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Coupe du monde de rugby 2023 - Matthieu Jalibert (Bordeaux-Bègles) : "Je préfère être dans la case des joueurs offensifs"

  • Matthieu Jalibert (France) face à l'Écosse
    Matthieu Jalibert (France) face à l'Écosse - Icon Sport
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Conscient que la hiérarchie semble aujourd'hui fixée à son poste pour la Coupe du monde, avec Romain Ntamack en premier choix, le Bordelais sait qu'il peut aussi peser sur le cours des matchs avec les Bleus, notamment grâce à son audace et ses prises d'initiative. Un style qu'il assume et revendique.

On vous a vu sur les réseaux sociaux, pendant votre semaine de vacances, avec Cameron Woki. Vous ne pouvez vraiment pas vous quitter…

Nous sommes inséparables (rire). On n’a pas eu assez de temps ensemble à Monaco, donc il a fallu qu’on parte tous les deux.

Cela illustre-t-il la force de votre amitié ?

Plus sérieusement, Cameron est mon meilleur pote. Forcément, on aime passer du temps ensemble, et notamment sur des périodes de repos. Même si on ne pouvait pas partir très loin, nous sommes allés profiter d’une petite semaine au Pyla-sur-Mer, à côté de Bordeaux. On part souvent en vacances ensemble. C’est une personne que j’apprécie beaucoup, dont je me sens très proche. Depuis qu’il a quitté l’UBB, on a moins le temps de se voir. Donc, dès que l’occasion se présente, hors du rugby, on la saisit.

Vous vivez aujourd’hui cette aventure ensemble. Vous êtes-vous promis de participer tous les deux à la Coupe du monde ?

Est-ce une promesse ? Oui et non. Disons que, lorsque tu t’entends très bien avec quelqu’un, qu’il devient ton ami et que tu aimes passer du temps avec lui, c’est toujours agréable de vivre ce genre de choses ensemble, d’autant plus que le rugby est notre passion. Aujourd’hui, et depuis quelques années, nous avons la chance de connaître des moments incroyables en équipe de France tous les deux. Forcément, c’est plus sympa de le faire avec des gens qu’on apprécie.

Mathieu Jalibert et Cameron Woki lors du tour d'honneur des Bleus au Stadium de Toulouse après France-Japon
Mathieu Jalibert et Cameron Woki lors du tour d'honneur des Bleus au Stadium de Toulouse après France-Japon

Comment vivez-vous cette préparation jusque-là intense ?

Pour l’instant, elle est coupée en deux, avec une partie physique sans ballon et une autre plus axée sur le rugby. On a besoin de travailler sur nos capacités physiques, c’est obligatoire.

Mais un joueur comme vous doit apprécier de toucher souvent le ballon aussi…

Oui, le staff met en place beaucoup de séances avec ballon, ce qui nous permet de trouver rapidement des repères, de pouvoir progresser dans le jeu, sous fatigue, après des grosses séances. C’est cool d’avoir ce mélange des deux, parce qu’on reste des joueurs qui aiment toucher le ballon. Le plaisir vient quand les séances de physique sont finies (sourire).

Vous avez donc bénéficié d’une semaine de relâche et vous serez de nouveau libérés ce week-end. Est-ce important à vos yeux ?

Le staff essaye de trouver un équilibre entre le travail à Marcoussis ou à Monaco, où on a peu de temps de récupération, et ces moments de relâche où on peut revenir à la maison et voir nos familles. C’est très agréable, ça permet de penser à autre chose, même si on a eu du travail à effectuer la semaine dernière. Je ne pense pas qu’on en aura ce week-end. Franchement, passer du temps avec ses amis et ses proches aide à recharger les batteries. Ces coupures, même de deux jours, sont vraiment une bonne idée. Je peux vous dire qu’elles sont appréciées dans le groupe.

Le premier match de préparation, en Écosse, arrive dans huit jours. L’avez-vous déjà en tête ?

Oui. Le premier bloc, purement physique, est quasiment passé. Maintenant, on va entrer dans la compétition, dans le vif du sujet. Je crois que tout le monde est impatient d’y arriver. Forcément, c’est dans un coin de ma tête, avec l’objectif d’intégrer la liste des 33 joueurs le 21 août. Ces matchs de préparation sont des rendez-vous importants, il faudra être performant, répondre aux exigences du staff et se montrer sous son meilleur jour.

À chaque fois, à chaque rassemblement, tout est remis en question.

Vous faites partie intégrante du projet depuis quatre ans. Avez-vous une garantie d’être présent dans la liste finale ?

Non, je ne le prends pas du tout comme ça. À chaque fois, à chaque rassemblement, tout est remis en question. C’est en tout cas ma façon de voir les choses.

