôt, avec d’autres jeunes boxeurs, il avait fait un stage dans le centre d’entraînement de Klitschko. Un vieil entraîneur américain qui travaillait avec Klitschko lui avait dit : "Tu sais que Wladimir est le roi du sauna, montre-lui le respect. Il aime sortir le dernier après que tout le monde soit parti." Fury a raconté qu’il savait que pour devenir le meilleur boxeur du monde, il devait réussir à rester plus longtemps dans le sauna que Klitschko. C’est ce qu’il a fait et quelques années plus tard, il l’a battu. Cette histoire m’a marqué très fortement.

À ce point ?

Oui, parce qu’il a toujours fallu que je me batte pour réussir. J’ai grandi à Pretoria avec le rêve de jouer pour les Bulls. Seulement, à 16 ans, mon père m’a foutu dehors parce qu’il s’est remarié avec une nouvelle femme. Je suis donc parti vivre avec ma mère en Namibie. J’ai cru à la fin de mon rêve de rugbyman aux Bulls. J’avais 16 ans et j’étais un peu désespéré. Je jouais dans un club en Namibie sans trop y croire. Et puis, un jour, nous sommes partis en stage à Pretoria. Nous avons donc fait la visite du stade des Bulls où il y a un long tunnel pour entrer sur la pelouse. Quand je suis arrivé à l’entrée, je me suis arrêté. Je n’ai pas pu aller plus loin. J’avais trop d’émotions en moi.

Pourquoi ?

Parce que mon rêve, c’était d’entrer sur cette pelouse avec les maillots des Bulls sur les épaules. Pas en simple visiteur. J’ai donc fait le tour et pris un autre chemin sans rien dire à personne pour entrer sur la pelouse. Pour moi, c’était impossible de faire autrement. Et quatre ans plus tard, j’ai finalement réalisé ce rêve en empruntant ce tunnel avec le maillot des Bulls.

Qu’est ce qui vous a finalement permis de réaliser ce rêve quatre ans plus tard ?

La volonté et la force de croire en mes rêves, comme Tyson Fury. Je vous raconte une anecdote. Après cette saison en Namibie, j’ai réussi à entrer dans une école à Johannesbourg, ce qui m’a permis de jouer pour les Lions. Seulement, j’ai été obligé de mentir à ma mère. En fait, mon internat était du lundi au vendredi. J’ai dit à ma mère que c’était sept jours sur sept. Sinon, elle ne m’aurait pas laissé partir.

Comment faisiez-vous le week-end ?

Je dormais à droite, à gauche. Chez des copains… Je me débrouillais comme je pouvais. Mes parents n’étaient pas riches et je savais que le rugby était ma seule chance dans la vie. Ça m’a donné une force immense. Au départ, le rugby n’était qu’un rêve. Mais quand j’ai eu des difficultés avec mon père, c’est devenu un objectif. Sans le rugby, j’aurais basculé du mauvais côté de la vie. Et aujourd’hui, je suis là, en équipe de France avec un nouvel objectif : jouer et gagner la Coupe du monde.

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Les commentaires (4)
Espytrac Il y a 8 mois Le 04/08/2023 à 11:15

Merci Paul pour tant de sincérité.

CasimirLeYeti Il y a 8 mois Le 04/08/2023 à 03:08

J'espère pour nous qu'il touchera ses adversaires d'une façon radicalement différente de celle qu'il vient d'employer avec nous...

fojema48 Il y a 8 mois Le 03/08/2023 à 18:21

Bon mec !

Arctus Il y a 8 mois Le 04/08/2023 à 10:38

Oui, touchant...