Mais vous avez des références dans le mandat de Fabien Galthié…

J’essaye de contrôler ce que je peux contrôler, d’être performant sur le plan physique et de faire la meilleure préparation possible. Après, le but sera de tenter d’enchaîner les matchs en répondant à ce qu’on me demande. Les choix seront faits par le staff mais, à titre personnel, je ne prends jamais les choses comme acquises. Ce serait la meilleure façon de se planter. À mes yeux, personne n’est indiscutable.

Le staff insiste d’ailleurs sur cette émulation en interne…

Oui, on a la chance de pouvoir travailler à 42, comme lors de chaque rassemblement. Cela permet de bien bosser, d’augmenter le niveau d’exigence, mais aussi de créer beaucoup d’émulation et de compétition aux différents postes. Cela tire tout le monde vers le haut et nous fait progresser. Je sais que ça nous aidera à être prêt le moment venu.

Vous aviez débuté tôt en sélection, en 2018, mais aviez connu une grave blessure au genou dans la foulée. Comment aviez-vous vécu le fait de rater la Coupe du monde 2019 ?

C’est vrai, j’avais eu la chance de commencer tôt, mais cette blessure m’avait empêché d’enchaîner. La Coupe du monde en 2019 a évidemment été un petit échec pour moi, même si je savais que j’étais jeune et que j’avais le temps de revenir.

Le Mondial 2023 était-il alors devenu un objectif suprême ?

Je l’avais bien sûr dans l’esprit, surtout que la Coupe du monde est en France. C’était un objectif personnel, dont j’ai fait une priorité. Mais il n’y a pas de revanche par rapport à 2019. Je dis souvent que cela fait partie de mon chemin et de ma carrière. De l’eau a coulé sous les ponts.

Matthieu Jalibert lors du stage monégasque avec les Bleus
Matthieu Jalibert lors du stage monégasque avec les Bleus

Vous avez connu quelques pépins physiques lors de la saison passée. Avez-vous eu peur, à quelques mois du Mondial ?

La crainte de la blessure, je ne l’ai pas vraiment. On fait un sport de combat, de contacts. Donc nous y sommes forcément sujets. Malheureusement pour moi, cela m’est déjà arrivé plusieurs fois. J’en ai un peu l’habitude, je sais comment le gérer. Même si, sur une année de Coupe du monde, c’est toujours un peu particulier…

C’est-à-dire ?

Quand je me suis blessé à la cheville (en mars, NDLR), je savais que j’avais le temps de revenir. Je ne me suis pas précipité, pour bien me soigner et être prêt pour les échéances futures.

Ces moments durs, qui vous ont par exemple fait rater le grand chelem 2022, vous ont-ils fait grandir mentalement ?

Chaque blessure permet de mûrir, de voir les choses différemment. Cela me construit en tant qu’homme. Il y a toujours des moments compliqués dans une carrière. Ce sont des échecs mais les avoir connus m’aide aujourd’hui à mieux gérer ce genre de frustrations. Je sais que je peux revenir plus fort à chaque fois.

Si une chose est marquante chez vous, c’est votre propension à prendre vos responsabilités…

Cela fait partie de ma personnalité, dans la vie de tous les jours ou sur un terrain de rugby. J’aime prendre mes responsabilités, j’aime aussi prendre des risques. Parfois, ça marche. D’autres fois, ça ne marche pas. Mais cela fait partie de moi et de mon jeu. Je considère que c’est une force.

Cette volonté de prendre des risques doit-elle être plus cadrée au niveau international ?

Suivant les profils des joueurs, le staff du XV de France fait ses choix mais appuie beaucoup sur les qualités de chacun. Les entraîneurs nous demandent surtout de jouer sur nos points forts. Prendre des risques, tenter des coups, cela en est un chez moi. Mais sans faire n’importe quoi non plus. Je sais rester dans le cadre demandé. Que ce soit en club ou au niveau international, j’ai une identité de jeu et j’essaye de rester dans ce que je sais faire. C’est une de mes qualités, même si cela ne m’a pas toujours réussi.

Mon profil est considéré comme offensif, il n’y a pas de raison que ça change.

Justement, on vous catalogue toujours comme un joueur offensif. Avez-vous parfois l’impression d’être réduit à cette image du garçon capable de réaliser des coups ?

Oui, on me met souvent dans cette case-là. Honnêtement, je préfère être dans celle-là que dans une autre. Cela me convient car c’est un de mes points forts, et je sais que c’est apprécié par le staff. Même si j’aimerais parfois qu’on me voit un peu différemment… C’est comme ça, c’est la vie et je ne me prends pas la tête. Depuis le début de ma carrière, mon profil est considéré comme offensif, il n’y a pas de raison que ça change.

Hormis lors de la tournée au Japon pour laquelle il était laissé au repos en juillet 2022, Romain Ntamack a débuté les quatorze derniers matchs du XV de France à l’ouverture. Avez-vous le sentiment que la hiérarchie à votre poste est figée pour la Coupe du monde ?

Je ne sais pas mais, au vu des derniers matchs, je pense qu’il y a un titulaire en place. Après, à chaque fois que je vais à un rassemblement, je veux donner le maximum et ne pas avoir de regret. Mon but, c’est de prendre tout ce qu’il y a à prendre. Ce n’est pas moi qui fais les choix, donc je me concentre juste à être le meilleur possible, à l’entraînement ou en match, pour répondre aux attentes du staff. On verra quelles décisions seront prises ensuite.

Mais on vous a vu, dans le rôle de finisseur cher à Fabien Galthié, peser sur le cours de certains matchs, comme face au Japon en novembre dernier, quand votre entrée avait été décisive…

Le rugby de haut niveau se joue aujourd’hui à 23. Que l’on commence ou que l’on finisse, on a toujours un rôle important à jouer. Celui de finisseur n’est pas forcément facile puisqu’on peut entrer en jeu dans des situations totalement différentes. Si on perd, si on gagne, si on a beaucoup d’avance ou très peu… Il faut être capable de gérer cette particularité. Mais, jusque-là, cela s’est plutôt bien passé pour moi. J’espère que ça va continuer.

Matthieu Jalibert lors de son match face à l'Australie en 2022
Matthieu Jalibert lors de son match face à l'Australie en 2022

En Irlande, en février, vous étiez entré à l’arrière. Voulez-vous cultiver cette polyvalence ?

Le fait d’avoir ce jour-là un 6-2 sur le banc (six avants et deux trois-quarts, NDLR), avec seulement moi pour couvrir le poste d’arrière, a donné au staff une option pour m’y tester. Je serai toujours plus à l’aise à mon poste de prédilection, à l’ouverture. Mais je dois être capable d’entrer en cours de jeu à l’arrière. En Irlande, cela n’avait pas vraiment été concluant mais le staff apprécie les joueurs polyvalents. C’est quelque chose de positif pour moi.

Vous êtes quelqu’un d’ambitieux. Votre objectif est-il d’être champion du monde aujourd’hui ?

Pour moi, comme pour tout le groupe, l’objectif est clair. Mais il faudra respecter chaque étape pour y parvenir. L’équipe a montré, sur les quatre années, qu’elle avait le droit de rêver en grand. La France a prouvé qu’elle était capable de rivaliser contre les meilleures nations mondiales.

Vous les avez toutes battues durant ce mandat…

Cela apporte de la confiance et des garanties. Aujourd’hui, notre équipe a une expérience collective forte. Je le répète, on a le droit de rêver. On sait qu’on peut battre tout le monde mais une Coupe du monde, c’est différent. Tous les compteurs seront remis à zéro à partir du 8 septembre. Il y aura une telle tension, une telle ferveur. Il faudra le gérer pour faire un grand résultat.

Le 8 septembre, vous affronterez la Nouvelle-Zélande en match d’ouverture. Que pensez-vous de son retour au premier plan ?

Nous n’avions aucun doute sur le fait que les All Blacks seraient prêts le 8 septembre 2023 pour livrer un gros combat au Stade de France. Cela arrive à toutes les meilleures nations de connaître de moins bonnes périodes. Mais ça reste une grande équipe, avec de grands joueurs.

On parle du large vivier d’ouvreurs en France mais, avec Richie Mo’unga, Damian McKenzie ou Beauden Barrett, eux également sont bien servis…

Oui, ils font partie des meilleurs à ce poste et ils sont inspirants. Tous trois ont beaucoup de qualités, à la main ou au pied. D’autant que le jeu des All Blacks est très attractif, avec du spectacle. Je garde un œil attentif sur ce qu’ils font, en Super Rugby ou durant le Rugby Championship.

Avez-vous eu un modèle à votre poste ?

J’ai grandi avec Dan Carter, donc il m’a énormément inspiré aussi. Comme Jonny Wilkinson. Ils avaient des profils différents et ils ont su faire basculer les matchs importants grâce à leur talent. Wilkinson était dans un registre plus gestionnaire et propre, Carter davantage dans celui de faire des exploits. Mais ils savaient être décisifs dans les moments clés.

Et ils possèdent le point commun d’avoir été champions du monde…

Oui, exactement (sourire).

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Les commentaires (1)
MC3612 Il y a 8 mois Le 28/07/2023 à 00:52

Il remonte largement dans mon estime p/r à une précédente interview où il s'était dit inspiré par Owen Farrell : Dan Carter et Jonny Wilkinson c'est d'un autre calibre que ce triste sire !